Dissolution de l’Assemblée nationale

Les premières réactions

L’appel de Femu a Corsica

« Le résultat des élections européennes du dimanche 9 juin et la décision du président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale créent une situation politique nouvelle, constitutive d’une crise politique profonde dont les évolutions à venir sont incertaines.

Au plan global, les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet prochains sont susceptibles de redéfinir de façon profonde la composition de l’Assemblée nationale et de conduire à l’émergence d’un nouveau bloc majoritaire autour du “Rassemblement national”.

En Corse, le processus de négociation engagé depuis mars 2022 avec le Gouvernement et l’État se trouve aujourd’hui suspendu, voire menacé. Avec cette dissolution, s’ouvre donc également une période de grandes incertitudes concernant la perspective de révision constitutionnelle consacrée à l’autonomie de la Corse et à la mise en œuvre d’une solution politique globale pour notre pays.

Dans ce contexte de crise, la Corse doit envoyer, à l’occasion des élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains, par le suffrage universel, un message clair à Paris : celui de l’aspiration puissante du peuple corse à la poursuite et à la réussite du processus d’autonomie, en même temps que notre capacité collective à apporter des réponses aux enjeux du quotidien.

Il appartient à toutes les forces vives qui partagent cet objectif de créer les conditions optimales de la réussite.

Dans cette perspective, Femu a Corsica appelle à la concertation entre les mouvements politiques signataires de la délibération “Autonomia” votée à près de 75 % par l’Assemblée de Corse le 5 juillet 2023, mais aussi avec les autres nationalistes, et, au-delà des sigles, des appareils et des formations, avec tous les Corses désireux de bâtir une solution politique globale et un avenir de paix, de prospérité et de bonheur pour notre peuple et sa jeunesse.

À ce titre, nous contacterons dès ce soir l’ensemble des composantes et responsables du mouvement national, aux fins de proposer une stratégie commune dans le cadre des échéances électorales et politiques induites par la dissolution. » •

 


 

Jean Félix Acquaviva

« La Corse devient, malgré elle, l’otage du match de ping-pong entre le Rassemblement national et Emmanuel Macron. Le débat européen et posteuropéen est surdéterminé par le débat politique franco-français. La Corse, puisqu’elle va être confrontée à une élection législative, devient elle-même otage de ce débat. Le processus s’est défini comme une sortie d’espoir avec un fort consensus trouvé, un statut d’autonomie qui affiche une démarche de paix et de démocratie. En même temps, il permettrait de régler la question de la fiscalité du patrimoine, de la lutte contre la spéculation pour garantir le droit au logement, d’une fiscalité pour les entreprises qui soit mieux adaptée à notre tissu productif, la question des coopérations transfrontalières avec l’Italie grâce à une compétence directement assumée par l’assemblée autonome, la question d’une autonomie énergétique pour diminuer les coûts… Tous ces éléments-là liés à l’autonomie sont remis aux calendes grecques ou du moins mis entre parenthèses… Il faut attendre ce que diront les urnes…

La question est le choix des députés pour représenter la Corse à Paris, pour porter l’intérêt supérieur de la Corse plutôt que de prendre part à des joutes verbales et oratoires qui parfois font pitié entre les extrêmes et le gouvernement… C’est le moment de réaffirmer de manière forte que c’est à eux de décider de leur destin, et pas d’être otages d’un débat qui n’a rien à voir avec eux… Si nous sommes confortés dans nos choix et réélus fortement, cela donnerait une nouvelle légitimité ou processus pour le mener à son terme avec la volonté des Corses. Soit, il y a, à Paris, une majorité même plurielle, même différente, et peut-être une coalition, qui pourrait poursuivre le processus. Soit, le RN gagne le scrutin national et il devra être confronté à la question corse grâce à notre élection. Sinon, on peut s’attendre à des lendemains qui déchantent… Il n’y a pas d’autre processus pour nous que le dialogue pour une solution politique globale. Si nous avons en face de nous des forces antagonistes ou frontales qui mènent à une logique de refus de ce que nous sommes, il y aura effectivement un problème. C’est pour ça qu’il faut confirmer le choix de députés nationalistes dans les urnes… Aujourd’hui, je suis en posture de combat et déterminé à faire en sorte que tout le travail entrepris aille au bout. » •

 


 

Michel Castellani

« Dans une démocratie, il faut toujours prendre acte du vote des électeurs. Il ne faut pas faire comme s’il n’existait pas… Je pense que les Français attendent une autre politique en matière de santé, de solidarité et de sécurité. C’est cela dont il faut tenir compte… Cette dissolution nous place tous devant nos responsabilités… Si je suis désigné par les instances de Femu a Corsica, j’assumerais cette campagne sans prétention particulière, mais sans honte non plus. Je suis adossé à deux années de travail continu. J’ai conscience d’avoir vraiment défendu les intérêts de la démocratie, toujours, les intérêts fondamentaux de la Corse aussi, les intérêts encore plus de notre circonscription… J’ai toujours fait mon travail comme je m’y étais engagé. Tous les jours, j’ai représenté ma circonscription et la Corse de la façon la plus noble possible. J’ai respecté mes électeurs et c’est à eux de décider s’ils veulent me reconduire ou pas…

Quand on fait des élections générales, on change de gouvernement, et rien n’indique que le nouveau gouvernement sera sur la même ligne que le gouvernement actuel. Il faudra voir qui va prendre en charge la question corse et si le nouveau gouvernement adoptera la même politique à l’égard de la Corse. » •


 

Paul André Colombani

« Je suis très inquiet pour ce processus que nous avons porté depuis deux ans et bien évidemment encore plus, à trois jours de mon passage dans l’hémicycle, pour le CHU de Corse… C’était compliqué de gouverner depuis deux ans avec une majorité relative où il manquait 40 voix pour atteindre la majorité absolue. Il y a eu des motions de rejet qu’on n’avait jamais vu depuis 30 ou 40 ans comme, par exemple, sur la loi immigration. Il y a eu une forte tension sur la question des retraites. La position du “En même temps” d’Emmanuel Macron est devenue de plus en plus compliquée à gérer. » •

 

 


 

Gilles Simeoni,

pour sa part n’a pas encore réagi à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et ses conséquences sur le processus de Beauvau. Il entendait d’abord réunir les instances de Femu a Corsica et consulter ses élus. Cependant, le 6 juin dernier, il était auditionné en tant que président de la Collectivité de Corse par la Commission des lois du Sénat dans le cadre de la mission d’information sur l’évolution institutionnelle de l’île. Extraits.

 

« On ne peut pas prendre la mesure de ce qui se joue dans le processus actuel, si on ne réinscrit pas la question constitutionnelle et juridique dans sa perspective globale qui est fondamentalement politique et historique… Un des enjeux du processus d’aujourd’hui est de passer de cette logique de conflit à une logique de confiance retrouvée et reconstruite entre la Corse et la République… Aujourd’hui, on se retrouve avec un déséquilibre important : on a des compétences transférées – souvent partagées et rarement exclusives de la Collectivité de Corse – que nous ne sommes pas en mesure d’exercer pleinement, notamment parce que nous n’avons pas les moyens matériels, humains et surtout financiers de les exercer… Le statut particulier de la Corse dans ces différentes moutures a été très largement rattrapé par les avancées successives de la décentralisation générale… Le pouvoir le plus singulier que reconnaît aujourd’hui la loi à la CdC c’est le pouvoir d’adaptation qui nous permet de demander une évolution législative ou réglementaire. Ce pouvoir d’adaptation, depuis qu’il a été institué a été mis en œuvre à 46 reprises. Il y a eu seulement deux réponses : l’une positive sur un point mineur, l’autre négative pour écarter la demande. Dans tous les autres cas, il n’y a même pas eu de réponse… L’autonomie est le droit commun de toutes les grandes îles méditerranéennes et de l’arc atlantique. Beaucoup d’îles qui sont autonomes depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale ne sont pas allées vers l’indépendance. Il n’y a aucun caractère mécanique ni aucun déterminisme qui permette de dire que quand on va vers l’autonomie on va vers l’indépendance… Je pense que la France en tant que nation est aujourd’hui assez forte pour imaginer une solution en rupture avec le modèle déterminant sur lequel s’est construit l’État. Je pense qu’il y a la place pour imaginer ensemble un chemin politique et constitutionnel qui nous permette d’acter le principe d’un statut d’autonomie… » •