numaru speciale Autunumìa

A deliberazione Autunumìa di u 5 di lugliu 2023

Adoptée par 46 voix, soit 73 % des élus, la délibération « Autunumìa », élaborée conjointement sur la base du rapport soumis par le président du Conseil exécutif et des propositions des groupes d’opposition, répond à l’exigence du gouvernement : la Corse a fait ses propositions le 5 juillet 2023, dans le calendrier imposé par le ministre de l’Intérieur (avant le 14 juillet). Elles sont « les plus unanimes possible » comme l’avait aussi demandé Gérald Darmanin. La proposition se résume en 16 pages* et aborde tous les aspects de la question : la dimension historique, la capacité de rédiger et de voter ses propres lois, les compétences de l’État et celle de la Collectivité autonome, les transferts et les pouvoirs financiers, la fiscalité, la réforme constitutionnelle bien sûr, etc.
Voici la synthèse des différents chapitres.

 

 

Le premier chapitre est celui de « La demande solennelle d’un statut d’autonomie ». Il permettra « d’inscrire la Corse dans le droit commun de la plupart des grandes îles ou grands archipels de l’Union européenne, en Méditerranée comme dans l’Arc Atlantique ». Il s’appuie sur l’insularité et les « raisons d’ordre géographique » mais aussi il « identifie un lien entre insularité et identité ». Il définit l’autonomie « comme le statut juridique permettant à un territoire d’adopter ses propres lois dans tous les domaines, à l’exception de ceux relevant des prérogatives régaliennes de l’État », et détaille les enjeux : « historique de reconnaissance » afin « de sortir définitivement de la logique du conflit pour que s’ouvre une nouvelle ère dans les relations entre la Corse et l’État ». Il en appelle ainsi au « courage politique d’assumer ensemble l’histoire du conflit, dans sa genèse comme dans ses conséquences » et, s’appuyant sur les règlements de conflits comparables à la Corse dans l’histoire, la délibération dit que le processus de discussion en cours doit « intégrer cette problématique dans toutes ses dimensions (retour à la liberté, condamnations pécuniaires, inscription des condamnés au Fijait, arrêt des poursuites en relation avec des faits liés à la situation politique, économique et sociale de l’île), dans le cadre d’un Pacte de paix exprimant la volonté commune des parties d’enraciner la Corse dans l’apaisement ».

Cette reconnaissance réclame « la prise en compte par le droit de revendications fondamentales » : le peuple corse « réalité historique, politique, culturelle, sociologique », « communauté humaine ouverte, vivante » qui « est identifiable et s’identifie elle-même par sa langue, sa culture, son rapport à sa terre, sa volonté de se doter d’institutions propres et de se projeter dans un destin commun ».

« La question de la reconnaissance juridique du peuple corse est centrale » dit encore la délibération.

De même, cela suppose « un statut de coofficialité de la langue corse » qui fait partie comme toutes les langues « du patrimoine commun de l’humanité ».

Enfin, autre élément indispensable de cette demande de « reconnaissance » officielle : « le lien entre le peuple corse et sa terre » que la délibération propose de « constitutionnaliser » juridiquement par exemple par « la mise en œuvre d’un statut de résident ».

La délibération situe ensuite les autres enjeux de ce statut : sociétal, économique, social, démocratique et d’organisation administrative et d’équilibre des pouvoirs internes.

Il insiste notamment sur le fait « que l’accession à un statut d’autonomie ait pour corollaire le refus de toute logique de pression ou dérive mafieuse et le renforcement de la vitalité démocratique de la société corse ».

 

Le second chapitre est consacré au « chemin constitutionnel vers l’autonomie », qui est la mise à l’épreuve de la volonté politique du gouvernement.

Pour cela, les élus proposent un « accord politique, soumis à l’approbation en Corse dans le cadre d’un référendum », l’insertion d’un Titre dans la Constitution « consacrant l’autonomie de la Corse » et une « loi organique déclinant cet accord et les principes du statut d’autonomie de la Corse » avec bien sûr le « transfert du pouvoir législatif dans le périmètre des compétences reconnus à la Collectivité autonome de Corse ».

L’accord politique doit notamment comprendre « un préambule rappelant l’histoire de la Corse, les éléments principaux constitutifs de la question corse dans toutes ses dimensions, le choix d’y répondre par une solution politique globale, qui intégrera la référence à l’histoire, au peuple corse, au lien des Corses de l’île comme de la diaspora à leur terre et sera porteuse d’une logique d’apaisement irréversible ».

Il doit aussi intégrer, comme dans les Accords de Nouméa, les « éléments essentiels » devant figurer dans le Titre de la Constitution : les symboles (hymne, drapeau, fête, nom de la Collectivité autonome », les institutions de la Collectivité autonome, les compétences régaliennes et celles de la Collectivité autonome, le calendrier et les modalités du transfert de ces compétences, les moyens humains, financiers et fiscaux permettant ce transfert de compétences, le caractère évolutif du statut, avec une clause d’évaluation à 15 ans, l’application, et enfin les signataires.

La délibération détaille la nécessité du titre dans la Constitution consacrant l’autonomie de la Corse, sa cohérence juridique, son caractère spécifique, et fait une proposition de rédaction de l’insertion de ce Titre dans la Constitution, intitulé XII bis : De l’Île de Corse dans la Constitution, avec deux articles 75-2 et 75-3.

 

Un chapitre III traite de « la mise en œuvre progressive et concertée du statut d’autonomie ». À savoir la répartition des compétences, compétences régaliennes : « politique étrangère et relations internationales de l’État, nationalité, droits civiques, droits civils, état et capacité des personnes, notamment actes de l’état civil, justice, défense et forces armées, sécurité de l’État, entrée et séjour des étrangers, ordre public et sécurité, à l’exclusion de la police locale, monnaie ».

Et compétences de la Collectivité autonome, précisant que « toutes les autres compétences ont vocation à lui être transférées, à titre de principe. Elle devra, pour les exercer, disposer d’un pouvoir législatif effectif. Pour chaque compétence, un transfert de propriété, de droits et de moyens (humains et financiers) devra être déterminé ».

Dès l’entrée en vigueur du statut, la délibération cite le transfert immédiat des compétences suivantes : « l’organisation politique et administrative de la Collectivité autonome, le pouvoir de modifier, de règlementer la totalité des impôts et des taxes actuellement en vigueur ; d’en créer ultérieurement d’autres en définissant leur assiette, leur taux, leur liquidation, leur perception ; d’en supprimer, la production et la diffusion légistique, la production de données statistiques économiques, sociales et environnementales, la politique de l’agriculture et de la sylviculture, la politique de la pêche des ressources marines et domaine public maritime, la politique du tourisme, la politique de l’industrie, la politique de l’énergie, la politique de l’eau, la politique du commerce et de l’artisanat, – la politique des transports intérieurs et extérieurs, la politique des communications, la politique de l’environnement, la politique du social, de la solidarité et de l’égalité, la politique de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, la politique du travail et de la formation professionnelle, la politique de la culture et de la langue, la politique de l’éducation, y compris l’enseignement secondaire, la politique du sport et de la jeunesse, la politique de la santé, la politique de la recherche et de l’innovation, la politique de la chasse et de la pêche, la politique de sécurité publique et de protection civile, la politique de solidarité avec la diaspora Corse, la politique de coopération territoriale européenne et les accords internationaux qui concernent l’Île de Corse et son espace maritime ».

Auxquelles pourront s’ajouter les compétences suivantes : « protection du patrimoine foncier, statut fiscal, préservation des particularités linguistiques et culturelles de l’île, donc le statut de la langue, le développement économique et social, l’emploi, la santé et l’éducation, la compétence de l’organisation institutionnelle interne (notamment carte administrative de l’Île de Corse, organisation et compétences des collectivités infra insulaires), l’adéquation entre le transfert de compétences et le transfert de moyens humains et financiers permettant de les exercer concrètement et efficacement, les compétences à ce jour partagées : langue corse et politique linguistique, aménagement du territoire, développement économique, tourisme, agriculture et forêt, énergie, culture et patrimoine culturel, logement, environnement, déchets, affaires sociales et sanitaires, y compris santé environnementale, compétence en matière d’hébergement d’urgence, d’insertion professionnelle, politique de la montagne, politique de la mer et domaine public maritime, éducation, formation, enseignement, jeunesse et sport, infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires, égalité femmes-hommes, urbanisme, emploi, formation. »

La délibération réitère que « tout transfert de compétence implique les transferts de moyens humains et financiers correspondants », ainsi que « l’ensemble des ouvrages et infrastructures sous régime de concession, les biens des Établissements Publics de l’État situés en Corse et le domaine public maritime, incluant le domaine public naturel ».

Le tout, toujours selon un principe de progressivité à définir dans une méthode, un calendrier et un chiffrage précis, en termes de compétences comme de moyens, dans le cadre de groupes de travail.

 

Un chapitre est consacré à « l’autonomie fiscale et financière », intégré dans le Titre de la Constitution. Il implique que « la Collectivité autonome dispose du pouvoir de décider librement d’un impôt, de déterminer l’assiette de calcul et le taux, pour lequel elle accomplit les tâches de calcul et de recouvrement », qu’elle décide « du taux et des exemptions et suppressions sans consultation du gouvernement central », « du taux et le gouvernement central n’impose pas de corridor », « des exemptions fiscales et des crédits d’impôt », enfin qu’elle « dispose d’une part fixe des impôts d’État », répartition qui « ne peut être modifiée que par accord entre les parties ».

Ceci afin d’adapter cette fiscalité comme « outil de lutte contre la spéculation », « outil d’équité territoriale », « outil de justice sociale », « outil de protection environnementale », « outil d’interventionnisme économique ».

Les transferts financiers doivent permettre également de « corriger ou compenser un déséquilibre vertical », « horizontal », ou des « effets externes ».

Ils doivent se faire selon des principes de « soutenabilité financière » pour « garantir dans la durée une équation financière viable » à la Collectivité autonome, et de « suffisance financière » pour lui garantir les ressources nécessaires, ainsi qu’aux EPCI et aux collectivités infra-insulaires.

 

Un chapitre consacre des garanties au futur statut, sur « les libertés publiques et droits fondamentaux » ; « le principe de non-régression sociale et non-régression environnementale, à travers la mise en place de mécanismes juridiques et politiques instituant des effets cliquets » ; « le principe de subsidiarité interne » ; enfin « un principe de supplétivité de la législation nationale », « en l’absence de législation propre ». •

 

* Consulter la délibération « Autonomìa » dans son intégralité