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Veut-on vraiment sauver le peuple corse ?

Max Simeoni
Max Simeoni
Parmi les obsessions de Max Simeoni, celle de l’union, ou plutôt de la non-union des nationalistes corses. De leurs divisions, et de leurs conséquences sur le jeu du pouvoir jacobin alors que devrait primer le fondement de la lutte : la sauvegarde du peuple corse. En pleine préparation des élections territoriales, en mai 2021, il interpellait à nouveau sur ces dangers…

 

 

Veut-on vraiment sauver le peuple corse ?

par Max Simeoni

 

Lundi 10 mai. Je prends connaissance des titres de Corse-Matin. Trois pages sont consacrées à la division nationaliste. À la Une du Corse-Matin sur toute la page, « Jean Christophe Angelini présente ses ambitions », que la page 2 développe sous les titres de « Jean Christophe Angelini dévoile la démarche Avanzemu ». La page 3 consacrée à Jean Guy Talamoni utilise deux phrases de lui pour le premier titre : « En ce moment, des coalitions de porteurs de voix se créent » et en bas de page : « Cette bataille, nous allons la mener dans l’honneur ». La page 4 pour « Core in Fronte : porter un projet, représenter la société insulaire » et à la suite les 60 noms de la liste. Celles de Avanzemu, Corsica Lìbera et de Femu encore en gestation ne vont pas tarder à émerger.

Sans être un initié à l’aise dans ce dédale des divisions nationalistes, la seule lecture de ces titres permet d’envisager l’idée, le sentiment que les leaders veulent suggérer. La force et la dynamique Avanzemu, sous-jacent, on tarde (à qui la faute ? Devinez !) mais on peut faire mieux. Des porteurs de voix se créent (Laurent Marcangeli ? D’autres ? Qui ?) quand les nationalistes se divisent, « nous ne sommes en rien responsables, nous poursuivrons l’union des nationalistes dans l’honneur ».

Le ton est donné pour le premier tour. Trop d’interlocuteurs pour espérer une issue facile en 48h avant la date limite de dépôt des listes du second tour qui déterminera, selon les résultats du troisième, la configuration de la nouvelle Assemblée de Corse.

Donc division « actée », comme le dit lui-même Gilles Simeoni, face à une Droite regroupée autour de Laurent Marcangeli à l’assaut des maires et des ComCom pour réduire les nationalistes avec l’appui du pouvoir central jacobin prêt à soutenir tout ce qui va dans ce sens.

 

Ce désordre, cette incohérence des composantes de la coalition nationaliste sont de l’irréel, du délire, pathologique pour ainsi dire. L’Union est toujours un combat à livrer à chaque instant. Ce n’est jamais un acquis définitif. Elle ne peut se créer sans avoir établi la confiance, non pas que dans les hommes qui, aussi méritoires puissent-ils être, peuvent toujours se tromper de bonne foi. Il s’agit de créer la confiance dans un système mettant en place une intelligence collective capable de porter les valeurs d’une aspiration commune et de mener le combat public pour les promouvoir.

Et de quoi elle procède ? De l’amour de la Corse de son territoire insulaire, de son histoire, de sa culture, de sa langue, bref de tout ce qui fait une identité de Peuple et de la fierté d’en faire partie. Il ne peut pas y avoir de prophète, ni d’homme providentiel pour mener la lutte de survie de notre Peuple. Elle dépend de chaque Corse qui a en lui cette raison de vivre pour dans la confiance créer la force, l’outil dont notre Peuple a besoin pour survivre et maîtriser son destin. L’intelligence collective passe par un système démocratique exemplaire sans lequel elle ne peut pas exister. Le choix de la voie démocratique est une obligation et la démocratie passe par une technique précise qui permet en toute transparence les débats, des comptes rendus, une autodiscipline, des statuts qui les décrètent. Tout se tient.

L’amour de la Corse, l’engagement, la responsabilisation de chacun, pour forger l’outil de la survie de notre Peuple, l’intelligence collective et la confiance par la pratique démocratique. Une faiblesse d’un des éléments est un aléa pour l’efficacité, un peu plus de temps perdu alors que le temps travaille de plus en plus vite contre la survie de notre Peuple. On ne sauve pas un Peuple par procuration. Mais un Peuple qui lutte pour une juste cause trouve des appuis, des soutiens qui viennent à lui. Fût-il petit comme le nôtre, il a le droit de vivre. Il n’y a pas d’autre option pour un progrès de civilisation humaine. C’est ainsi ou alors se coucher devant la loi des plus forts.

 

La disparition de notre Peuple n’est pas due au hasard. Les causes viennent de loin. La position en Méditerranée occidentale sous les États européens et pas éloignée du détroit de Gibraltar leur imposait d’avoir un contrôle pour leur sécurité, pour les voies maritimes de leur commerce, leur expansion coloniale, bref pour tout leur devenir.

La République était impérialiste au nom de valeurs universelles. Jules Ferry concevait l’école laïque, obligatoire et gratuite pour les promouvoir. Il était un colonialiste convaincu. La République est d’idéologie jacobine entièrement. Les lecteurs d’Arritti connaissent bien l’usage selon moi qu’elle a fait de la Corse. Loi douanière, pendant un siècle, désastreuse car aucune évolution de progrès économique possible et sa dépendance totale assurée, réservoir d’hommes pour les guerres de l’Empire, en 1962 réservoir vidé, l’Empire enterré aux Accords d’Evian, l’Europe à construire et « la civilisation des loisirs », les intérêts d’un tout tourisme rapide et massif est choisi secrètement par l’Etat, l’affaire de l’Hudson Institute le dévoile, rejeté, il est à l’œuvre en catimini.

De 160.000 habitants, la population bondit à 330.000 habitants en une trentaine d’années par un transfert de population et les « constructions à valeur locative » font qu’on a construit plus de résidences secondaires que tout autre région touristique par un avantage fiscal octroyé.

 

Comment peut-on afficher de telles divergences, un tel électoralisme débridé si on porte dans son cœur l’amour de notre terre à léguer à nos descendants ? Comment ne pas se rendre compte d’une telle nuisance ? Comment peut-on gérer l’immédiat alors que l’urgence historique est de s’employer à avoir les moyens d’une survie ? D’avoir le pouvoir de ne pas subir la loi des plus forts, c’est-à-dire de faire des lois et ou de les infléchir. L’autonomie et la reconnaissance juridique du Peuple et de ses droits imprescriptibles. Sommes-nous responsables ou tout le contraire ? Si nous le sommes, il faut créer le plus vite possible le parti de la voie démocratique pour le combat dans l’espoir du but : le sauvetage. •