Quelle que soit la tournure de événements désormais, la déclaration unilatérale d’indépendance matérialisée par le vote du Parlement catalan le 27 octobre 2017 marque un « jour nouveau » pour la Catalogne. Rien n’y sera plus jamais comme avant.
Ce vote était inéluctable tant la volonté du peuple catalan vient de loin, et tant elle était préparée par la mobilisation active de tout un peuple depuis dix ans. Le traitement politique adéquat de cette question aurait commencé par prendre en compte cette réalité incontournable : le futur de la Catalogne appartient aux citoyens catalans.
Dans la période actuelle, seule une véritable médiation européenne aurait pu infléchir la trajectoire du peuple catalan pour conquérir sa liberté. Le résultat aurait été le même au bout du compte : une Catalogne indépendante, et l’Europe comptant un nouvel Etat-membre, issu cette fois de son « élargissement intérieur » et non de l’adjonction d’un nouvel adhérent encore aux portes de l’Europe. Mais le déroulement du processus aurait été mieux maîtrisé, des sas de transition possibles pour ménager un climat de bonne entente, y compris avec l’Espagne, et assurer la transformation institutionnelle que cette volonté d’indépendance du peuple catalan induit.
Mais l’Europe est restée paralysée, les principaux Etats-membres ont entraîné Bruxelles dans la solidarité mécanique avec Madrid, et ce qui aurait dû être un processus démocratique maîtrisé est devenu un bras de fer périlleux, avec de grandes inquiétudes sur le déroulement des événements à venir.
Que peut-il se passer désormais ? Madrid va vouloir prendre le contrôle de la Catalogne, et le vote du Sénat espagnol, par application de l’article 155 de la constitution espagnole, est intervenu immédiatement après la déclaration d’indépendance catalane. Mais entre le « dire » et le « faire » la distance est colossale, Madrid en a fait l’expérience avec ses tentatives pitoyables pour empêcher le déroulement du referendum du 1er octobre en envoyant la guardia civil, parquée dans des paquebots amarrés aux ports de Barcelona et Tarragona, matraquer la foule paisible des Catalans qui s’étaient rendus dans les bureaux de vote.
Face à la résistance passive des Catalans, comment Madrid imposera-t-elle sa loi constitutionnelle ? Elle destituera Puigdemont et sa majorité. Mais qui lui succédera ? Un madrilène bon teint ? Un Catalan issu de l’ultra-minorité du Partido Popular en Catalogne ? L’un comme l’autre auront leur autorité aussitôt contestée. Comment se feront-ils obéir ? Par des purges massives dans l’administration, la police, les pompiers et tout à l’avenant ? Et comment réprimeront-ils les manifestations qui paralyseront alors le pays ? La Guardia civil n’y suffira pas.
Mariano Rajoy veut provoquer des élections. Seront-elles ouvertes aux indépendantistes ? Ou bien les listes « sécessionnistes » seront-elles aussitôt illégalisées par la Cour Suprême pour atteinte à la constitution et empêchées de se présenter ? Le précédent a existé au Pays Basque, et un tel déni de démocratie n’effraie visiblement pas le néo-franquisme actuellement au pouvoir à Madrid. Comment l’Europe pourra-t-elle continuer de cautionner une telle dérive autoritaire au cœur même de son espace fondateur ?
Au fil de la Résistance catalane, aussi pacifique soit-elle, des épisodes de violence surviendront. Le précédent du referendum et des violences policières est là pour en attester. Les communiqués de soutien à Rajoy venus des capitales européennes seront alors beaucoup moins chaleureux ! D’ailleurs quand Donald Tusk, Président du Conseil, ou Jean Claude Juncker, Président de la Commission, et plusieurs chefs d’Etat européens, assurent le Premier Ministre espagnol de leur soutien, ils ne manquent jamais d’ajouter un avertissement sur la question de la tentation d’une politique de répression. Seul Emmanuel Macron a été l’adepte d’un soutien inconditionnel !
Le 27 octobre 2017, la Catalogne a vu son destin basculer. L’avenir immédiat est incertain et bien des événements risquent de l’assombrir. Mais rapidement l’option constitutionnelle espagnole va atteindre ses limites et on en reviendra au principe fondamental : la liberté de décider appartient au peuple catalan.
Et chaque jour qui passe contribuera à renforcer le sentiment indépendantiste parmi les Catalans.
François ALFONSI.