Le vote de la loi Molac, puis sa censure par le Conseil Constitutionnel, ont remis, 70 ans après la loi Deixonne, la question des langues régionales au cœur de l’actualité politique en France.
Le vote a été clair et net : une large majorité des parlementaires, 72 % des députés et 81 % des sénateurs, ont approuvé, malgré l’avis contraire du ministre de l’Éducation Nationale, le développement de l’enseignement immersif pour les langues régionales dans le service public de l’éducation.
À cette volonté démocratique très clairement exprimée, par un grand nombre de députés et sénateurs présents en séance, le Conseil Constitutionnel, saisi à l’instigation du ministre Blanquer, a opposé sa censure par référence à l’article 2 de la Constitution qui dispose que « le français est la langue de la République ».
Cette décision, très largement décriée, a fait l’objet d’un premier commentaire dans la revue officielle de l’Institution qui expliquait que seul l’enseignement public serait concerné. Puis, quarante-huit heures après, ce même commentaire était modifié, expliquant que la décision du Conseil s’appliquait à l’ensemble du service public de l’Éducation, c’est-à-dire y compris les écoles sous contrat d’association, enseignement associatif et enseignement confessionnel, qui bénéficient de la prise en charge « sous contrat » des salaires de leurs enseignants.
Cette décision est donc une épée de Damoclès qui menace l’enseignement par immersion du modèle Eskolim dans ses six déclinaisons, basque, bretonne, catalane, occitane, alsacienne et corse.
Face à l’ampleur des manifestations que cette décision a provoquée, le Premier Ministre et le Président de la République ont cherché à rassurer. Le moyen de cette temporisation a été de missionner « auprès de Jean Michel Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale », deux des députés de la majorité, du groupe LREM (Yannick Kerlogot) et du groupe Agir (Christophe Euzet), qui avaient voté en faveur le la loi Molac.
Ils viennent de rendre leur rapport. C’est un catalogue de bonnes intentions qui n’apportent aucune réponse sécurisée et durable. On comprend aussitôt que ce rapport a été validé par Jean Michel Blanquer avant d’être rendu public. Notamment, il exclut le recours à une modification constitutionnelle qui permettrait de disqualifier enfin les interprétations du Conseil Constitutionnel. Mais on ne s’attendait guère à ce qu’Emmanuel Macron, dont on sait les positions très réactionnaires en la matière, se prête à une telle démarche à quelques mois de l’élection présidentielle. Autant dire qu’il faudra en faire un thème de campagne pour l’année à venir, aux présidentielles, et au-delà, lors de la campagne des législatives.
De toute façon, c’est dans un rapport de forces au quotidien que l’avenir de l’enseignement par immersion se jouera. Tant que Scola Corsa sera « hors contrat », et donc financée en dehors de relations avec l’Éducation Nationale, il échappera à cette censure.
Pour le reste, les autres réseaux vont défendre avec ardeur ce qu’ils ont réussi à construire. Leur force de mobilisation est remarquable et nous serons 100 % solidaires pour faire reculer la machine étatique qui veut la mort de nos langues.
À force de mobilisation, la question de la révision de la Constitution, à travers le renforcement de l’article 75-1, finira par s’imposer. Celui-ci dispose que « les langues régionales sont le patrimoine de la France ». Il conviendra d’y ajouter : « Leur transmission est favorisée par l’enseignement, y compris par immersion ».
De quoi clouer enfin le bec au Conseil Constitutionnel. •