numaru speciale Autunumìa

Gilles Simeoni : « Du côté de la Corse, les choses sont claires »

Au lendemain du vote à l’Assemblée de Corse de la délibération sur l’autonomie, le président du Conseil exécutif était invité à s’exprimer sur le plateau de notre confrère France 3 Via Stella, interrogé par Jean-Vitus Albertini. Arritti propose de revenir sur cette interview.

 

 

La nuit dernière, l’Assemblée de Corse a voté le texte sur l’autonomie, c’est celui des nationalistes. Il n’y avait visiblement dès le départ, aucune volonté de constituer un projet commun. Votre texte est nationaliste, celui de la droite est minimaliste. Finalement, c’est la logique des urnes qui a prévalu ?

C’est la logique des urnes dans les proportions, 70 % de voix pour des listes nationalistes en juin 2021, 75 % des élus de l’Assemblée de Corse en faveur du projet d’autonomie hier. Les nationalistes certes, une abstention bienveillante me semble-t-il de Josepha Giacometti, et aussi l’ajout de Pierre Ghionga qui n’est pas nationaliste, mais qui a tenu à dire qu’il était autonomiste et qu’il se reconnaissait dans le texte que nous avions construit ensemble.

 

Pourquoi ce qui a été possible il y a 20 ans avec Matignon ne l’a pas été aujourd’hui ?

Matignon, c’était un autre contexte. Matignon, à l’époque, les nationalistes étaient ultra minoritaires, on était parti de deux résolutions qui étaient certes différentes, mais qui avaient vocation à converger. Alors qu’hier, la droite a dit clairement que les deux textes de départ étaient, et je reprends les mots de Jean-Martin Mondoloni pendant son intervention, « irréconciliables ». Ce que je retiens aussi, c’est que Matignon a échoué et qu’il a fallu attendre près de 25 ans, une génération, pour qu’une nouvelle occasion de réforme institutionnelle profonde se présente, j’ai envie de dire, cette fois-ci ne manquons pas le train.

 

La droite vous reproche surtout de ne pas avoir accepté d’aller à Beauvau avec deux textes. Pourquoi avoir refusé la proposition de la droite ?

Je suis un peu étonné de cette critique. Trois remarques : d’abord dès le matin, la droite a dit que les deux textes étaient, je cite, « irréconciliables ». Ensuite, nous les avons invités à une réunion de la conférence élargie des présidents, ils nous ont redit qu’ils ne voulaient pas travailler à une convergence entre les deux textes de départ, dont acte. Troisième et dernier point, je rappelle que la session extraordinaire d’hier c’était bien pour que – conformément d’ailleurs à l’invitation de Gérald Darmanin, du gouvernement et du chef de l’État –l’Assemblée de Corse fasse connaître à l’État sa position sur le statut d’autonomie. Il y avait donc une seule position à faire connaître, elle a été votée. Elle est très majoritaire et aujourd’hui, la délibération incarne la position de la collectivité de Corse qui est, je le rappelle, et nous l’avons votée à l’unanimité droite comprise, l’institution garante et dépositaire des intérêts matériels et moraux de la Corse et du peuple corse.

 

La droite parle de délit de démocratie et vous lui renvoyé la balle en disant qu’il y a une stratégie commune entre l’État et la droite, c’est vraiment ça ?

Un délit de démocratie supposerait que l’on n’applique pas les règles de la démocratie. Le fondement de la démocratie, c’est le vote. Tous les jours, il y a des votes négatifs, y compris d’ailleurs de l’opposition ou de l’opposition nationaliste, c’est la loi de la démocratie. Il faut la respecter. Je ne connais pas l’intention de l’État, nous ne sommes pas les cœurs et les reins. Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui, les urnes ont parlé, puissamment, en juin 2021, l’Assemblée de Corse s’est exprimée de façon sereine et démocratique. La balle est désormais aujourd’hui dans le camp de l’État et je ne peux pas imaginer que le gouvernement, le chef de l’État et l’État, ne tirent pas toutes les conséquences du vote extrêmement important de l’Assemblée de Corse.

 

Justement avez-vous eu un contact avec le ministère de l’Intérieur depuis ce vote ?

Pour l’instant aucun.

 

Il ne vous a pas appelé, vous ne l’avez pas appelé ?

Je n’ai pas à l’appeler. Je pense que le ministre de l’Intérieur, en tous cas les services de l’État, ont suivi avec attention ce qui s’est dit pendant les débats, ce qui a été voté. Je crois que du côté de la Corse les choses sont claires. J’espère qu’elles seront très claires et très rapidement du côté de Paris.

 

 

« Les urnes ont parlé, puissamment, l’Assemblée de Corse s’est exprimée de façon sereine et démocratique. La balle est désormais dans le camp de l’État et je ne peux pas imaginer que le chef de l’État ne tire pas toutes les conséquences du vote extrêmement important de l’Assemblée de Corse.”
Gilles Simeoni

 

 

Justement maintenant quelle va être la procédure suivie ?

D’abord on nous avait dit, notamment lors des réunions de Beauvau que le chef de l’État s’exprimerait peut-être le 14 juillet sur la révision constitutionnelle, la place de la Corse. En ce qui nous concerne, nous avons maintenant une base de travail, avec une délibération qui met les choses à un niveau que historiquement nous n’avions jamais atteint. Cette délibération elle est celle de ceux et celles qui l’ont écrite et co-construite, mais elle est aussi la somme de plus de 50 années de luttes. Il y a une deuxième phase qui s’ouvre, c’est celle de la construction progressive et la mise en œuvre de ce statut d’autonomie. Nous allons le faire avec l’ensemble des forces politiques, avec l’ensemble des forces vives, avec la jeunesse, avec les organisations syndicales et professionnelles. Car si autonomie il y a, nous avons vocation à la réussir au service d’une vision de la Corse, de son développement, du peuple corse, et nous allons le faire ensemble.

 

C’est l’optimisme de la volonté, mais si d’aventure le document est rejeté, sinon en partie mais en tous cas sur des points essentiels, est-ce que vous avez un plan B ?

Le fondement de notre démarche, c’est la démocratie, que j’ai défendu, que nous avons défendu contre vents et marées, en rappelant qu’elle était à la fois une méthode et un objectif. Un objectif insusceptible d’être remis en cause. Je ne peux pas imaginer un instant aujourd’hui que la République et l’État n’écoutent pas la voix démocratique que les institutions de la Corse et le peuple corse ont porté avec une clarté qui me semble-t-il est aujourd’hui incontestable.

À l’occasion de ce débat et de ce vote, on a assisté à un rapprochement entre nationalistes, à l’exception de Corsica Lìbera, de votre point de vue il s’agit d’une démarche ponctuelle ou alors c’est l’amorce d’un possible rapprochement ?

Je le dis souvent, il y a eu ce qu’il y a eu en juin 2021. J’avais créé une situation avec notamment Fà Pòpulu Inseme pour que nous puissions converger à nouveau électoralement et politiquement avec l’ensemble des nationalistes. Cela n’a pas été possible. Je continue à penser que notre responsabilité collective, historique, c’est de faire converger, non seulement l’ensemble des forces nationalistes, mais l’ensemble des Corses qui veulent construire ce pays. Je reste déterminé à atteindre cet objectif. Je crois que la convergence d’hier est importante parce qu’elle montre à un moment qui était décisif, les nationalistes, et au-delà, les Corses épris de bonne volonté, je pense notamment à Pierre Ghionga et à d’autres qui sont à ses côtés ou sont dans d’autres forces politiques, la Corse et les Corses ont toujours su transcender leurs différences aux moments importants de l’Histoire. Nous avons su le faire hier, je suis persuadé que nous saurons continuer à le faire demain et après-demain et toujours avec plus de force et de conviction. •