Internaziunale

Trêve à Gaza

Des milliers de Palestiniens tentent le retour chez eux, dans un Gaza dévasté par les bombardements.
Après quinze mois d’opérations militaires israéliennes meurtrières, une trêve a été négociée qui va permettre la libération d’otages détenus par le Hamas et de palestiniens emprisonnés en Israël. Cet échange symbolise l’état des lieux : malgré sa domination militaire, Israël n’a pas « éradiqué » le Hamas comme Netanyahu l’avait proclamé. Quant au Hamas, il est contraint de négocier.

 

 

Après 15 mois de bombardements incessants, on dénombre plus de 45.000 morts palestiniens, dont une majorité de civils, et 400 soldats israéliens tués lors des combats, dont encore une quarantaine ces derniers jours. La victoire militaire israélienne est incontestable, mais elle n’a pas « éradiqué » le Hamas, contrairement à ce qu’escomptaient Benyamin Netanyahu et ses alliés des mouvements d’extrême-droite.

Même si l’objectif était différent, le contraste est frappant avec l’issue de la guerre déclenchée contre le Hezbollah au Sud-Liban, beaucoup plus courte et fulgurante. Tsahal peut se targuer d’une victoire éclatante, démontrée par des faits d’armes spectaculaires : talkie-walkie et portables piégés explosant au visage des principaux cadres du mouvement, dirigeants ciblés les uns après les autres dans leurs caches secrètes, jusqu’au leader Hassan Nasrallah tué dans un bunker ultra-protégé du mouvement, ce qui suppose que le renseignement israélien ait tout su de son arrivée dans ce lieu, etc.

 

Les objectifs militaires d’Israël au sud-Liban sont en cours de concrétisation et toutes les bases Hezbollah en territoire libanais proches de la frontière sont en cours de démantèlement comme l’exigeait l’armée israélienne qui va ensuite se retirer du Liban et laisser la place à l’armée libanaise.

À Gaza, malgré l’occupation militaire et la violence des moyens déployés, la recherche des otages est restée en échec, mettant en évidence, quinze mois après l’attaque terroriste massive du Hezbollah en Israël, que le renseignement israélien peine toujours à infiltrer les rouages de l’organisation palestinienne. Les caches débusquées ont été rares alors que tout le territoire a été placé sous occupation militaire.

Un autre indicateur de la difficulté de Tsahal en termes de renseignements est le déroulement de l’élimination au bout d’un an de traque de « l’ennemi numéro un », Yahya Sinwar, pris au piège d’une action de ratissage aléatoire et non débusqué dans son repère comme l’a été Nasrallah. Et son remplaçant supposé, qui est son propre frère Mohamed Sinwar, reste à ce jour toujours introuvable.

Si le Hamas est très affaibli, il reste la seule force organisée de la bande de Gaza, et son aura populaire a probablement progressé à Jérusalem-est et en Cisjordanie. L’Autorité Palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas est peu crédible, et elle craint d’être supplantée y compris à Ramallah par le Hamas. Des affrontements inter-palestiniens ont cours à Jenine entre la police du Fatah et les groupes du Hamas. La situation est très instable.

 

La situation militaire dans la bande de Gaza dit beaucoup de la situation politique. S’il n’avait pas conservé un très fort soutien dans la population gazaouie, malgré, ou grâce, aux privations et aux bombardements, le Hamas aurait probablement été démantelé. L’échec politique de ce projet israélien est clair. Les soutiens internationaux d’Israël, en l’occurrence principalement les USA, par l’implication conjointe des deux administrations, celle sortante de Joe Biden et celle arrivant au pouvoir de Donal Trump, ont alors accentué leurs pressions pour que le gouvernement israélien prenne acte de cette réalité du terrain, et finisse par conclure cette trêve malgré l’opposition des plus extrémistes.

Contrairement à la première trêve conclue un mois après le début des hostilités, simple répit temporaire pour permettre le redéploiement de la guerre par les deux belligérants, cette trêve nouvelle apparaît comme le début de la fin du conflit enclenché en octobre 2023. Les soubresauts seront encore nombreux et aucune solution politique n’est en vue. Mais le temps pourrait être venu de mettre fin aux hostilités actuelles, et de passer à autre chose.

Cette phase de reflux du conflit ouvrira-t-elle la route à une paix véritable ? Depuis plus de 50 ans toutes les diplomaties mondiales l’espèrent, mais il n’a été enregistré que des échecs jusque-là. •

François Alfonsi.