Mort d'Yvan Colonna

Rappel des points noirs soulevés par la Commission d’enquête

Franck Elong Abé n’avait pas sa place en détention classique. Il y a été maintenu malgré les nombreuses alertes qui auraient dû entraîner un traitement carcéral différent.

Pire, il n’aurait jamais dû obtenir un poste d’auxiliaire (travail rémunéré et lui permettant de circuler plus librement en prison), et aurait dû, au contraire, être placé en isolement.

De même, il aurait dû être évalué en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) afin de mieux l’orienter. Cela non plus n’a pas été fait. Avec vraisemblablement obstination des hiérarchies à le laisser libre de ses mouvements…

Même en tant qu’auxiliaire, il n’aurait jamais dû se trouver – seul – en présence d’Yvan Colonna le 2 mars 2023 dans la salle de sport.

Avec un tel pédigré dans son parcours carcéral*, avec les multiples alertes durant sa détention à Arles même, avec l’information d’une conversation l’impliquant avec la phrase « Je vais le tuer » prononcée la veille de l’agression, qui aurait dû entraîner une mise sous surveillance immédiate, d’autant qu’il s’attendait à un changement dans son quotidien puisqu’il a nettoyé sa cellule… Si ces faits ont été consignés dans le fichier Genesis de contrôle quotidien des détenus, pourquoi ont-ils disparu ? L’extrême gravité de ces informations n’a fait réagir depuis aucune autorité de l’État.

Tout ceci aurait dû empêcher Franck Elong Abé de pénétrer dans la salle de sport en même temps qu’Yvan Colonna. Il aurait dû être sous la surveillance de caméras, lesquelles caméras dans un Centre de Détention qui accueille des détenus dangereux, auraient dû être régulièrement contrôlées, correctement paramétrées, et les agents régulièrement et scrupuleusement formés à leur utilisation.

L’agent affecté à la surveillance dans l’aile où se situe la salle de sport, n’aurait jamais dû s’absenter après avoir laissé pénétrer Elong Abé. D’autant que Yvan avait presque fini son sport et devait quitter la salle quelque minutes plus tard. Le nettoyage en règle générale ne s’effectue jamais en présence de détenus… Pourquoi l’a-t-il été cette fois-là ? Et bien sûr, il est absolument inconcevable que le gardien en question ait été dans l’incapacité de dire où il était durant cette absence. Qui peut le croire ?

Il est encore plus inconcevable que les vidéos qui auraient pu élucider où cet agent s’est rendu (peut-être sous ordre ?) n’aient pas été immédiatement saisies, alors qu’elles ont été au contraire, vraisemblablement détruites selon son syndicat.

Comment comprendre encore que Franck Elong Abé ait été laissé seul avec sa victime durant plus de 9 longues minutes ? La bonne santé d’Yvan Colonna, sportif et résistant, ne lui a pas permis de supporter cependant ses assauts dont des détenus dans une salle à proximité diront qu’ils ont entendu des cris. Pourtant, hélas, aucun gardien n’était là pour les entendre et intervenir…

Franck Elong Abé a bénéficié non pas d’une gestion laxiste ou d’erreurs de jugements de la part des multiples acteurs qui auraient pu empêcher l’agression mortelle, mais d’une complicité de fait. A-t-elle été voulue ? Préméditée ? C’est la question qui demeure.

De même, le statut DPS d’Yvan Colonna aurait dû être levé depuis longtemps, ce qui aurait conduit à ne jamais le mettre en contact avec Franck Elong Abé, à bénéficier d’un environnement en Corse, plus contrôlé paradoxalement, alors que Borgu était prétexté par le Gouvernement comme un centre non adapté pour ce type de détenu.

Arritti engage ses lecteurs qui ne l’ont pas encore fait à relire les différents comptes-rendus que nous avons fait des nombreuses auditions et le rapport des parlementaires lui-même qui liste encore de nombreuses incohérences, anormalités, fautes*.

Yvan Colonna n’avait pas rendez-vous avec son destin le 2 mars 2022. Il a été assassiné. La question de la préméditation est clairement posée. La question de complicités, voire de commenditaires, aussi.

Il ne saurait y avoir en Corse de situation apaisée sans Ghjustizia è Verità. •

Fabiana Giovannini.

 

* Retrouver nos différents articles sur l’enquête parlementaire dans la rubrique Prigiuneri ou avec l’étiquette Yvan Colonna