Langues régionales

L’ONU interpelle l’État français

Le Conseil des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies, saisi par le réseau European Language Equality Network (ELEN), a interpellé l’État français à propos de sa politique discriminatoire envers les langues régionales. Un allié de poids pour nos langues !

 

Le 21 mai dernier, on s’en souvient, suite à l’adoption le 8 avril à une très large majorité de la Loi Molac relative à « la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion »*. Le gouvernement, qui s’est montré hostile tout au long de la procédure (en première et seconde lecture à l’Assemblée nationale comme au Sénat), a saisi le Conseil constitutionnel à travers 61 députés de sa majorité, poussés par son ministre de l’Éducation nationale (alors Jean-Michel Blanquer) qui a mis en cause l’enseignement par immersion ou encore la spécificité de l’écriture, à travers le n tildé breton. Le Conseil constitutionnel avait suivi les désidératas du ministre par la censure des aspects principaux de la loi, en déclarant anticonstitutionnel l’enseignement immersif dans une langue autre que le français, menaçant directement ainsi l’existence des réseaux d’enseignement associatif immersif, pour certains installés depuis près de 50 ans ! Une menace directe sur la survie des langues régionales, en danger de disparition selon l’Unesco, mais aussi pour les centaines d’emplois investis dans ces réseaux d’enseignement immersif. De plus, « c’est une vision totalement dépassée car on va devoir se passer d’une pédagogie très efficace. Cela met même en insécurité tout un tas d’écoles avec un enseignement en breton, mais aussi en basque, catalan, occitan » avait dénoncé Paul Molac, député de l’Union Démocratique Bretonne.

Après une forte levée de bouclier, il avait fallu l’intervention du président de la République pour « rassurer » sur l’existence de la poursuite de cet enseignement. Mais la menace pèse toujours ; les défenseurs des langues régionales réclament une inscription dans la Constitution et les mesures législatives qui en découlent pour sécuriser définitivement leur enseignement et leur épanouissement sur leur territoire respectif, car nos langues ne sont pas à l’abri, on le voit, d’un ministre, d’un gouvernement, ou même d’un simple recteur d’Académie, pour remettre en cause les quelques avancées obtenues jusqu’ici.

« Nous craignons que l’adoption et l’application de cette décision puissent entraîner des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques en France » dit le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies dans son courrier adressé au gouvernement français le 31 mai dernier.

La lettre qui demande des explications, est signée par Fernand de Varrennes, rapporteur spécial sur les questions relatives aux droits des minorités, Alexandra Xanthati, rapporteuse spéciale sur les droits culturels, et Koumbou Boly Barry, rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation. « Cette décision peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langues et de cultures historiques minoritaires en France », en contradiction avec les engagements à la Convention internationale sur les droits de l’enfant, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, dénoncent encore les rapporteurs. L’ONU souligne également « le risque de traitement différentiel entre la langue anglaise d’une part, et les langues minoritaires de France d’autre part, au sein des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci ». Le courrier interroge sur les « mesures prises » par le gouvernement « pour garantir l’accès à l’enseignement public dans les langues minoritaires ainsi que leur usage dans la vie publique et privée ».

Nul doute que Paul Molac et le tout nouveau groupe « Libertés Indépendants Outremer et Territoires » où siègent les députés nationalistes corses vont s’emparer de cette interpellation ferme de l’ONU. À suivre de près. •

F.G.

 

* 247 voix pour, 76 contre, 19 abstentions. Loi adoptée contre l’avis du gouvernement.