La session spéciale de l’Assemblée de Corse convoquée sous le seul ordre du jour de l’autonomie aura lieu ces mardi et mercredi 4 et 5 juillet 2023, alors qu’Arritti est déjà bouclé. Mais les documents et les débats préparatoires en disent déjà beaucoup des décisions qui pourraient en sortir.
Ainsi, le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni a rendu public le rapport qu’il a adressé aux conseillers territoriaux. Ce long document reprend la genèse de la revendication, dans le cadre du dialogue actuel avec l’État, depuis mars 2022, et aussi depuis l’apparition du mouvement autonomiste ARC dans les années 70, et l’enchaînement des délibérations de l’Assemblée de Corse et des statuts successifs de l’île : statut Defferre 1982, statut Joxe 1991, statut Jospin 2002 ; autant d’étapes qui ont refusé la mesure essentielle qui aurait fait bénéficier la Corse d’un pouvoir réglementaire et législatif autonome.
C’est ce pas décisif qui est attendu de la négociation amorcée avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin : « partout en Europe et dans le monde le critère décisif permettant de caractériser un statut d’autonomie est le suivant : un territoire autonome adopte ses propres lois, dans un certain nombre de domaines, à l’exception de celles relevant des prérogatives réservées à l’État. »
Les compétences régaliennes qui restent à l’État vont du droit de la nationalité à l’état civil, de la défense et des forces armées aux législations sur la détention des armes et explosifs, du contrôle des frontières aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers, justice, police, etc. Dans tous les autres domaines, les compétences peuvent relever de l’entité autonome qui les exerce soit de façon exclusive, soit de façon partagée. Et les « lois de pays » votées par les autonomies doivent respecter le droit constitutionnel et les traités internationaux.
Le rapport souligne que si l’autonomie existe couramment hors de France, elle n’est pas non plus vraiment étrangère au droit constitutionnel français qui a su la mettre en œuvre notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Autre point fort de l’argumentation pour l’autonomie, celui sur l’insularité qui, générant « des contraintes permanentes objectives et des traits structurels spécifiques appelle à l’émergence de normes spécifiques ».
Mais le processus engagé n’est pas qu’un processus juridique. Il est aussi un processus politique dont l’enjeu historique est « de tourner la page de la logique de conflit entre la Corse et l’État et construire une relation enracinée dans le dialogue et le respect réciproques ».
Aussi trois notions fondamentales sont à intégrer dans ce futur statut d’autonomie : le peuple corse ; la langue et le statut de coofficilalité ; le lien du peuple corse et de sa terre (statut de résident).
La seconde partie du rapport définit « un chemin constitutionnel pour l’autonomie et une solution politique globale ». Il se décline en trois volets :
– « un Accord politique, soumis à l’approbation en Corse dans le cadre d’un referendum » ;
– « l’insertion d’un Titre dans la Constitution se référant à cet Accord, Titre consacrant l’autonomie de la Corse » ;
– « une loi organique déclinant cet accord et les principes du statut d’autonomie de la Corse, avec transfert du pouvoir législatif dans le périmètre des compétences reconnues à la Collectivité Autonome de Corse ».
La proposition de ces trois volets forme le cœur de la démarche politique sur laquelle l’Assemblée de Corse devra se prononcer par son vote du 4 juillet. Puis l’État répondra officiellement par l’intermédiaire du Chef de l’État, Emmanuel Macron, qui a souhaité « être saisi des propositions de la Corse concernant le statut d’autonomie et la révision constitutionnelle avant son allocution du 14 juillet ».
Le referendum est estimé nécessaire pour que l’Accord qui servira de base au nouveau statut ait toute « sa force et sa légitimité démocratique », pour, notamment, dépasser les clivages entre majorité et opposition au Parlement, afin d’arriver à une approbation par les 3/5es des députés et sénateurs. Le référendum posera la question : « approuvez-vous l’Accord politique soumis à referendum ? » La réponse sera oui ou non.
Cet Accord politique sera alors le document auquel se référera la mention constitutionnelle du Titre spécifique à la Corse. De la sorte, on pourra y faire explicitement référence à la notion de peuple corse : « cette méthode du recours à l’Accord permet par exemple de faire référence à la notion de peuple, qui pose des problèmes constitutionnels importants en droit français, mais qui peut être constitutionnalisée à travers l’Accord politique proposé ».
C’est déjà ainsi que les Accords de Nouméa ont permis de reconnaître l’existence du peuple kanak.
Voilà le chemin proposé par le président du Conseil exécutif. L’unanimité des élus corses serait le meilleur signal possible pour la réussite du processus engagé. •