Colloque, 16 octobre à l’espace Diamant à Aiacciu

Pour « Une Corse moins pauvre demain »

Cela devient un rendez-vous annuel, le colloque de la Coordination inter-associative de lutte contre l’exclusion (CLE) se tiendra le 16 octobre prochain à l’espace Diamant à Aiacciu, une date qui s’inscrit dans l’ensemble des manifestations liées à la Journée mondiale du refus de la misère. « Une Corse moins pauvre demain » : le thème se veut espoir, car des moyens d’en sortir existent, pour peu que la société se mette en mouvement.

 

 

La précarité c’est d’abord un cercle vicieux qui en entraîne d’autres. Un engrenage sociétal, chômage, mal logement, santé précaire, solitude… des situations qui vont de pair. Pour en sortir, il faut un coup de pouce qui peut lui-même enclencher un engrenage positif. Cela réclame une bonne analyse du phénomène, de la volonté politique et une tout aussi bonne organisation (coordination). Réunir les acteurs, se faire s’interroger la société, c’est un pari que s’est lancé voilà quelques années la Coordination inter-associative de lutte contre l’exclusion (CLE), qui comprend une quinzaine d’associations de terrain qui savent de quoi elles parlent.

La CLE est présidé par le Dr François Pernin qui ne ménage pas ses efforts pour sensibiliser à ce fléau et plaide pour une approche systémique, qui bannit la dispersion trop souvent constatée et synonyme de perte de temps et d’argent considérable.

 

Constat implacable*

La Corse est la région la plus pauvre de France avec 18,5 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté. Une économie tertiaire, trop dépendante de l’emploi public et du tourisme qui concentre le gros des emplois salariés privés et génère des emplois précaires par sa saisonnalité. Une population aussi qui vieillit, avec le taux de pauvreté des séniors le plus élevé de France (35 % des retraités contre 19 % sur le Continent). Des déficits de formation (un jeune sur quatre de moins de 29 ans sans diplôme et sans emploi). Des écarts de revenus qui se creusent au sein de la société corse, mais aussi entre Corse et Continent. Un taux d’activité des femmes bas (67 % des femmes de 15 à 64 ans recherchent un emploi). Ce qui signifie de faibles revenus ou de faibles retraites pour ces femmes. 29 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté contre 17 % au niveau national. Un fort déficit en logement social (9,5 % seulement contre 15 % sur le Continent). Idem pour le logement d’urgence. Bref, un foncier cher, une énergie chère, une vie chère (+7 % de différentiel avec le Continent en général, +14 % pour l’alimentation, +8 % pour le gaz ou +6 % au minimum pour le carburant). Des salaires bas qui ne parviennent pas à compenser, etc. Le tout produit un bilan que l’on connaît trop bien : plus d’une personne sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.

Arrêtons là l’énumération, la Corse est une région aux fortes potentialités, mais où l’on vit sous la menace de basculer dans la précarité pour ceux qui n’y sont pas encore ! Et ce, malgré une solidarité familiale qui existe toujours par rapport au Continent, un monde associatif très actif, et des collectivités qui essaient de palier aux urgences.

Les conclusions des précédents colloques de la CLE ont souvent souligné le manque de coordination et d’intelligence dans la prise en charge, de même que le manque d’anticipation et d’action sur les mécanismes qui conduisent à cette précarité.

 

Changer d’approche

Le colloque du 16 octobre prochain ne manquera pas d’y revenir, au vu des thèmes et des intervenants programmés. Arritti rendra compte bien sûr. Le programme invite à creuser la question sous différents angles : l’approche globale pour la planète, l’aggravation due aux dérèglements climatiques, l’autonomie alimentaire, la précarité énergétique, l’accès aux soins.

Jean-Philippe Pernin, docteur en informatique, a mis en place un master didactique et multimédia à l’université de Grenoble, il est engagé au niveau associatif pour sensibiliser et former aux mécanismes de dérèglement entre la planète et les humains. Crises sanitaires, sociales, environnementales, géopolitiques, économiques… comment la compréhension systémique du monde et de l’influence des sociétés humaines peut aider aux solutions, par l’éducation populaire, la mixité sociale et intergénérationnelle, une meilleure approche des difficultés des plus pauvres dans les secteurs de l’alimentation, de l’énergie, de l’habitat, de la santé.

Hyacinthe Choury, secrétaire général de la fédération du Secours populaire de Corse, vice-président de la CLE abordera les conséquences des dérèglements climatiques en Corse sur l’environnement, nos ressources, la santé, et l’appauvrissement des populations.

François Casabianca, ingénieur agronome, ancien chercheur de l’Inrae, rapporteur du groupe de travail sur l’autonomie alimentaire de la Corse au Cesec, président de l’association Avà Simu, collectif de lutte contre les discriminations, traitera de la question de l’autonomie alimentaire et de la promotion d’une alimentation saine, équilibrée et culturellement appropriée, un levier d’action pour lutter contre la précarité.

Georges Guironnet, fondateur de Soleco, leader de l’énergie solaire en Corse, engagé dans le développement des énergies renouvelables, avocat inlassable du scenario Négawatt, conseiller indépendant en Transition énergétique pour lutter contre la paupérisation de la Corse et le réchauffement climatique. Son crédo : exploiter nos biens communs le soleil et le vent dans un véritable intérêt général créateur de richesses partagées, d’emplois valorisants, de justices sociales.

Laurent Papazian, chef de service réanimation à l’hôpital Nord à Marseille (2009-2019), professeur des Universités Aix-Marseille, médecin intensiviste réanimateur au sein de l’équipe de réanimation du CH de Bastia, abordera les inégalités de prise en charge des patients face à la maladie et plaidera pour la création d’un CHU en Corse.

Un beau programme en perspective ! •

* Sources INSEE.

 

Pour participer au colloque, s’inscrire auprès de contact.cle20@gmail.com

 


 

docteur Pernin
U mottu di u Duttore Pernin
Cet instant entre deux gouttes…

 

« Ce colloque affirme, tranquillement, que la pauvreté est l’œuvre des hommes, elle n’est pas le fruit du hasard. Ce colloque témoigne, clairement, que nos actions, aussi nombreuses et généreuses qu’elles soient, ne suffiront pas, à elles seules, à faire reculer la misère et à éteindre l’incendie.

C’est d’une stratégie globale, incluant tous les talents, dont nous avons besoin aujourd’hui.

  • Nos actions sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes ;
  • nous traitons l’urgence, il nous manque la prévention ;
  • nous accompagnons les stades terminaux, il nous faut du curatif ;
  • nous répétons et multiplions les mêmes gestes de sauvetage, il nous faut des chercheurs ;
  • nous agissons dans les lieux où frappe la misère, il nous faut des vigies ;
  • nous déployons nos talents, il nous faut un chef d’orchestre.

Dès lors, pourquoi :

  • persister à mener des actions qui soulagent, mais ne résolvent rien ? Parce qu’elles soulagent.
  • Pourquoi s’acharner aux gestes d’urgence qui ne guérissent pas ? Parce qu’ils en sauvent quelques-uns.
  • Pourquoi continuer, nous, si petits, devant ce mal immense ? Parce que nous sommes le colibri de la légende, ce minuscule oiseau qui jette de son bec quelques gouttes d’eau sur un immense incendie, dont d’aucuns moquent le dérisoire d’un geste inutile ; mais, un colibri leur répond entre deux becquées : « Je fais ma part ». Les autres, plus puissants, aux talents différents, aux moyens plus grands, ébranlés par ce geste dérisoire se mettent alors, eux aussi, à faire leur part.

Vouloir une Corse moins précaire, fédérer les talents pour que la pauvreté recule, rassembler tous les acteurs autour d’une véritable stratégie contre la misère, faire sa part : ce n’est pas un rêve, c’est le sens de ce rendez-vous, un moment de partage pour construire ensemble une Corse moins pauvre. » •

Dr François Pernin.