Corse Sardaigne

Rapprocher enfin les deux îles !

Le premier des rapprochements entre Corse et Sardaigne consiste à informer nos populations respectives lors des grandes échéances politiques. Le 25 février dernier, la Sardaigne a complétement renouvelé son Parlement et changé sa présidence. Aucun média en Corse n’en a fait état. C’est déjà en soi révélateur des carences profondes du lien entre les deux îles pourtant si proches.

 

 

Le scrutin régional sarde se déroule à un seul tour durant lequel sont élus en même temps le président de la Giunta par scrutin uninominal, et les conseillers régionaux qui sont désignés pour 60 % sur la liste du président élu, et pour le reste répartis à la proportionnelle de leurs scores respectifs. Il y a un seul bulletin de vote où chaque électeur coche le président de son choix, et la coalition qu’il soutient, sans forcément que les deux choix soient liés. Chaque électeur émet donc deux votes sur un même bulletin, un pour choisir le président, l’autre en faveur d’une coalition politique, en choisissant la formation qu’il privilégie au sein de cette coalition, votes qui sont comptabilisés séparément lors du dépouillement.

 

Une coalition de partis

Chaque candidat-président est ainsi à la tête d’une coalition de partis. Ils étaient trois, Paolo Truzzu à la tête de la coalition de droite qui regroupe Fratelli d’Italia, Forza Italia, la Lega, et aussi le Partito Sardo d’Azzione (5,42 % des voix) ; Alessandra Todde, à la tête d’une coalition de gauche regroupant Movimento5Stelle, Partito democratico, alliance Verdi-Sinistra, et aussi un mouvement sardiste, FortzaParis (0,87 %) ; Rinato Soro à la tête d’une coalition centre gauche incluant une autre union de partis sardistes qui a recueilli 1,59 % des voix.

Alors que la coalition de droite sort largement en tête devant la gauche (48,88 % contre 42,56 %), la candidate de gauche remporte cependant, grâce à des dizaines des milliers de votes préférentiels, le scrutin pour la présidence. De ce fait sa liste, pourtant minoritaire, empoche la prime de 60 % des sièges accordé à la candidate présidente vainqueur du scrutin.

La coalition menée par Renato Soru a fait 8,65 %, et, comme elle ne franchit pas la barre des 10 %, elle n’aura aucun élu. Les 40 % de sièges restants seront donc répartis entre les deux coalitions principales, au profit des formations ayant franchi le seuil de 5 %. Le PS d’Az devrait ainsi disposer de trois élus sur soixante, et il sera à nouveau la seule représentation du mouvement sardiste au sein du Parlement à Càgliari. Avec un total inférieur à 10 %, les formations sardistes font un score bas au regard des précédentes élections.

L’explication des votes préférentiels d’Alessandra Todde (45,38 % l’ont élue alors que sa coalition n’a obtenu que 42,56 %) tient au mauvais résultat de son adversaire Paolo Truzzu (45,01 % pour lui alors que sa coalition en a recueilli 48,88 %). Sans doute son appartenance au parti d’extrême droite Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, par ailleurs très italiano-centré, a-t-il déplacé une partie des électeurs de sa coalition vers sa concurrente.

Quoi qu’il en soit, la Sardaigne va entièrement renouveler son exécutif à la tête de la Giunta. L’ancien Président Cristiano Solinas, issu du Partito Sardo d’Azzione, était membre de la coalition de droite qui a été battue. Sa fin de mandat a été polluée par plusieurs démêlés judiciaires.

Giuseppe Conte président du Mouvement 5 stelle, Alessandra Todde nouvelle présidente de la Sardaigne et Elly Schlein, secrétaire générale du Parti démocrate.
© FABIO MURRU/EPA/MAXPPP

Relancer les projets

L’explication des carences du rapprochement entre Corse et Sardaigne durant les dernières années tient pour beaucoup au manque de relations fortes entre la Collectivité de Corse et la Giunta della Sardegna.

L’environnement politique de ces relations est aussi pollué par des craintes d’un autre temps, que la réunion de Bonifaziu organisée à l’initiative de Femu a Corsica a rappelées. Ainsi, certains services de l’État continuent de voir toute relation entre Corse et Sardaigne comme un « nouvel irrédentisme », et certains lobbies économiques corses sont encore persuadés que les échanges avec la Sardaigne se feraient au détriment de leur pré-carré en Corse, notamment pour les monopoles importateurs du bâtiment ou de l’agro-alimentaire.

La dynamique du rapprochement apportera au contraire de nouvelles opportunités pour les deux économies qui ont tout intérêt à ne pas dépendre totalement des échanges avec leurs continents respectif, français et italien.

Il faut certainement saisir ce moment politique du renouvellement de l’Exécutif sarde pour relancer les relations et les projets entre Corse et Sardaigne. Même s’ils passent dans l’opposition, les élus sardistes du PSd’Az, et particulièrement l’ex-assesseur aux transports Antonio Moro qui était présent samedi à Bonifaziu, seront engagés pour cela.

Des contacts sont à prendre, et la présence d’une délégation officielle de la Collectivité de Corse lors de la prise de fonction d’Alessandra Todde serait certainement appréciée. •

François Alfonsi.