Rappelons ce que nous écrivions dans Arritti, il y a un an, dans notre dernier numéro, à la veille des fêtes, pour chapeauter une tribune parue dans Le Monde et signée par de nombreux élus corses et non corses.
« Après la réunion du 9 décembre à Paris entre les élus de la Corse, les syndicats de prisonniers, et des députés à l’Assemblée nationale, on attendait une interpellation en séance plénière du gouvernement. Il n’en a rien été, laissant penser à une intervention en coulisse de celui-ci… Pourtant le premier ministre devra bien s’exprimer avant la fin de l’année sur la levée du statut de Détenu Particulièrement Signalé. Une tribune parue dans Le Monde cette semaine témoigne du signe évident que cette revendication autrefois limitée au seul nationalisme corse, gagne d’autres familles politiques en Corse, mais aussi à Paris ! Ainsi, les présidents des groupes de la Gauche Démocrate et Républicaine, de l’UDI, de la France Insoumise, du groupe Socialiste, et du groupe Libertés et Territoires, se sont joints aux quatre députés et aux deux sénateurs de la Corse, ainsi qu’à trois autres députés du Palais Bourbon pour réclamer le rapprochement de Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna, « au nom du droit et de son application pleine et loyale ». Une quinzaine de parlementaires européens autour de l’eurodéputé François Alfonsi, des groupes Verts-ALE, mais aussi des groupes Socialistes et Démocrates, Renew (libéraux démocrates) et PPE (droite) au Parlement européen, soutiennent cette revendication de rapprochement de Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna, au nom de la démocratie et de l’application de la loi, mais aussi du nécessaire geste à faire vis-à-vis de la Corse et de la demande unanime de ses élus. C’est dire si la position du gouvernement français est intenable et incomprise y compris au niveau européen. Per un Natale di pace, avvicinamentu è Libertà ! »
Un an plus tard, où en est-on ?
Yvan Colonna a été sauvagement assassiné dans des circonstances troublantes à la prison centrale d’Arles, provoquant émotion et colère au sein du peuple corse, jusqu’à déchaîner de véritables combats de rue avec la jeunesse. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin promet alors l’engagement d’un processus de dialogue sans tabou, y compris l’autonomie. De même que « Ghjustizia è libertà » pour Yvan Colonna. Cette vérité et cette justice viendront-elle de la Commission d’enquête parlementaire réclamée et obtenue par le groupe Liberté Indépendants Outremer et Territoires où siègent nos députés nationalistes, mise en place en ce mois de décembre ? En tous les cas, elles ne sont pas venues du côté du gouvernement, même si les demandes répétées de levée du statut de DPS ont été enfin accordées pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi qui ont été immédiatement rapprochés à la prison de Borgu, mais les nombreuses décisions du juge d’application des peines qui ont ordonné leur libération conditionnelle – qui est de droit depuis 2017 – sont bloquées systématiquement par l’appel du Parquet, c’est-à-dire par l’État qui met ainsi un frein aux espoirs de dialogue, toujours en panne aujourd’hui.
Pire, il semblerait que la répression s’emballe à nouveau, en cette fin novembre, début décembre, plusieurs arrestations, parfois dans des conditions choquantes, sont opérées. Mises en gardes à vue, inculpation pour certains, incarcération… le cycle infernal de la répression et de l’action radicale qui se répondent semble reprendre, les discours sont provocateurs, le ton se durcit, laissant la place aux provocations de toute part.
En sortira-t-on un jour ? On ne pouvait pas mieux s’y prendre pour installer des tensions.
Rassemblements, poubelles qui brûlent, communiqués et conférences de presse, résolutions de l’assemblée de Corse, la colère gronde. Rien n’y fait.
Une nouvelle demande de semi-liberté pour Pierre Alessandri
Ce 15 décembre, la Chambre d’appel d’application des peines antiterroriste examinait une nouvelle demande de semi-liberté pour Pierre Alessandri. Elle a été mise en délibéré au 31 janvier prochain. Il passera donc de nouveau les fêtes en prison. Tout comme Alain Ferrandi, dont la dernière demande a été rejetée en mai 2022, alors que les deux hommes sont libérables depuis cinq ans maintenant. La demande de Pierre Alessandri était examinée sur décision de la Cour de Cassation qui en ordonnait le rééxamen après l’appel du Parquet en octobre. Malgré ça, sans surprise, le Parquet s’est de nouveau opposé ce 15 décembre à la sortie du détenu, prétextant un risque de « trouble grave à l’ordre public ». C’est bien le contraire qui risque de se produire et le maintien abusif en détention qui provoque les tensions… En attendant, toute cette agitation a offert au ministre de l’Intérieur un autre beau prétexte pour ne pas se rendre en Corse et suspendre le processus engagé avec les élus de la Corse, estimant que le climat n’était pas propice aux discussions. Baccalà per Corsica. •