Tribune de députés

Pour une application du droit à tous les prisonniers

Après la réunion du 9 décembre à Paris entre les élus de la Corse, les syndicats de prisonniers, et des députés à l’Assemblée nationale, on attendait une interpellation en séance plénière du gouvernement. Il n’en a rien été, laissant penser à une intervention en coulisse de celui-ci… Pourtant le premier ministre devra bien s’exprimer avant la fin de l’année sur la levée du statut de Détenu Particulièrement Signalé. Une tribune parue dans Le Monde cette semaine témoigne du signe évident que cette revendication autrefois limitée au seul nationalisme corse, gagne d’autres familles politiques en Corse, mais aussi à Paris ! Ainsi, les présidents des groupes de la Gauche Démocrate et Républicaine, de l’UDI, de la France Insoumise, du groupe Socialiste, et du groupe Libertés et Territoires, se sont joints aux quatre députés et aux deux sénateurs de la Corse, ainsi qu’à trois autres députés du Palais Bourbon pour réclamer le rapprochement de Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna, « au nom du droit et de son application pleine et loyale ». Une quinzaine de parlementaires européens autour de l’eurodéputé François Alfonsi, des groupes Verts-ALE, mais aussi des groupes Socialistes et Démocrates, Renew (libéraux démocrates) et PPE (droite) au Parlement européen, soutiennent cette revendication de rapprochement de Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna, au nom de la démocratie et de l’application de la loi, mais aussi du nécessaire geste à faire vis-à-vis de la Corse et de la demande unanime de ses élus. C’est dire si la position du gouvernement français est intenable et incomprise y compris au niveau européen.
Per un Natale di pace, avvicinamentu è Libertà !

 

« L’attachement aux valeurs de la République et le respect de l’État de droit sont pour nous essentiels et indissociables.

C’est au nom du droit, et de son application pleine et loyale, que nous demandons aujourd’hui que les trois personnes condamnées au titre de leur participation à l’assassinat du Préfet Claude Érignac, le 6 février 1998, soient rapprochées, comme le prévoient les textes français et européens, au centre pénitentiaire de Borgo (Haute-Corse) pour y purger le reste de leur peine, après respectivement 22 années de détention dans différentes prisons et centrales du continent pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, et 18 années pour Yvan Colonna.

La justice a condamné ces trois hommes à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, au titre de leur participation à un crime d’une gravité extrême.

Nous savons combien ces faits tragiques, pour lesquels ne peuvent exister ni complaisance ni justifications, ont constitué un traumatisme pour la République et pour la Corse.

Nous prenons la pleine mesure de la douleur de la famille du Préfet Érignac et de l’ensemble des parties civiles, à laquelle nous n’avons jamais manqué d’exprimer et exprimons à nouveau notre compassion et notre compréhension.

Nous considérons que le droit, dans la République, doit s’appliquer à toutes et à tous, sans distinction aucune, de façon juste et équitable.

C’est parce que nous sommes fondamentalement attachés à ce principe que nous avons décidé aujourd’hui de nous exprimer publiquement.

Monsieur le Premier Ministre doit en effet, avant le 31 décembre 2021, prendre la décision sur le renouvellement ou non du statut de détenu particulièrement signalé attribué jusqu’à aujourd’hui à Pierre Alessandri, Alain Ferrandi, et Yvan Colonna.

Le maintien de ce statut est le seul obstacle juridique à leur rapprochement au Centre pénitentiaire de Borgo, car celui-ci n’est pas habilité à accueillir ce type de détenus.

Un détenu particulièrement signalé est, au terme des textes, un détenu qui présente une particulière dangerosité ou, par exemple, pour lequel existe des risques d’évasion.

Concernant ces trois hommes, leur détention, très longue, s’est passée sans aucune difficulté ni incident. Par ailleurs, ils sont désormais éligibles à une mesure de libération conditionnelle, décision relevant de l’autorité judiciaire, laquelle a décidé au moment de leur condamnation d’écarter la peine de sûreté de 22 ans qui avait été requise à leur encontre.

Enfin, la commission locale appelée à éclaircir la décision du Gouvernement a donné un avis favorable, en 2020, à la radiation de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, du répertoire des détenus particulièrement signalés. Cet avis est bien entendu consultatif, mais dans la très grande majorité des cas, il est suivi par le Gouvernement.

Maintenir le statut de détenu particulièrement signalé (DPS) de ces trois détenus vise uniquement à interdire leur rapprochement, en violation de la lettre et de l’esprit du droit français et européen en la matière. Il convient de mettre un terme, sans délai, à cette situation et d’appliquer le droit.

De ce fait, cela favorisera un légitime rapprochement familial et réparera ce qui a pu être vécu comme une double peine, eu égard aux distances entrainant de lourdes conséquences humaines et financières.

Cette demande est portée avec force par les Corses et par leurs représentants, toutes opinions politiques confondues.

Elle a notamment donné lieu à l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée de Corse d’une résolution solennelle, également soutenue par nombre de ceux qui ont été Présidents du Conseil exécutif de Corse ou de l’Assemblée de Corse depuis 1998, que ces anciens dirigeants insulaires soient de droite, de gauche, ou nationalistes, mais aussi par de très nombreuses communes et intercommunalités de Corse.

Nous avons entendu cette volonté d’équité et de justice. Nous la partageons et la faisons nôtre.

Et nous pensons fondamentalement que personne ne pourra faire grief ou reproche au Gouvernement de se déterminer en ce sens.

C’est en effet l’honneur de la République que d’appliquer le droit.

C’est aujourd’hui notre devoir de parlementaire de le réaffirmer et de le demander. » •

 

Les Présidents de groupe politique à l’Assemblée nationale : André Chassaigne, Président du groupe Gauche Démocrate et Républicaine – Jean-Christophe Lagarde, Président du groupe UDI – Bertrand Pancher, Président du groupe Libertés et Territoires – Mathilde Panot, Présidente du groupe La France insoumise – Valérie Rabault, Présidente du groupe socialiste
Les quatre députés de la Corse : Jean-Félix Acquaviva, député de la Haute-Corse – Michel Castellani, député de la Haute-Corse – Paul-André Colombani, député de la Corse-du-Sud – Jean-Jacques Ferrara, député de la Corse-du-Sud
Les deux sénateurs de la Corse : Jean-Jacques Panunzi, sénateur de la Corse-du-Sud – Paulu Santu Parigi, sénateur de la Haute-Corse
Les députés à titre individuel : Bruno Questel, député LaREM de l’Eure – Antoine Savignat, député LR du Val-d’Oise – François Pupponi, député MODEM et Démocrates apparentés du Val-d’Oise.