Nos lecteurs savent ce que pense Arritti de « l’affaire Colonna ». Nous avons rendu compte dans nos colonnes durant des mois et des années, d’abord de l’injustice qui lui avait été faite, lui qui a toujours clamé son innocence, puis dans le suivi des procès et leurs verdicts d’État, enfin durant l’agression brutale puis la mort d’Yvan, les semaines qui ont suivi, et enfin les travaux de la Commission d’enquête parlementaire et ses conclusions. Saurons-nous un jour la vérité ?
Lors de l’audience pour l’indemnisation du préjudice subi par Yvan Colonna, le rapporteur public a clairement énoncé la responsabilité de l’État. Les 4 mois d’intenses travaux, les 37 auditions, les 71 personnes entendues, les révélations et les conclusions du rapport de la commission d’enquête parlementaire que présidait dans la précédente mandature Jean-Félix Acquaviva alors député de la Corse, ont laissé trop de zones d’ombre pour le contester. La personnalité de l’assassin, sa liberté d’action au sein de la prison, malgré sa dangerosité avérée et son statut de « haut du spectre » du terrorisme islamiste, les agressions et les menaces qu’il a commises régulièrement contre des détenus ou des gardiens, les signaux permanents renvoyés dans les différentes prisons où il a été incarcéré, puis à Arles, jusqu’à peu de temps avant l’agression contre Yvan Colonna, suffisent à déclencher un scandale d’État.
Mais ce n’est pas tout. Le comportement de la directrice de la centrale d’Arles et de sa hiérarchie ne soulève pas que des problèmes de dysfonctionnements, il y a eu des fautes graves, couvertes par des mensonges. En amont, pendant, et en aval de l’affaire. Le jour même de l’assassinat, il y a trop d’anormalités, entre l’agent affecté à la surveillance qui s’éclipse sans qu’on sache où, après avoir laissé Yvan et son assassin seuls, ensemble, alors qu’ils n’auraient jamais dû se croiser, et encore moins se trouver dans une même pièce sans surveillance, les dysfonctionnements de la vidéo surveillance, l’incapacité de s’en servir, les manipulations du fichier Genesis (fichier de suivi des détenus), les responsabilités de l’administration pénitentiaire, mais aussi les responsabilités politiques. Car si Yvan avait été rapproché au moment voulu, il ne serait pas mort. Entre le refus systématique de lever le statut de Détenu Particulièrement Signalé, alors que cette levée était de droit, les complaisances et facilités faites à son agresseur, le traquenard qui a conduit à la mise en contact des deux hommes, le jeu trouble de la part du renseignement pénitentiaire, et plus largement de la dite « communauté nationale du renseignement », au plus haut niveau de la sûreté de l’État, le jeu trouble encore du Parquet national anti-terroriste, et celui de la préfectorale, avec notamment les échanges révélés entre préfets… trop, beaucoup trop de scandales dans le scandale. Tout ceci peut-il être gommé par l’octroi d’une indemnisation quelle qu’en soit le montant ? Ou bien ne faudrait-il pas s’atteler à un examen de responsabilités pénales et une réforme en profondeur de tous les appareils d’État qui ont fauté ?
En Corse… Mis à part l’excès de colère de la jeunesse au moment de l’agression puis de la mort d’Yvan, et excepté le monde nationaliste, l’extraordinaire et insupportable non-réaction générale de la classe politique, et au-delà de la société civile, interroge. La revendication « Ghjustizia è verità » reste sans suite. C’est néfaste pour la démocratie, pour la paix des esprits, pour la justice. •