Affaire Yvan Colonna

Scandale d’État

Plus de six mois après l’agression mortelle d’Yvan Colonna dans la prison d’Arles, la haine et le mépris d’État qui continuent de s’exprimer à son encontre entretiennent colère et exigence de vérité. Rien dans ce dossier ne rassure sur la non implication de l’État, jusque à l’annonce de l’effacement de certains éléments de preuves. Ce 8 septembre, en effet, à la lecture d’un tract du syndicat UFAP UNSA Justice des personnels pénitentiaires, on apprenait la destruction de certaines vidéos de l’agression. Information qui n’a donné lieu à aucune réaction officielle au niveau du ministère de la Justice ou du Gouvernement, malgré la gravité de l’annonce. Maître Canava, avocat de la famille Colonna rassurait cependant l’opinion ce 12 septembre : le juge d’instruction lui ayant assuré que « les éléments se trouvaient dans le dossier » et « qu’aucun d’entre eux n’a été détruit ou perdu ».

 

Que penser de cette nouvelle provocation ? Pourquoi l’administration pénitentiaire a-t-elle affirmé le contraire au syndicat UFAP UNSA Justice ? Cherche-t-on à faire monter la pression populaire ? Ce nouveau scandale était-il destiné à replonger la rue dans la colère pour faire capoter les négociations sur l’avenir de la Corse, qui vraisemblablement embarrassent à Paris ? Corsica Lìbera en effet appelait immédiatement à une manifestation pour le 21 septembre prochain.

 

« L’administration pénitentiaire fait le coup du “stade de France” en détruisant les vidéos pouvant innocenter, professionnellement, un agent accusé à tort lors du meurtre d’Yvan Colonna ! » s’était exclamé en lettres rouges dans le tract, le syndicat UFAP UNSA Justice, sous le titre : « Arles – Affaire Colonna : les bourdes ». Le syndicat prend fait et cause pour l’agent incriminé pour négligence et défaut de vigilance. Il accuse l’administration de ne pas avoir averti l’agent et de l’avoir mis en danger médiatiquement.

Le tract poursuit : « notre collègue a légitimement exigé l’obtention d’éléments complémentaires comme les vidéos le concernant lors de sa faction à l’étage, l’accès au rapport complet et officiel, ainsi que la copie de son PV d’audition effectué par l’inspection. De plus, une demande de protection fonctionnelle a été demandée ».

Et le syndicat de poursuivre : « l’agent a essuyé un refus à l’ensemble de ses exigences ! Les vidéos ont été détruites. Le rapport interne ne lui sera pas divulgué. Le PV d’audition n’existe pas ! La protection fonctionnelle refusée (…) Les seules images et preuves qui pouvaient disculper et innocenter professionnellement notre collègue, ont été détruites ! (…) L’ensemble des images demandées par l’agent devaient être obligatoirement conservées, sachant que ce dernier fait l’objet d’une enquête administrative, voire d’une procédure disciplinaire, et qu’il y a, par ailleurs, une enquête judiciaire » dénonce encore le syndicat.

Certaines vidéos ont-elles réellement disparues ou bien sont-elles simplement non divulgables à l’agent en question ? Ce nouveau scandale dans le scandale agrave les tensions.

La colère qui s’est exprimée dans l’île au moyen de véritables combats de rues, le scandale des premières révélations sur la facilité avec laquelle l’assassin a pu opérer, les manquements élémentaires à la surveillance qui aurait dû prévaloir face à des Détenus Particulièrement Signalés, dont l’un d’eux a pourtant opéré à la tête d’un commando djihadiste en Afghanistan, puis s’est particulièrement illustré par des comportements violents en prison contre des détenus, des gardiens ou du matériel, les explications alambiquées des dirigeants de la prison durant l’interrogatoire de l’Inspection Générale de la Justice visant l’administration pénitentiaire, le malaise général qui ne parvient pas à s’estomper depuis six mois, tous ces éléments devraient pourtant alerter l’État au plus haut niveau pour qu’il donne un minimum d’instructions de vigilance dans cette affaire.

 

Une demande de commission d’enquête parlementaire a été déposée par les députés nationalistes corses et le groupe Liberté Indépendants Outremer et Territoires. Pour Femu a Corsica il s’agit d’« un fait d’une extrême gravité », s’ajoutant au « traitement étonnamment bienveillant dont a bénéficié F. Elong-Abé en terme de condamnation et d’exécution des peines ; la complaisance répétée et assumée envers un détenu radicalisé au passé violent, identifié comme extrêmement dangereux, y compris par les services spéciaux, le supplice d’Yvan Colonna laissé seul pendant plus de 12 mn ; la panne opportune du système de surveillance pendant l’agression elle-même. Rien n’a été empêché, au stade de la préparation comme de l’accomplissement de l’assassinat » dénonce encore Femu a Corsica. Autant de constats graves que n’éclaire en rien le rapport de l’Inspection Générale de la Justice qui se conclue sur quelques recommandations et sur deux simples procédures disciplinaires engagées contre l’agent en question et le directeur de la prison centrale d’Arles !

La commission d’enquête parlementaire lèvera-t-elle davantage le voile sur ce qui s’apparente bien à un scandale d’État ? Vulemu ghjustizia è verità per Yvan Colonna ! •

F.G.