Valeurs» absolues ou progrès concrets ?

L’enquête réalisée à la demande du Président Talamoni a provoqué une série de vagues et de contre vagues. Dans le trouble, les arguments des uns et des autres montrent les limites des principes qui prétendent se fonder sur des valeurs que l’on veut intangibles ou que l’on croit universelles.

Certes le questionnaire (Dieu, Yahvé, Allah), beaucoup de parents l’ont ressenti comme inapproprié pour des enfants du primaire, même aidés, encadrés par leurs enseignants, considérant qu’il n’y a pas lieu de les questionner sur leurs croyances. Cependant, ils ne rejettent pas le but de la recherche par une méthode scientifique de la diversité de la société insulaire.

Comment peut-on s’insurger contre cette recherche si elle veut faire un point clair sur les flux migratoires qui ont en peu de temps bouleversé la société traditionnelle insulaire corse ? Elle s’est faite depuis toujours avec des apports extérieurs qu’elle a pu intégrer, accrochée à ses montagnes, vivace même limitée en nombre, elle a pu résister et s’enrichir de ces apports à doses filées au cours des siècles.

 

De nos jours, le malaise vient de ce que ces valeurs, du moins celles que l’on croît ou qu’on imagine comme telles (famille au sens large du terme, amitié, solidarité, hospitalité « sacrée », dignité de tout homme, respect des morts, rejet de l’affront, horreur de l’humiliation, recours aux paceri…), toutes ces valeurs forgées pour un Peuple qui est réticent à toutes les dominations externes et internes, qui n’a que le mot justice à invoquer, qui n’en font pas pour autant un Peuple de héros et de saints, de plus le lien charnel avec la terre «mère », la nostalgie de l’exode ou le retour définitif au cimetière, toutes ces caractéristiques sont plus ou moins en recul.

La vie rurale s’est effondrée (réservoir d’hommes pour la République et vieillissement). Feu de paille aux vacances, le temps d’un demi été. Aucune activité économique structurante. On en est à défendre 2 ou 3 employés du bureau des postes menacé de fermeture…

Dans ce vide, la civilisation des loisirs commence sur les plages peu encombrées et se poursuit actuellement par le tourisme d’affairisme immobilier spéculatif rongeant les terres agricoles et truffant le piedmont de résidences secondaires.

Enrichissement rapides pour quelques-uns au nom du développement économique et accroissement du nombre des précaires, plus de 20.000 pauvres. Enlaidissement des paysages…

 

Toutes les conditions sont remplies pour que l’île soit une terre d’émigrés dans la construction, l’agriculture, plus pauvres que les pauvres de l’île mais plus jeunes et disponibles sans limites d’heures de travail, avec des bas salaires ou payés au noir.

L’affairisme, le contournement des lois entrainent peu à peu la gangrène politico-sociale, les comportements maffieux.

L’enquête contestée mieux formatée devrait être un élément d’une plus vaste sur les ressources de la communauté insulaire donc sur les activités économiques et les emplois pour savoir comment elles sont réparties, qui en bénéficie, comment elles sont réinvesties…

La «modernité» se caractérise par une liberté individuelle la plus grande possible, elle tend vers un individualisme hédoniste qui a besoin de toujours plus d’argent.

Tout ce qui est solidarité directe diminue. L’humanisme est un propos convenu. On délègue avec des excuses, valables ou non, la solidarité à l’administration car les couples travaillent et ne disposent plus de temps pour assister les leurs : maisons de retraites, aides à domicile pour les handicapés… et quelques visites avec des canistrelli. Bref, peu à peu, dans une civilisation de plus en plus individualiste et consumériste, le cercle de la solidarité familiale se rétrécit et il y a perte de lien affectif, le lien à la terre n’est plus que celui du propriétaire sans partage, la terre une simple marchandise. Chacun pour soit ? Et le diable pour tous ?

 

Le civisme du plus grand nombre (il y aura toujours des délinquants), nécessaire à la démocratie, cède le pas à l’art de ne pas se faire prendre…

De bonne ou de mauvaise foi les grands principes servent d’arguments pour justifier une situation ou la faire croire acceptable au nom du réalisme. Pour les associations de défense de l’environnement on a dénoncé un totalitarisme de khmers verts, puis l’immobilisme et le non développement économique.

Après le Jardin de l’Empereur et Siscu, on fustigera la xénophobie voire le racisme, on prêchera les vertus du vivre ensemble et ainsi de suite…

La réalité est simplement pleine de contradictions à surmonter avec des pièges à éviter. Défendre une idée démocratiquement quel qu’elle soit, liberté de penser et de s’exprimer sans aucune contrainte, oui.

 

Les flux migratoires ne sont pas une idée mais une réalité qui ne fait que se mondialiser. Ils posen des problèmes concrets et différents selon les territoires, les populations, leur démographie, leur économie, leurs cultures, leurs langues qui ont des conséquences pas uniquement positives. Il y a des endroits où l’économie a besoin de main d’œuvre dans l’intérêt de tous, du moins pour un temps.

Les USA attiraient par des offres alléchantes les chercheurs scientifiques tout en cherchant à filtrer les émigrés fuyant la misère ou les conflits. Une sorte d’immigration choisie faite pour les intérêts de l’État américain sans rhétorique humaniste. L’afflux des émigrants du sud amène Trump à vouloir construire un « rideau de fer » américain.

Le volume et le rythme de l’émigration bousculent les sociétés les mieux établies. Le problème est difficile à traiter et les données sont différentes d’un pays à l’autre et il existe pour un même pays des solutions en partie différentes.

Elles sont à discuter démocratiquement avec comme limite de ne pas verser vers moins d’humanité.

 

Corse, attaché à ma terre, prêt à accueillir mais pas à subir.

Devenant une simple marchandise, elle m’échappe et je ne suis plus corse, plus rien. Je suis fier, plein du meilleur qu’elle a mis en moi et je me démène pour qu’il en soit de même pour mes enfants. Je rêve qu’elle puisse être un exemple de citoyenneté, de fraternité, d’humanité, de démocratie.

Je me sens antiraciste, je trouve indécent qu’on puisse me prêter le moindre sentiment de xénophobie ou de discrimination.

Mon particularisme de petit Peuple me permet de comprendre celui des autres et de mieux saisir le dénominateur de la commune condition, celle de l’homme sur terre.

Je suis un nationaliste corse pour défendre le droit de survie d’un Peuple menacé de disparition, pour empêcher une injustice.

Max Simeoni

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