Après ses révélations fracassantes, faites en février dans un courrier adressé à la juge d’instruction en charge d’élucider les circonstances de l’assassinat d’Yvan Colonna en prison, Franck Elong Abé a été entendu par la juge le 5 avril en présence des avocats de la partie civile. Encore une fois, l’homme s’est retranché dans une attitude contradictoire et provocatrice, refusant de répondre aux questions, il a carrément tourné le dos à la juge et n’a pas pipé mot.
Illuminé ? Malade mental ? Manipulé ? Manipulateur ? Probablement tout à la fois. Franck Elong Abé est une énigme.
Mis en confiance par plusieurs contacts précédents, Yvan Colonna ne s’est pas soucié de l’entrée de son assassin dans la salle de sport dans l’intention ferme de le tuer le 2 mars 2022.
Première énigme, le mobile reste inexpliqué. La thèse du blasphème est tombée. Non crédible, tant par la personnalité d’Yvan, que par les témoignages de ses gardiens et aujourd’hui par l’assassin lui-même. Pourquoi est-il passé à l’acte alors qu’il était libérable en décembre 2023 ?
Autre énigme, comment a-t-il pu opérer en toute quiétude ? Habilité à circuler tranquillement dans la prison au moyen d’un statut d’auxiliaire auquel il n’aurait jamais dû avoir droit. DPS (Détenu Particulièrement Signalé), radicalisé, arrêté sur théâtre de guerre en Afghanistan par l’armée américaine, il aurait dû être orienté vers un Quartier d’Évaluation de la Radicalisation. Sans parler de sa violence récurrente : agressions, insultes, menaces de se suicider, mise à sac de sa cellule, incitation à la révolte, etc. Franck Elong Abé est un individu dangereux, qualifié de « haut du spectre du terrorisme islamiste », il a bénéficié d’une clémence unique en France parmi les terroristes islamistes.
Il a pu pénétrer dans la salle de sport, alors que cela lui est interdit quand celle-ci est utilisée. Pire, le gardien censé surveiller les détenus s’est absenté, sans qu’on sache où, puisqu’il dit ne pas s’en souvenir, et que les vidéos qui auraient dû suivre son itinéraire ont été effacées…
Il a opéré en toute quiétude encore durant 9 longues minutes, sans se soucier des caméras, comme s’il savait que personne ne les consulterait à ce moment-là. Il a regagné tranquillement sa cellule qu’il avait pris soin de nettoyer la veille, comme s’il s’attendait à être transféré…
Cela fait beaucoup de circonstances étranges révélées par l’enquête de la Commission d’enquête parlementaire sous la présidence du député de la Corse Jean Félix Acquaviva.
À la lumière de ces informations et de bien d’autres témoignages, de gardiens, de médecins, de responsables politiques ayant eu à traiter les demandes de transfert à Borgu d’Yvan Colonna, comme à la lumière des déclarations confuses de responsables des services de renseignements français, les nouvelles déclarations de Franck Elong Abé, ne peuvent qu’interpeller.
Avant celles-ci, il ne faisait aucun doute que ce meurtre était prémédité, et la probabilité qu’il soit commandité apparaissait plus que plausible.
Alors, quand l’homme écrit qu’il a été manipulé par des hommes de la DGSI, que ceux-ci ont commandé le meurtre contre une très forte somme d’argent et la promesse d’une peine de moins de 10 ans de prison…, qu’il avait pour communiquer avec eux un téléphone portable qui ne figure pas dans les procédures judiciaires, que c’est au moyen de ce téléphone qu’il aurait dit (à la DGSI ?) la veille de l’agression, « je vais le tuer »… les doutes qui nous occupaient prennent tout leur sens. D’autant que s’est posée l’éventualité qu’il soit un indicateur des services. Thèse qui colle avec toutes les incohérences de son traitement carcéral et même le fait qu’il estime ne pas avoir besoin d’avocat. Se sentait-il intouchable ?
Né au Cameroun, Franck Elong Abé est élevé par ses grands-parents maternels, À 13 ans, ses troubles du comportement sont décrits comme « une possession diabolique » par sa famille qui le conduit à consulter des médiums. À 15 ans, il rejoint ses parents en France où il est suivi par un juge des enfants pour sa délinquance. À 18 ans, de nationalité française, il veut intégrer la marine nationale. Mais son casier pour « attaque à main armée » l’en empêche. Vol, menaces, violences, il est condamné plusieurs fois.
En 2008, il se rend au Canada et se convertit à l’islam. Il est expulsé en 2010 pour avoir agressé des fidèles dans une mosquée. Installé à Bordeaux, il part pour l’Afghanistan en octobre 2011 où il fréquente des Talibans dans un campement à Mir Ali au Pakistan, puis dans les montagnes d’Orakzai pendant six mois et sert de messager entre les Talibans pakistanais et afghans.
Arrêté en 2012, il est incarcéré dans les prisons américaines d’Afghanistan et remis aux autorités françaises en mai 2014. Condamné en 2016 à neuf ans de prison pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, il y commet de nombreux « incidents graves » avec pour point d’orgue une condamnation à 30 mois supplémentaire en 2015 pour prise d’otage avec arme sur une interne de la prison de Lille-Sequedin dans le Nord. Une psychiatre détecte en lui « des caractéristiques de la psychose », mais écarte toute « abolition du discernement ».
Franck Elong Abé est classé DPS en novembre 2015 du fait de sa « grande dangerosité », de « son instabilité » et de « la persistance de son comportement violent », statut renouvelé en mai 2020. Transféré à la maison centrale d’Arles en octobre 2019, il est placé à l’isolement jusqu’en avril 2020 puis en quartier d’intégration suite à « son comportement correct et respectueux », en « l’absence d’incident disciplinaire depuis août 2019 ». Inouï !
Il obtient le statut d’auxiliaire de nettoyage et intègre une formation espaces verts, annulée en raison de ses absences et de l’agression d’un détenu. Auteur de plusieurs violences et menaces en 2020, dissimulées lors de l’audition en Commission des lois, il rejoint pourtant la détention ordinaire en février 2021 malgré la préconisation à plusieurs reprises d’un placement en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) !
En 2021, l’administration pénitentiaire signale qu’il dit vouloir « accéder au paradis », « mourir en héros » et « être grand par l’islam »… Et aujourd’hui il se qualifie de parfait « abruti » pour s’être laissé « manipulé »…
Qui a armé la main de Franck Elong Abé ? Dans son courrier à la juge, il promet « un grand déballage » lors de son procès, disant le devoir à Yvan Colonna…
S’aspetta ghjustizia è verità. •