Femu a Corsica

Un combat pour la démocratie et pour la liberté

L’Assemblée Générale du Femu a Corsica du 15 janvier 2023 a été une réponse forte aux déstabilisations qui ont marqué la fin de 2022. Un document a été adopté, qui trace le projet politique pour l’année à venir « qui doit être celle de la concrétisation » selon les propos de Gilles Simeoni. Encore faudra-t-il que l’État accepte enfin le fait démocratique qui s’est imposé en Corse depuis 2015, en vue d’une autonomie de plein droit et de plein exercice à instaurer à travers une réforme constitutionnelle dont les contours devront avoir été négociés avant la fin de 2023. Domenge Salgon, vice-président de R&PS, et Lorena Lopez de la Calle, présidente de l’Alliance Libre Européenne, ont, par deux interventions très appréciées, apporté la solidarité extérieure et la dimension européenne au combat que mène le peuple corse pour sa reconnaissance et pour sa liberté. Par sa très forte participation – 700 militants ont fait le déplacement – l’Assemblée Générale de Femu a Corsica a marqué les esprits et apporté une réponse forte aux menaces qui ont été adressées, ces dernières semaines, au président du Conseil Exécutif Gilles Simeoni.
Arritti vous propose les principaux extraits* des trois document et discours qui ont marqué cet événement : le texte d’orientation adopté à l’unanimité, le discours du secrétaire national François Martinetti, et celui de Gilles Simeoni.

* Les intertitres sont de notre rédaction

 


U discorsu di Gilles Simeoni – Extraits*

 

Sunà u cornu per custruì a pace  « Cette assemblée générale doit sonner le tocsin de la mobilisation avec tous ceux qui veulent que ce pays maîtrise son présent et son avenir. »

« La réponse, que vous donnez aujourd’hui à la situation actuelle, est claire. C’est celle de votre présence. Et cette mobilisation massive, sereine, est le premier message politique qu’il faut retenir de cette assemblée générale. Nous sommes là, ensemble, soudés. Votre présence est le signe que notre volonté est inébranlable. Si nous sommes aussi nombreux aujourd’hui, c’est parce que nous avons conscience que nous vivons un moment qui est certainement historique. »

« La paix ne s’obtient que par le dialogue, mais un dialogue orienté vers une solution politique. Pendant sept ans, nos appels au dialogue n’ont rencontré que mépris, manœuvres et refus. Si l’État avait fait le choix du dialogue vrai, de la prise en compte du fait démocratique, du respect de la volonté des Corses et du suffrage universel, nous ne serions pas dans la situation inquiétante et délétère d’aujourd’hui. L’État a créé les conditions de l’affaiblissement de la démocratie en Corse. »

« Nous devons nous battre avec toutes les armes de la démocratie parce que le meilleur est à portée de main. Nous pouvons l’obtenir, mais le pire peut aussi revenir. Cette assemblée générale doit sonner le tocsin de la mobilisation avec tous ceux qui veulent que ce pays maîtrise son présent et son avenir. »

 

Ghjustizia è Verità per sbuccà  « Le 25 janvier, le Tribunal d’application des peines va se prononcer pour Alain Ferrandi. Le 31 janvier tombera la décision sur la libération conditionnelle de Pierre Alessandri. Le 6 février marquera les 25 ans de l’assassinat du préfet Erignac. Le 2 mars sera le premier anniversaire de l’assassinat d’Yvan Colonna. Il faut que l’État crée les conditions, et cela se joue dans les jours à venir ; quoi qu’il arrive, les semaines à venir vont marquer la fin d’un cycle. »

« La seule fenêtre de calendrier possible pour une révision constitutionnelle, c’est entre juillet et décembre 2024, après les Jeux olympiques. J’ai demandé à l’État s’il avait la volonté de faire une révision constitutionnelle, il m’a répondu : Oui. S’il dit oui, cela voudra dire qu’avant la fin 2023, il faudra avoir bouclé les discussions. L’année 2022 a été celle du drame, de la mobilisation dans la rue, de la révolte. L’année 2023 doit être celle de la concrétisation. »

 

A scelta di a demucrazìa  « Pendant des décennies, l’État a eu une politique coloniale. Il a alimenté les barbouzes, méprisé le fait démocratique et le suffrage universel depuis 2015, matraqué les jeunes, mis des innocents en prison. C’est notre histoire, mais mon choix de nationaliste corse, c’est de dire que cette injustice, je vais la combattre par la force de la démocratie parce que le pays que je veux, pour moi et mes enfants, est un pays dans lequel on se donne des règles et on les respecte. Notre façon de combattre aujourd’hui pour la Corse de demain préfigure la société que nous allons créer. C’est pour cela que le combat pour l’émancipation du peuple corse est indissociable du combat pour la démocratie. »

« Lorsque nous avons pris des engagements devant le peuple corse, nous avons dit que nous ne donnerons pas de leçons d’éthique – on n’est pas des pères La Vertu – mais nous voulons, avec le peuple, poser des règles et essayer de s’y tenir ensemble. J’ai pris le serment de mettre l’intérêt général au centre de chaque décision, et ça ne changera pas ! »

« Il y a des juges et des policiers. Je ne suis pas un auxiliaire de police, je ne suis pas un juge, je suis un militant et un responsable politique. Je veux que dans ce pays, quand un chef d’entreprise se lève et travaille, il travaille normalement, quand un homme gagne son salaire à la sueur de son front, il soit respecté. Quand un jeune demande une place, il n’a pas à être à genoux, ni devant un voyou, ni devant un élu. Quand un maire prend une décision sur l’urbanisme, il est protégé et il applique le mandat qui lui a été donné par le peuple. C’est cela la Corse que nous avons mandat de défendre. »

 

A nostra forza hè u pòpulu  « Je ne connais pas l’origine, ni les motivations, mais je sais que, dans ce climat trouble, peuvent prospérer des intentions malsaines et peut-être des volontés de porter atteinte à ce que nous sommes. Notre force est celle du peuple. On n’est pas une équipe de voyous ! On n’est pas une bande armée ! Nous sommes des gens, des travailleurs. Nous n’irons pas là où nous ne nous voulons pas aller ! Personne ne va me prendre par l’oreille pour me dire ce que je dois faire ! On n’a pas fait – avec ceux qui étaient là avant nous – tout ce que nous avons fait, ni pour reculer, ni pour échouer. Nous avons pris deux engagements : construire ce pays et en faire un pays libre, moderne avec un peuple debout, reconnu dans ses droits et capable de maîtriser son destin. Et sur cela, personne ne nous fera reculer ! Pas question d’échouer ou de renoncer, surtout au moment où le peuple corse en majorité est à nos côtés. » •

 


Pour une solution politique globale : un peuple corse maître de son destin dans une île autonome et apaisée
Motion adoptée à l’unanimité (extraits)

Les 21 et 22 août 1975, à Aleria, la Corse est entrée dans une nouvelle ère de son histoire. Une poignée de patriotes s’est levée pour dire non à l’injustice, au mépris colonial, à la spoliation, à la disparition programmée du peuple corse et de tout ce qui a forgé son identité constitutive au fil des siècles (…) Nous savons ce que nous devons à ces militants de la Nation, dont nous voulons être, avec humilité et détermination, les héritiers et les continuateurs. (…)

Nous savons aussi que c’est la mort d’un homme, Yvan Colonna, et la mobilisation populaire sans précédent qui s’en est suivie, qui ont poussé le gouvernement et l’État à ouvrir un espace de dialogue entre la Corse et Paris, laquelle ouverture aurait dû intervenir depuis des années à mesure que le peuple corse s’exprimait pacifiquement dans les urnes. (…) Quoiqu’il en soit, et en dépit d’un contexte délétère (…) ce processus de discussion marque un moment charnière dans l’histoire contemporaine de notre pays et de son peuple. Il peut et doit permettre d’aboutir à l’édification d’une paix durable en Corse passant par une solution politique négociée. Il peut et doit constituer une opportunité historique pour solder un demi-siècle de conflit.

(…) Nous réitérons solennellement notre demande de « Ghjustizia è verità pà Yvan Colonna ». (…) En ce sens, nous nous réjouissons de la création récente de la commission d’enquête parlementaire présidée par le député Jean-Félix Acquaviva (qui) constitue un moyen institutionnel de nature à procéder à l’expression de cette vérité (…)

Nous rappelons que dans l’histoire contemporaine de la Corse, les négociations politiques ont toujours pris en compte la question des prisonniers politiques. (…) Nous considérons que le refus incompréhensible de permettre à Pierre Alessandri et Alain Ferrandi d’accéder à un régime de semi-liberté suscite au sein de la société corse des tensions qui mettent en danger le processus de discussion engagé entre la Corse et l’État, processus que nous aspirons à poursuivre dans des conditions apaisées. (…)

Cette solution politique d’ensemble doit comprendre la reconnaissance du peuple corse et de ses droits nationaux, notamment le droit de parler sa propre langue, le droit de vivre et de travailler sur sa terre, le droit de maîtriser son destin et ses choix stratégiques. •

 


 

U discorsu di François Martinetti – Extraits*

 

A situazione pulìtica  « Parler de la situation politique aujourd’hui, c’est faire tout d’abord le bilan de cette année politique très mouvementée, marquée par l’événement tragique que nous connaissons tous ici et qui a littéralement bouleversé l’âme même de notre peuple.

Cet assassinat d’un prisonnier politique, d’un patriote, d’un Corse tout simplement, en prison, par un islamiste radicalisé a fait entrer le Peuple en révolte.

U Pòpulu s’hè discitatu ! Quandu ci hè un inghjustizia maiò, u Pòpulu risponde sempre ! Chì più bella prova chè stu pòpulu esiste !

Dopu à isse manifestazioni, u Statu hà apertu u diàlogu. Pà noi, stu diàlogu stòricu deve mette in ballu :
– Una suluzione pulitica glubale per stu paese
– Un autunumia legislativa pè a Corsica

(…) Depuis septembre, vous le savez, la machine s’est enrayée, c’est là qu’un rapport de force politique et démocratique est absolument nécessaire, à déployer à tous les niveaux. Nous avons les atouts, les femmes et les hommes pour continuer sur ce chemin. »

 

Di pettu à e scumesse  « Femu a Corsica, aux côtés du président Simeoni et en appui de son action, est prêt à relever ces défis. Nous avons envisagé, vous le savez, des giri paesani è citadini. Un exercice démocratique promis aux Corses sur la base d’un document de travail « Autunumia » qui vous est présenté aujourd’hui.

Alors bien sûr, comme dans toute entreprise collective, tout n’est sans doute pas parfait. On va encore faire mieux, mais je vous le dis, ce parti, il faut vous y investir, vous en emparer ! Restons solidaires et en « rangs serrés » autour du président de l’Exécutif et de la majorité. Les Corses attendent de nous cette cohésion et ce dynamisme. »

 

Cuntestu è perspettive  « Nous sommes en ce début d’année 2023, dans un contexte de déstabilisations :
– L’État ne joue pas le jeu du dialogue.
– Une violence clandestine réactivée en réaction.
– Des discours haineux, des tags injurieux (…)
– Un contexte compliqué par des dérives mafieuses.
– Un climat délétère entretenu et amplifié par des exactions.

Dans cette séquence où la démocratie est en danger et où tout est possible, restons déterminés face à la violence.

Nous le redisons avec force : Il est encore temps de solder 60 ans de conflits et de construire un véritable processus de réconciliation.  Cette réconciliation ne sera pas celle du renoncement, mais celle d’une compréhension mutuelle et d’une construction commune. » •