Herri Urrats, c’est la fête annuelle des écoles associatives immersives en langue basque, les ikastola, mises en place par la fédération Seaska. Lancée il y a près de 40 ans, en 1984, pour soutenir l’ouverture des premières ikastola et développer leur réseau, elle rassemble autour du lac de Saint-Pée-sur-Nivelle des dizaines de milliers de personnes et permet à la fois de réunir les fonds nécessaires au financement des écoles, et de fédérer toujours plus autour de la langue basque. Scola Corsa a eu le privilège d’assister à l’événement.
Grâce au soutien du député européen, François Alfonsi, une délégation de Scola Corsa emmenée par sa directrice Anna Catalina Santucci et plusieurs membres de son conseil d’administration et de ses équipes de travail, était présente en Pays basque pour échanger avec les responsables des ikastola et de la fédération Seaska. À cette occasion, tous ont pu s’émerveiller de la dynamique de l’Herri Urrats.
Le peuple corse s’inspire depuis longtemps des expériences basques. Que ce soit en matière de langue, de culture, d’économie, de combat institutionnel, de luttes sociales, le peuple basque est un précurseur et il a beaucoup à nous apprendre. Au sud (communauté autonome d’Euskadi), comme au nord (Iparralde), c’est ainsi pour chaque initiative prise par le mouvement abertzale (patriotisme basque).
Ainsi, depuis 54 ans, l’abertzalisme a mis en place des écoles associatives immersives en langue basque et une fédération pour animer ce réseau : Seaska (berceau en langue basque). Et pour le consolider, fut imaginé, en 1984, l’Herri Urrats, littéralement, le pas du peuple. Le principe consistait, autour du lac de Saint-Pée-sur-Nivelle, 12 hectares, en une marche où chaque pas compterait au bénéfice de la langue, pour recueillir des fonds, pour séduire de nouveaux parents, pour inscrire toujours plus d’enfants et ouvrir toujours plus d’écoles. L’enjeu : le sauvetage de l’euskara, la langue basque, en visant sa réappropriation par une totale immersion linguistique : parler basque à l’école mais aussi enseigner en basque, langue exclusive des établissements, ce qui permet de la faire retentir pour tous les cours, à tous les niveaux, durant le temps scolaire et périscolaire avec toutes sortes d’animations pour que l’enfant s’imprègne de cette magie linguistique, de ses sonorités, de ses expressions. Objectif : fabriquer de parfaits basquophones, dans l’usage quotidien, avec le maître, mais aussi et surtout entre les enfants, dans et hors l’école, à la maison et dans la vie de tous les jours !
Les écoles immersives ikastola sont un véritable fait social. Même s’il reste encore beaucoup de progrès à faire, 4.200 enfants sont scolarisés dans 38 écoles répartis sur tout le territoire, quatre collèges, un cinquième à la prochaine rentrée, et un lycée (bientôt un second) qui compte parmi les meilleurs résultats de France au baccalauréat ! Tout cela repose sur la volonté et l’énergie des parents et militants qui les portent. « L’implication des parents est indispensable, tant pour assurer le bon fonctionnement de l’ikastola, que pour contribuer au bienêtre de l’enfant. L’ikastola existe grâce à ce bénévolat. Les parents doivent s’impliquer de diverses manières selon leurs goûts et disponibilités » explique Seaska.
La force des ikastola c’est la langue, mais c’est aussi la pédagogie, « à l’ikastola, on considère que chaque enfant a sa personnalité, et sa façon d’apprendre ! L’élève est vu comme un être singulier, actif, acteur, cherchant et donnant du sens ».
« L’euskara est la langue de vie de l’ikastola : en plus de la classe, les récréations, les sorties, les activités ainsi que la cantine ont la même importance, puisque nous offrons ainsi un environnement diversifié à l’enfant pour son épanouissement en basque. En maternelle, à l’âge adéquat pour apprendre les langues, les jeux, chants et contes occupent une place particulière, pour que l’enfant s’approprie l’euskara par le plaisir » témoignent encore les militants de Seaska.
L’Herri Urrats est le témoignage de cette magnifique réussite. Aujourd’hui en moyenne 50.000 personnes animent sur une journée (second dimanche du mois de mai) divers ateliers, bars, restaurants, concerts autour du lac. Sept grandes scènes sont dressées représentant les sept provinces du Pays basque : « Au fil des ans, Herri Urrats s’est imposée comme l’un des plus importants rassemblements du Pays basque et de la Nouvelle Aquitaine. Chaque année, des milliers de personnes accourent depuis les sept provinces basques et même d’au-delà pour profiter de cette journée festive dans un cadre magnifique mais aussi témoigner de leur soutien à la langue basque » témoignent nos amis basques. Même lorsque le temps est exécrable, comme cette année, des dizaines de milliers de personnes s’y retrouvent malgré la pluie… (on évalue à 30.000 les participants cette année !).
2.500 bénévoles y travaillent le jour-J pour participer au montage/démontage avant et après l’événement. Ce sont les parents des ikastola qui assurent cette préparation extraordinaire autour d’un(e) coordinateur(rice) à travers diverses commissions (programmation, vente, logistique, communication, restauration, bars, surveillance, transports…).
L’événement se prépare tout au long de l’année et rapporte in fine quelques 300.000 euros de bénéfices tous les ans. Ceux qui ne peuvent pas s’y rendre, tiennent à y participer par des dons. Les bénéfices sont reversés à l’association Ikastolen Egoitza (les locaux des ikastolas) en soutien aux écoles. Cette année, ils permettront de financer le 5e collège en pleine construction à Saint-Pée-sur-Nivelle (lire ci-dessous).
Côté nourriture, l’Herri Urrats se chiffre en plusieurs tonnes de frites, en centaines de kilos de viande, en plusieurs dizaines de milliers de litres de bière, de cidre et autres boissons… Des dizaines de groupes se succèdent sur la scène, témoignant d’une culture vivante. Et le plus impressionnant est le nombre de jeunes qui participent à l’évènement. On vient à l’Herri Urrats pour assister à des spectacles où la langue basque s’exprime dans tous les genres, et particulièrement aux sonorités nouvelles, du rock, de la techno ou de la world music. Les jeunes adorent et il faut voir et entendre à quel point dans tous les espaces du site, c’est la langue basque qui s’impose sur toutes les lèvres !
Vivre en basque le plus naturellement du monde : le pari Seaska d’il y a quelques 40 années est gagné. Et il n’est pas prêt de se terminer : « Tant qu’il y aura besoin de mettre l’Euskara en avant, il y aura toujours Herri Urrats » affirment avec fierté nos amis basques ! •
Fabiana Giovannini.
Cinquième collège Seaska : nouveau pari gagné !
L ’extraordinaire dynamisme basque se mesure dans les réalisations de Seaska. À chaque fois, un pari osé, et un pari remporté ! Ainsi, le cinquième collège : en janvier dernier, c’était un terrain vague de 10.000 mètres carrés pour construire le collège, son gymnase et son parking avec l’accès aux transports en commun. Cinq mois plus tard, à notre passage à l’Herri Urrats, on a pu mesurer l’avancée impressionnante du chantier : l’essentiel de l’architecture est monté… grues et engins de chantier sont en action, et les entreprises l’assurent : le collège ouvrira bien ses portes à la rentrée 2023 ! Il pourra accueillir 150 élèves des communes environnantes puis à terme jusqu’à 250 élèves ! Il faudra plusieurs Herri Urrats pour le financer avec un budget de 6 M€ ! Tout ça grâce à l’énergie, l’ingéniosité et la volonté d’être d’un peuple. Mais comment ils font ?! •