Air Corsica

Quatre ans pour réussir

Pour les quatre prochaines années, l’attribution du marché de la desserte de Paris au groupement Air Corsica-Air France, après celui des liaisons bord à bord entre la Corse et Marseille et Nice, a permis de conforter l’entreprise corse et son partenaire historique présent sur les plateformes insulaires. Mais les subventions obtenues après négociations sont bien plus basses que celles initialement demandées. Dès le lendemain du vote, les directions d’Air Corsica et Air France tenaient conférence de presse pour annoncer des plans d’économies.

 

 

Air Corsica et la plateforme d’Air France en Corse sont face à la réalité des chiffres. L’offre concurrente de Volotea ne pouvait être écartée qu’au prix de négociations difficiles qui, pour le bord à bord, représentent 18,1 millions d’euros de rabais par rapport à l’offre initiale, et pour Paris 17,7 millions d’euros de rabais à répartir entre Air Corsica et Air France.

Même en tenant compte de ces rabais, leur offre est restée supérieure de plus de 5 millions d’euros annuels à celle de Volotea. C’est sur la base des autres critères que cette dernière a été écartée, principalement en raison de sa situation financière, présentée comme équilibrée, mais qui ne l’est que grâce à une loi espagnole qui leur permet de sortir de leur bilan les pertes accumulées durant les deux années du Covid. Face à la situation financière d’Air Corsica qui est bonne y compris en retenant les années Covid, ce critère a justifié pour la Collectivité d’accepter le surcoût limité de l’offre d’Air Corsica sans risquer d’être remise en cause devant les tribunaux.

 

Pour Air Corsica, ce sont donc de l’ordre de 25 millions d’euros de moins que les attentes de départ qu’il faudra trouver chaque année. La nouvelle direction d’Air Corsica a annoncé en trouver une très grosse moitié, 15 millions d’euros, « par une meilleure productivité des effectifs et en réduisant les frais de structure » lors de la conférence de presse tenue en présence du syndicat ultra-majoritaire STC. Pour le reste, il est espéré une progression du trafic qui assurera un meilleur remplissage des vols. Et elle dispose de sa trésorerie actuelle, de l’ordre de 25 millions d’euros, pour gérer la période transitoire.

Ramené au chiffre d’affaires de la compagnie, de l’ordre de 210 millions d’euros par an, et en tenant compte que les charges incompressibles – carburant, acquisition et maintenance des avions – sont grandes dans une compagnie aérienne, la politique d’austérité annoncée est très importante. Elle aurait probablement pu être mieux anticipée, pour arriver à une meilleure compétitivité intégrée dès l’offre de départ faite à la Collectivité de Corse.

Côté Air France, le maintien de l’escale en Corse sauve de nombreux emplois hérités des accords pris il y a trois décennies au moment de la création de l’ex-CCM devenue depuis Air Corsica. Mais la direction nationale est visiblement pressée d’en finir avec son partenariat corse qui contrarie ses plans parisiens à l’heure où la compagnie a décidé d’abandonner Orly pour Roissy. Lors de la même conférence de presse, les dirigeants d’Air France ont annoncé « des plans de départ ainsi qu’une mobilité au sein de la compagnie sur la base du volontariat ». Visiblement, Air France prépare le terrain pour un départ de Corse dans les quatre ans.

C’est d’autant plus prévisible que le maintien d’une DSP entre la Corse et Paris est très discuté car son remplissage par les insulaires est limité, 17,5 % à l’année, 30 % en hiver mais seulement 13 % en été. A contrario, pour le bord à bord, les « tarifs résidents » sont plus de la moitié des passagers.

Or, la délégation de service public réserve l’exclusivité des lignes entre Orly et la Corse à la compagnie attributaire, estimant que les vols d’été mieux remplis ont vocation à compenser les vols d’hiver, moins remplis en raison des fréquences exigées pour répondre aux besoins des résidents corses. En dessous d’un seuil minimum de passagers résidents, cette position est difficile à justifier, et il est clair que les discussions ont été ardues avec l’Europe pour maintenir les lignes entre la Corse et Paris dans le cadre d’une DSP qui les extraient d’un marché libre.

Enfin, même en ayant négocié le montant de la dotation annuelle drastiquement à la baisse, les financements nécessaires ne sont pas assurés pour la Collectivité de Corse qui compte pour y parvenir sur la pérennisation du complément de subvention accordé en 2022 et 2023 pour tenir compte du renchérissement des coût des carburants. La négociation est en cours avec l’État. •

F.A