I messaghji d'Edmond Simeoni

Mediterràniu

« Pour éclairer et comprendre l’île, il faut toujours la situer, même brièvement, dans son environnement général » disait Edmond Simeoni. L’Europe et la Méditerranée étaient pour lui des repères incontournables. Sa vision de l’avenir méditerranéen de l’île a bien été décrite dans son livre « Corse : la volonté d’être » paru en 1995. Époustouflant de bon sens et de justesse.

 

« La Corse est fille de la Méditerranée. Cette filiation est un élément constitutif de son identité. La méditerranéité des Corses est une évidence qui éclate dans tous les grands moments de la vie collective et qui continue de transparaître dans les actes les plus quotidiens, quand bien même l’insertion brutale et définitive dans la société occidentale aurait-elle atténué la singularité des comportements et des modes de vie. Rien ne dit d’ailleurs que ce mouvement d’homogénéisation soit irréversible : en cette fin de siècle, marquée par le désarroi individuel et collectif, la référence méditerranéenne redevient pertinente, car elle apporte, de par la richesse culturelle, historique et symbolique du bassin, ce supplément de sens sans lequel toute entreprise humaine est renvoyée à sa propre vanité.

Le discours méditerranéiste, discours sur la Méditerranée et discours pour la Méditerranée n’est donc plus seulement, comme ce fut longtemps le cas, l’apanage d’érudits nostalgiques d’un âge d’or mythique ou le masque derrière lequel se cachent les appétits hégémoniques inavoués. Tout au contraire, il se veut une réponse pragmatique aux enjeux majeurs auxquels est confrontée une zone qui est aujourd’hui, incontestablement et sans catastrophisme, celle de tous les dangers : nulle part ailleurs dans le monde ne se côtoient et ne s’imbriquent de façon aussi multiple et intime des sociétés qui semblent engagées ou en passe de l’être, d’un point de vue économique, culturel et politique, sur des trajectoires radicalement antagonistes : l’opulence insolente le dispute à la misère la plus accusée ; la dénatalité à l’explosion démographique ; à un modèle laïc d’organisation de la société s’opposent violemment les intégrismes et les communautarismes. Il y a donc, là encore, urgence à mettre en place et à explorer les chemins du dialogue, à inventer les voies du compromis.

Dans cette optique, l’appartenance méditerranéenne n’est plus seulement un héritage. Elle fournit également un horizon d’action, et ce aussi bien sur le plan communautaire qu’international, les deux niveaux d’action étant d’ailleurs liés. En effet, l’émergence et le renforcement d’un pôle Sud cohérent au sein de l’Union de la Méditerranée, et ce d’autant plus que l’élargissement aux pays de l’Europe nordique et septentrionale risque de faire basculer le centre de gravité de l’Europe.

La Corse doit s’insérer, à sa place et avec ses moyens, nécessairement modestes, dans ces problématiques. C’est son droit et c’est son intérêt. Ainsi :

– Au niveau interne à l’Europe, elle doit œuvrer, en recherchant les synergies et les complémentarités avec ses voisins, à l’émergence de « l’Arc Latin », à la fois nouvelle polarité compétitive et communauté d’intérêts et de cultures entre les peuples de la façade méditerranéenne de l’Europe.

– Cette ceinture méridionale développée ne doit pas rester pour les pays de la rive Sud un Eldorado mythique et de plus en plus difficilement accessible. Façade donc, mais non vitrine. Tout au contraire, les pays et régions de l’Europe du Sud doivent pleinement jouer le rôle de pont – dialogue politique et culturel, transmission technico-scientifique – que l’histoire et la géographie leur assignent et que la lucidité leur commande.

Certains instruments sont d’ores et déjà en place : programmes de coopération décentralisée dans le cadre de la politique méditerranéenne rénovée de l’Union européenne, charte des régions du bassin méditerranéen, accords de co-développement entre collectivités locales. Il faut les utiliser pleinement – exercice concret d’une souveraineté de facto – et privilégier les démarches pragmatiques, dans des domaines où l’intérêt commun est aisément perceptible, et où des résultats tangibles peuvent être rapidement obtenus : la préservation de l’environnement (qui inclut l’organisation du trafic maritime, la gestion des déchets ménagers, les politiques de lutte contre la désertification) fournit un parfait exemple.

Ainsi, progressivement, et sans référence à des solidarités artificielles ou illusoires, la Corse peut participer pleinement et à son plus grand profit à l’émergence d’une nouvelle configuration des relations internationales, stable et pacifiée parce que fondée sur les valeurs durables de partage, de justice et d’équité. » •