Coofficialité - Reconnaissance du Peuple Corse

Voeux et rêves sans suite ?

Pace è Salute aux lecteurs d’Arritti et à leurs familles. Pour les militants, le souhait d’être à la hauteur de leur mission historique qui nécessite la détermination à toute épreuve et la lucidité, « un sensu sumerinu »… Et ne jamais oublier que quelle que soit la valeur de qui que ce soit, le sauvetage du peuple corse passe par un outil politique construit, façonné en commun, adapté à ce but historique.

Lucidité ? Elle découle d’un constat à faire partager.
L’existence d’un peuple corse, dont la langue est en voie de disparition qui ne doit rien au hasard ou à la fatalité et qui a des causes constantes.

Le droit universel basé sur la justice n’est-il pas de respecter les minorités avec leur culture et de les laisser évoluer sans contrainte, sous leur responsabilité ? On peut affirmer que les jacobins sont des « démocrates » mal formés de naissance.

 

Les Corses sont-ils responsables?

En partie quand ils ignorent encore les données du «problème corse » mais aussi quand ils croient en des moyens «négociés » insuffisants.

Aucun des trois piliers du Padduc, ne tient debout. Les natios les avaient pourtant estimés comme le minimum acceptable.

Le refus de la coofficialité pour la langue et la promesse du bilinguisme est l’évidence même d’une mystification, d’un leurre. Notre langue occupait tout l’espace insulaire et de la diaspora il y a 60 ans malgré que l’État jacobin la considérait comme un patois d’incultes, d’ignorants, une entrave à la connaissance du français, la langue d’une grande puissance aux valeurs de sa civilisation universelle. Elle avait besoin d’hommes pour son Empire et ses guerres. Elle a vidé le réservoir insulaire. Et aujourd’hui, la transmission intergénérationnelle est tarie. Elle n’est plus une langue maternelle. Elle est en voie d’extinction. L’État jacobin devant les protestations natios et des culturels a concédé le droit à l’enseignement facultatif, la ridicule Loi Deixonne 20 ans après les autres langues régionales. La protestation s’élargissant et la langue continuant à péricliter, la promesse d’un bilinguisme est faite « à stonde », mais la coofficialité est rejetée, l’agonie se poursuit. Les experts de l’Unesco ont fait un rapport sur le sort des langues minoritaires en 2002-2003. La lecture ne laisse aucun doute. Ils disent, entre autre que plus un peuple est petit, plus la durée de sa résistance écourtée. D’autant plus qu’il était de 160.000 habitants en 1960, réservoir vidé, à 330.000 de nos jours, l’accroissement venant pour l’essentiel des flux de l’immigration et des allogènes. L’Unesco explique cette chute accélérée en affirmant que quand les habitants sont obligés d’avoir recours à l’usage de la langue officielle pour deux ou trois administrations (Éducation, Justice…), la régression de la langue « locale » est enclenchée. En Corse, c’est toute la vie publique, y compris non officielle, qui y est soumise, depuis longtemps.

 

Vers 1955, avec deux ou trois copains étudiants, à l’entracte d’un film, nous nous sommes entendus dire : « Soyez polis, parlez français !…. » On l’a pris comme un véritable affront. Aujourd’hui, personne n’oserait faire la remarque à un émigré et il est de bon ton de tolérer ou même d’octroyer quelques aides pour qu’une langue minoritaire subsiste, encadrée de «principes » qui ne sont que des prétextes pour la laisser végéter.

Facultative, elle doit être pour ne rien imposer de discrimination ? Faux ! Car l’usage de deux langues, ne prive personne de choisir son moyen d’expression. Discriminatoire pour l’embauche ou les plans de carrière ? Faux ! Car il n’est pas question d’imposer du soir au lendemain. Une période de transition assez longue est inévitable pour rééquilibrer sans heurt le retard dû au monolinguisme officiel. Après Franco, le statut d’autonomie instituait la coofficialité et la compétence pour l’enseignement, les Catalans ont donné cinq ans aux enseignants non catalanophone pour être capables d’enseigner leurs matières en catalan, sinon, ils ne renouvèleraient pas leur contrat. Il y a eu très peu de défection. Nous ne sommes pas dans la même situation. Ils sont 5 à 6 millions parlant le catalan. Ils ont quelques décennies de coofficialité et les moyens d’une politique active pour garantir leur langue, sans nuire aux arrivants. Sans coofficialité, l’usure de notre langue se renforcera. Avec des flux migratoires, disproportionnés par rapport à notre potentiel démographique, l’accueil deviendra celui du coucou. Le droit universel basé sur la justice n’est-il pas de respecter les minorités avec leur culture et de les laisser évoluer sans contrainte, sous leur responsabilité? On peut affirmer que les jacobins sont des « démocrates » mal formés de naissance.

 

Le second pilier du Padduc est d’une évidence égale à celui de la langue. Le réservoir vidé, à l’heure du tourisme, la terre insulaire est une fontaine de revenus rapides et importants : spéculations, bâtis sur les bords de mer et sur les bords de route, viabilisation du mitage des résidences secondaires et des lotissements, grignotent l’espace agricole et

enlaidissent les paysages. Les adjudications sont opaques, tramées par les élus. Un simple arôme de mafiosisation ? Rien, pas de statut de résidence pour endiguer ce déferlement immobilier. Les lois ordinaires le peuvent nous dit-on !….

On peut déduire que ceux qui sont en charge de les appliquer, sont complices plus ou moins directement. Le plasticage tout récent de certains associatifs (U Levante…), signe la menace de gangrène.

 

Le troisième pilier fiscal, patrimonial, est insuffisant pour arrêter la dépossession. Le délai de 10 ans pour les Arrêtés Miot devrait permettre d’obtenir un vrai statut fiscal efficace. La fiscalité, le pouvoir fiscal, permet de freiner ou même d’empêcher la braderie de la terre, et d’inciter des actions conformes à l’intérêt collectif du peuple corse. Elle permet d’attirer des investissements extérieurs dans un échange partagé, donnant-donnant, de mobiliser l’épargne corse qui sert dans l’État actuel au soutien d’activités économiques hors de l’île le plus souvent.

 

Au Padduc, deux piliers manquent : coofficialité, résidence, le troisième est de sable patrimonial. Donc rien. On négocie des ordonnances, c’est-à-dire des transferts de fonds d’États qui permettent de faire face aux urgences dues au manque de fonds propres. On redéfinit des programmes d’avenir (eau, énergie, ruralité…) qui ne seront viables qu’avec la reconnaissance du peuple corse et les moyens d’un statut d’autonomie. Il faut que les prochaines élections enfoncent les grilles des jacobins. Il faut encore davantage de Corses pour cela. C’est un vœu, il ne peut être que celui des enfants de ce peuple pour qu’ils n’aient pas à vivre un rêve de cauchemars.

par Max Simeoni