La première phase du Brexit s’achèvera très probablement dans les prochains jours, avec 2 mois de retard et un non-accord pour l’Irlande du nord. Ce devait être la partie la plus simple, ce ne fut pas le cas. La prochaine étape s’annonce tout aussi compliquée.
Achever la première phase
Le 23 juin 2016 les Britanniques – enfin surtout les Anglais (53,4%) – ont voté pour sortir de l’Union européenne (51,9%). Et le 29 mars 2017, Theresa May, la Première ministre britannique a notifié à Donald Tusk, le Président du Conseil européen, son souhait de quitter l’UE en activant l’article 50 du Traité de Lisbonne. Depuis ”the clock is ticking” (les horloges tournent). Au soir du 29 mars 2019, le Royaume-Uni sortira de l’Union Européenne (UE), devenant ainsi un Etat tiers.
Depuis, Bruxelles et Londres se sont mis d’accord sur les modalités de négociations. Enfin, Londres a surtout dû accepter celles de Bruxelles. D’abord, les amuse-bouche avec 3 sujets primordiaux à l’ordre du jour (droits des citoyens – européens au Royaume-Uni et britanniques dans l’Union Européenne – contribution britannique au budget européen et cas de l’Irlande du nord).
Puis, le plat principal, la négociation d’un accord transitoire, qui durera quelques années -probablement 2 ans – entre la sortie du Royaume-Uni de l’Union (29 mars 2019) et l’application du nouvel accord entre Bruxelles et Londres, qui préparera la sortie en douceur des Britanniques. Enfin, le dessert, permettra la négociation d’un accord de relations entre l’UE et le Royaume-Uni comme il en existe entre l’UE et de nombreux Etats tiers.
”les amuse-bouche”
La première phase, qui est sur le point de se terminer, n’était qu’un ”amuse-bouche” mais elle fut bien plus douloureuse et plus longue que prévue. Sur le droit des citoyens, Londres a dû accepter que les citoyens (britanniques en Europe et européens au Royaume-Uni) ne puissent pas perdre de droits, du moins le moins possible, du fait du Brexit. Les négociations ont traîné parce que Londres a mis 6 mois pour faire une proposition. Mais l’accord final semble un bon équilibre. La Cour de Justice restera pour plusieurs années encore la Cour qui jugera en dernier recours.
Sur sa contribution au budget européen, Londres a tout simplement abdiqué. Tout ce qu’elle s’est engagé à payer avant de partir devra être payé même après son départ. Mais très justement, Londres a demandé son dû et ce qui doit être versé aux porteurs de projets au Royaume-Uni (Budget européen) ainsi que les actions et participations du Royaume-Uni (Banque Européenne d’Investissement) seront payés et reversés. Mais Londres, qui espérait négocier la facture, a dû se rendre à l’évidence : elle passera à la caisse et payera son dû, ni plus ni moins. Le montant, non encore défini, tournera autour des 60 milliards d’euros, fourchette que Bruxelles a toujours présentée.
Mais le vrai problème demeurait et demeure toujours sur le 3ème sujet, l’Irlande du nord. L’accord sur les 3 points aurait dû intervenir fin octobre mais Londres bloquait sur sa contribution et le cas irlandais. Repoussé à décembre, l’accord ne pouvait plus l’être à nouveau, au risque de ne pas avoir finalisé la seconde phase (accord transitoire) avant le 29 mars 2019.
Les Irlandais du nord, les cocus de l’histoire?
Sur l’Irlande du nord, Bruxelles et Londres sont d’accord pour dire qu’ils ne sont pas d’accord! L’accord stipule que Londres doit éviter de créer une ”hard border” (une frontière dure comme entre l’UE et un Etat tiers) entre l’Irlande du nord et la République d’Irlande qui demeure dans l’UE. Mais l’accord ne dit pas comment! Pire, il est plus que flou. En effet, le Royaume-Uni doit essayer de trouver une solution lors de la seconde phase (solution qui aurait déjà dû l’être lors de la premère phase) ou alors il doit trouver une solution spécifique pour Belfast (qui va immédiatement créer des demandes similaires venues d’Edimbourg ou Cardiff) ou bien encore il s’engage à aligner son droit sur celui de l’UE (sans préciser s’il restera membre du Marché intérieur ou non et sans savoir si une instance supranationale pourra vérifier que Londres respecte bien sa parole) ou alors le Royaume-Uni s’engage à ne pas adopter de règles différentes faisant diverger l’Irlande du nord du reste du Royaume-Uni. Mais comment un pays de 1,8 million d’habitants peut-il contraindre 63 millions de citoyens à suivre des règles décidées par 430 autres millions d’Européens sans que ni les premiers ni les seconds ne fassent partie de l’ensemble des troisièmes? Et tout cela pour satisfaire au DUP (parti nord irlandais pro-unioniste conservateur, pro-britannique et pro-Brexit) qui soutient le gouvernement minoritaire de Theresa May.
Cet accord permet de gagner du temps, c’est évident! Il permet à chacun de sauver la face en achevant (partiellement) la première phase mais il ne résoud rien pour l’Ulster! Pire, il exclut implicitement la seule solution démocratiquement viable et inscrite dans les accords du Vendredi Saint: un référendum d’auto-détermination. La décision pour fixer la frontière doit revenir uniquement aux Irlandais du nord! L’histoire, notamment européenne, nous a suffisamment appris qu’ils ne fallait pas que d’autres (Britanniques ou Européens dans notre cas) fixent les frontières pour un autre peuple. Ça finit mal en général, et en Ulster particulièrement.
Avec une Ecosse qui a voté pour rester dans l’Union Européenne (62%), un pays de Galles qui a voté pour sortir de l’Union européenne (52,5%) mais qui souhaite rester dans le Marché intérieur et l’Union douanière (comme la Norvège qui accepte les règles européennes sans pour autant pouvoir les amender, ni les voter ou les rejeter) et surtout une Irlande du nord qui a voté pour rester dans l’UE (55,8%), on risque fort d’aller vers des moments difficiles surtout au vu de ce que Londres est en train de négocier. Bref, avec une sortie prévue en mars 2019 et une période transitoire qui pourrait durer 2 ans (mars 2021), on n’a pas fini de parler du Brexit. Et les Irlandais du nord pourraient bien finir par être les cocus de l’histoire.
Roccu GAROBY
Vice-Président de l’Alliance Libre Européenne Jeune