Umagiu

Ce que nous enseigne la mort de Simon Fazi

Arritti hà fattu parte di a sparizione di u nostru fratellu Simon Fazi a settimana scorsa. L’associu l’Anziani per l’avvene ci manda ss’umagiu ch’ellu ci dumanda di publicà è chì ci ramenta ciò ch’elli anu indidatu parechji patriotti ind’è a nostra storia di ss’ùltimi cinquant’anni. Salutemu quì tutti i patriotti spariti. Sò per sempre ind’ i nostri cori è e nostre memorie. È tù, ghjuventù, provi à marchjà nant’à i so passi. A si merìtanu.

 

« Nous ne sommes plus à l’heure des veillées et de l’agora sur la place de l’église où l’on y racontait l’histoire de son village voire l’histoire de la Corse et des acteurs d’un temps révolu.

Dans ce monde devenu muet, silencieux, sans continuum mémoriel, il est difficile de faire connaître ces acteurs souvent discrets de telle ou telle période.

La période de Simon Fazi est d’abord celle du réveil d’une Corse des années 60, comateuse, exsangue, peu peuplée suite à des exodes massifs, manipulée dans une entente tacite état-clans, ouvrant les portes à toutes les spéculations : SOMIVAC, SETCO, colons, investisseurs aussi silencieux que pernicieux, barbouzes.

Cette période de réveil se fit grâce à des médecins lucides au chevet de l’agonisante. Nul besoin de les nommer, tout un chacun les a en mémoire.

L’équipe s’est vite renforcée de volontaires, une poignée d’hommes prêts à tout sacrifier pour sauver ce corps social cachexique, ce qu’il restait du peuple corse sur sa terre de Corse, la mère patrie.

Simon était de ceux-là.

Les plus généreux furent les premiers à se lever. Ceux dits de la première heure.

La lutte allait être âpre. Ce corps social malade ne pouvait être bousculé. Dans cette société culturellement et anthropologiquement clanique, cette société de l’après-guerre attachée au drapeau tricolore flottant encore sur les tombes du champ d’honneur, drapeau ô combien objet de fierté, il ne pouvait être question de transformation radicale en un jour, avec une tête de bélier. La main de fer de la détermination avait besoin de l’épais gant de velours de l’empathie pour l’amener sur la tamanta strada.

S’il fallut s’engager frontalement, ce fut avec celui qui était détenteur non pas de la raison mais de la « violence légitime », l’État français, jacobin, droit dans ses bottes encore aujourd’hui.

Il fallait de l’abnégation, des hommes courageux, volontaires, lucides, fiables, incorruptibles.

La longue lutte connut des chausse-trappes, des provocations barbouzardes, des perquisitions matinales, des accusations infondées, des emprisonnements arbitraires et injustifiés.

Simon en fut une victime.

L’homme était d’une générosité peu commune.

Il avait le courage tranquille des gens qui ont raison, inébranlable dans sa foi.

Dans notre association L’Anziani pè l’Avvene, nous avons pu mesurer combien la pondération du sage qu’il était, participait sans mots inutiles, à tempérer les passions pouvant quelquefois altérer la raison.

Son regard bienveillant ne l’empêchait pas d’incarner les fondamentaux.

Avec ces qualités il a pu surmonter toutes les épreuves.

Il a dû s’incliner devant la maladie.

Il restera pour nous un modèle, une référence.

Nous partageons la peine de sa famille à qui nous renouvelons nos condoléances.

Chi a to terra ti sìa legera. Riposa in pace.

Qu’il nous soit permis d’associer à cet hommage deux des nôtres également disparus récemment : Jean Paolini et Jean Franceschetti et qui n’ont pas démérité dans ce combat pour la dignité et le droit à la vie. » •

L’Anziani per l’Avvene