La responsabilité de l’État dans l’assassinat d’Yvan Colonna a été reconnue par le tribunal administratif de Marseille. Une responsabilité administrative, dans la gestion de l’incarcération de son agresseur avant tout. Ce qui laisse quand même un goût amer.
D’aucuns trouveront la condamnation insuffisante, mais ce qui importait pour la famille est que cette responsabilité soit reconnue. « Dysfonctionnements majeurs », « manquements fautifs », « défaut de surveillance », « défaut d’inscription (…) en quartier d’évaluation de la radicalisation »… 75.000 € devront être versés à son épouse et à ses fils en réparation des souffrances physiques et morales endurées par Yvan durant son agression. Une décision qualifiée d’« exemplaire » par l’avocat de la famille Me Patrice Spinosi. La famille avait réclamé 200.000 €, l’État proposait 40.000 €. Le tribunal a suivi le rapporteur public, Florence Noire, qui a demandé une indemnisation plus élevée qu’habituellement dans ce type d’affaire où la responsabilité de l’État est engagée, estimant que les souffrances endurées par Yvan étaient de « sept sur une échelle de la douleur de sept ». Mais est-ce suffisant encore une fois, au vu de toute l’affaire et de ses innombrables zones d’ombre ?
Pour le tribunal, « l’État engage sa responsabilité, sans qu’il soit nécessaire que la faute qu’il a commise soit qualifiée de lourde, notamment du fait du manquement de l’administration à son obligation légale de surveillance et de respect de la sécurité des personnes détenues ».
L’État n’a pas rapproché Yvan Colonna, ce qui était pourtant son droit, et le tribunal n’a pas reconnu cette faute prétextant le fait que Borgu n’était pas un centre de détention équipé pour ce type de transfert. Quelques semaines plus tard, pourtant, il l’a été pour les deux membres du commando Erignac, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi… démontrant bien qu’il ne s’agissait là que d’un barrage politique. Il est évident que Yvan n’aurait pas pu être livré aux mains de son assassin si ce transfert avait eu lieu. De même l’obstination à le maintenir sous statut de Détenu particulièrement signalé (DPS) n’est pas reconnue comme un « manquement qui aurait pu éviter l’agression ». Alors que l’État contrevenait là à ses propres règles comme à tous les textes internationaux de défense des droits de l’homme et que ce statut était un obstacle objecté à son rapatriement en Corse.
Trois ans après l’agression sauvage et tellement facilitée du 2 mars 2022 dans la prison soi-disant la plus sécurisée de France, le malaise ne peut pas nous quitter avec cette décision du tribunal administratif de Marseille. Il faudra attendre le procès de l’agresseur, Franck Elong Abé, pour tenter d’approcher la vérité sur ses motivations, les circonstances qui lui ont permis d’agir, voire les encouragements ou les complicités qui ont pu le pousser à le faire.
Ghjustizia è verità. •