En marge de la conférence-débat sur la présentation du Réseau méditerranéen sur la posidonie était présenté dans les salons de l’Assemblée de Corse le travail considérable mené au Parlement européen en faveur d’un « Pacte pour les îles », fruit de l’action conjuguée de François Alfonsi, député de la Corse, et de Younous Omarjee, député de la Réunion, qui a pris à bras le corps ce sujet crucial en sa qualité de président de l’importante commission du Développement régional (REGI) au Parlement européen, mais aussi du travail mené depuis de longues années au sein d’autres instances, comme la commission des îles de la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM) présidée durant 4 ans par Gilles Simeoni. « Il y aura un acte du Conseil en faveur des îles » a promis Younous Omarjee. Ce serait un événement historique pour la reconnaissance du fait insulaire dans les futures politiques de l’Union européenne.
Depuis plusieurs années, la Corse mène une véritable campagne de promotion au sein de tous les organismes européens où elle siège. Au Parlement européen, bien sûr, avec François Alfonsi dès son premier mandat, puis actuellement au sein de la commission du Développement régional (REGI) et l’implication d’autres députés insulaires, notamment du président de la commission, Younous Omarjee, dont le rapport a été adopté à une très large majorité le 7 juin 2022*. La Corse se fait entendre aussi au sein de la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM) où siège la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, et où le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, a beaucoup pesé au sein de sa commission des îles. Le gouvernement autonome des Baléares travaille également de manière intense auprès du gouvernement espagnol pour la reconnaissance du fait insulaire. Était d’ailleurs présent à Aiacciu, Antonì Vicens i Vicens, directeur des affaires extérieures du gouvernement autonome des Baléares dont l’expérience est précieuse pour la Corse et pour l’ensemble des îles méditerranéennes. « La Corse est la force motrice de tout ce travail mené depuis 15 ans » a dit Younous Omarjee. « Ce front des îles est une cohérence et une force » a surenchéri François Alfonsi dont le rapport sur la Méditerranée présenté ce mardi 9 mai devant le Parlement européen, entend aussi remettre les enjeux de Mare Nostrum au cœur des préoccupations et des politiques de l’Union européenne (lire par ailleurs).
15 millions d’européens vivent dans des îles. C’est un enjeu considérable. Elles vivent les mêmes contraintes, subissent les mêmes difficultés, aspirent à la même reconnaissance. Longtemps oubliées des politiques européennes, elles commencent à être prises en compte. Diverses instances se penchent sur leurs destinés. La résolution pour les îles permet de mieux saisir leurs problématiques et leur permet surtout de parler d’une même voix pour œuvrer à la prise en compte du fait insulaire au niveau des États et de l’Union européenne. Avoir fait comprendre que l’insularité n’est pas une entrave politique aux territoires périphériques au sein de la politique de cohésion a été une étape déterminante dans cette reconnaissance. « On peut tout à fait conserver et renforcer la prise en compte spécifique des territoires ultrapériphériques sur le fondement de l’article 349 du Traité de l’Union européenne, tout en mettant en place de façon concomitante une politique générale de prise en compte de l’insularité, cette fois-ci sur le fondement de l’article 174 du traité de l’Union. Ça a été un déverrouillage puissant » a dit le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni.
Le rapport présenté par Younous Omarjee, travaillé avec la commission REGI et le député de la Corse François Alfonsi pour œuvrer à la prise en compte du fait insulaire à travers un « Pacte pour les îles » dans la future politique de cohésion, a été une étape cruciale. 577 voix pour et 38 contre, une majorité écrasante qui confère « une légitimité historique » a rappelé Gilles Simeoni.
Pour cela, pour travailler à la prise en compte des îles dans la politique de cohésion, la prochaine présidence de l’Union qui sera tenue par l’Espagne, sera déterminante. « Le moment est très important dans le marathon ouvert depuis des années, d’une certaine manière nous nous trouvons dans les derniers 100 mètres » a imagé le président Younous Omarjee, qui a insisté sur le poids de la commission REGI dont les différents votes sont souvent suivis par le Parlement, comme lors de la crise sanitaire ou des défis de l’accueil de réfugiés lors de la guerre en Ukraine. REGI avait deux priorités en début de mandature qui ont été remplies aujourd’hui : les îles, et la Méditerranée, dont Younous Omarjee souligne la complémentarité du rapport de François Alfonsi « pour ramener la Méditerranée au cœur des préoccupations et des politiques de l’Union ».
« Le monde entier aujourd’hui accorde une importance nouvelle pour les îles » a-t-il dit « et les îles du monde elles-mêmes s’organisent ». Elles jouent un rôle capital sur la scène mondiale, compte tenu des enjeux géostratégiques, militaires, économiques, commerciaux, maritimes… « Tout oblige l’Union européenne aujourd’hui à se penser en puissance » et donc à prendre en compte ces enjeux. « La politique de cohésion de l’UE a vocation de plus en plus à faire du sur-mesure » a dit encore le président de la commission REGI, et « la Corse est une force motrice de tout ce travail mené depuis 15 ans ». « Le moment est venu de concrétiser » a dit encore Younous Omarjee qui s’est dit « extrêmement heureux et confiant ».
Le vote du rapport Omarjee a été un « déclencheur » dans de nombreux États de l’Union. L’Italie a constitutionnalisé l’insularité traduite par des mesures dans ses politiques nationales, le Sénat espagnol a adopté une résolution qui est « un message très clair au gouvernement espagnol ». La Croatie a une loi sur les îles. « Politiquement, nous ne sommes pas isolés et nous sommes de plus en plus forts ». Aussi, Younous Omarjee espère fortement en un signal positif du Conseil « pour marquer l’acte historique que nous attendons ». Un sommet des îles du monde se tiendra à Madagascar en novembre prochain et sera une nouvelle étape dans le « front des îles » qui s’est constitué. « Une nouvelle géopolitique est en train de naître » a conclu le député réunionais.
« Je demande au Président de la République française de se saisir de nos propositions » a-t-il lancé à l’adresse du gouvernement français afin qu’il appuie au sein du Conseil européen la demande de signature d’un « Pacte des îles » et que celui-ci puisse être intégré aux futures politiques de l’Union européenne.
Antonì Vicens i Vicens pour les îles Baléares a délivré un message de fraternité, « c’est pour moi un honneur d’être ici parmi vous en Corse » a dit le directeur des affaires extérieures du gouvernement autonome des Baléares, « je suis ici dans la même ambiance que l’on a aux îles Baléares, on est chez nous à chaque fois qu’on passe dans votre île » !
« Nous sommes dans un moment très spécial » a dit encore Antonì Vicens i Vicens, « nous sommes arrivés à un consensus général dans l’objectif très clair que nous avons de mettre en ordre un grand désordre pour mettre en œuvre une réalité commune à toutes nos différences. On a des réalités historiques et politiques très hétérogènes, des États membres qui sont insulaires, des régions insulaires, la réalité ultrapériphérique dont la majorité sont des îles et on a des municipalités, comme les îles de la Croatie, qui sont rattachées à une région ». Mettre tout cela en cohérence est crucial pour le responsable des Baléares. Il souligne le travail qui a été fait par son gouvernement pour conduire à ce consensus, et de tout le travail fait tant au sein de la commission des îles de la CRPM, du Comité des régions, du Parlement européen, du Conseil économique et social du Parlement européen, et enfin des États avec, c’est à noter, la présence des secrétaires d’État grec ou espagnol lors de la dernière assemblée de la Commission des îles de la CRPM. « Cela commence à changer, les États commencent à être pour cette reconnaissance de cette réalité insulaire ».
Les îles Baléares œuvrent maintenant à ce que l’une des priorités du gouvernement espagnol pour la présidence de l’UE, soit la mise en place de ce « Pacte des îles » avec pour objectif que « chaque règlement, chaque directive, chaque décision de l’Union européenne soit adaptée à la réalité insulaire ».
François Alfonsi s’est félicité de ce travail collectif qui fait parler d’une même voix. « Pour donner force à ces revendications pour les îles, il fallait mobiliser aussi les élus insulaires, de la Corse, de la Réunion, des Baléares… On est à un moment clé dans la construction des politiques européennes, une programmation est en cours, elle va commencer à être discutée l’an prochain. Elle le sera sur la base d’une proposition que la Commission européenne va faire, et cette proposition sera différente selon nos mobilisations » a rappelé le député de la Corse. « Si cette mobilisation arrive à faire bouger les lignes, la prochaine programmation des financements européens sera différente ».
« Il y a une opportunité très nette avec la présidence espagnole » a confirmé encore François Alfonsi qui souligne le travail des îles Baléares auprès du gouvernement Sanchez et insiste sur le rôle capital du « front des îles qui s’est constitué, qui s’est renforcé, qui s’est coordonné et qui aujourd’hui à une très grande cohérence et une force depuis Malte jusqu’aux Baléares et avec toutes les îles, qu’elles soient d’État, qu’elles soient autonomes, ou encore comme la Corse dans des statuts de droit commun ».
« Je voudrais faire passer un message d’espoir, nous avons levé des obstacles, il y aura un grand enjeu aussi pour que l’Europe regarde vers la Méditerranée » a conclu François Alfonsi.
« Il y aura très certainement un acte du Conseil en faveur des îles qui sera exprimé » a annoncé Younous Omarjee qui insiste aussi sur l’importance des prochaines élections européennes pour « continuer à faire vivre ce qui a commencé à se construire durant la présente mandature ». •
F.G.
* Voir nos divers articles sur arritti.corsica, rubrique Auropa, notamment :
« Parlement européen – Soutien massif à un pacte pour les îles »
« Le Parlement européen vote à une écrasante majorité ! »
« Faire entendre la voix des îles au Parlement européen »