L’Alsace est toujours là. Bien vivante ! À tel point que l’État a dû concéder la création d’une «Collectivité Européenne d’Alsace » qui annonce la résurrection d’une institution spécifique alsacienne quand, il y a deux ans à peine, la loi NOTRe de Manuel Valls avait voulu la rayer de la carte.
Les Alsaciens viennent incontestablement de remporter une première et importante victoire. Et ils le doivent, pour l’essentiel, à la montée en puissance d’Unserland, le mouvement autonomiste alsacien membre de l’ALE et de R&PS, qui a remporté d’importants succès électoraux en devenant la seconde force politique en Alsace, devant le Front National.
Alors que la création d’une « Région Grand Est » avait fait disparaître l’Alsace du paysage institutionnel français d’un simple trait de plume, les Alsaciens viennent d’arracher un accord gouvernemental qui crée une future «Collectivité Européenne d’Alsace ». Cet accord officiel est signé de quatre ministres (Edouard Philippe, Jacqueline Gourault, Jean Michel Blanquer et Elisabeth Borne), et par les élus alsaciens des deux départements du Haut-Rhin et du bas-Rhin.
Il annonce la fusion des deux départements en son sein, et l’adjonction de compétences spécifiques à cette nouvelle collectivité aux contours originaux. Ces compétences originales portent notamment :
– sur la politique transfrontalière et le développement des relations avec les autres grandes régions européennes de l’espace rhénan que sont le land du Bade-Wurtemberg en Allemagne et le canton de Bâle en Suisse ; – sur la langue et le développement du bilinguisme ;
– sur les transports routiers avec le transfert depuis l’État de la compétence sur l’axe rhénan par lequel transite un des plus importants trafic d’Europe ;
– sur le développement économique avec l’institutionnalisation de l’Agence de Développement de l’Alsace placée sous la responsabilité de la nouvelle collectiivté ;
– sur la culture et le sport.
Mais cet accord annonce aussi des changements d’approche politiquement intéressants.
La compétence pour la coopération frontalière évoque ainsi « une responsabilité diplomatique expérimentale à l’échelle régionale ». Pour la langue, l’approche du bilinguisme intègre pour une toute première fois dans un texte signé par l’État français le concept d’enseignement par immersion. Au plan des symboles intéressants, l’accord prévoit aussi une plaque minéralogique aux couleurs de la nouvelle collectivité «Rott und Wiss ».
Certes, tout n’est pas gagné, et la «Région Grand Est » continuera à sévir en Alsace. Certes, le champ ouvert à cet enseignement par immersion est limité à un enseignement complémentaire facultatif («proposé aux familles »). Certes, la « compétence diplomatique » envisagée est partagée avec le Préfet au sein d’une « représentation transfrontalière », et l’enseignement par immersion n’est mentionné qu’au conditionnel. Mais que ces concepts émergent enfin dans un accord officiel ne peut qu’être inspirant pour les discussions à venir pour la Corse.
C’est ce que Jean Félix Acquaviva a exprimé lors de la question orale qu’il a pu poser au Premier Ministre lors de la session du mercredi 7 novembre. La réponse a été peu intéressante. Mais le Premier Ministre a dû concéder qu’un dialogue devait avoir lieu en Corse aussi, et annoncé qu’il serait en voyage officiel sur l’île prochainement.
Cette question orale était le fruit des possibilités législatives nouvelles permises à nos députés grâce à la fondation du groupe Libertés et Territoires. On commence ainsi à tirer les fruits d’investissements politiques, certes peu médiatiques comme la formation d’un groupe à l’Assemblée Nationale, mais finalement efficaces car cela a ouvert concrètement de nouvelles possibilités pour interpeller le gouvernement et l’État.
En Corse comme en Alsace, il ne faut rien lâcher pour arracher enfin quelques avancées politiques. À rombu di tirà, forse un ghjornu venerà !
François Alfonsi.