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La méthode Darmanin

par François Joseph Negroni

 

Dans une récente entrevue avec Corse-Matin, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, a exposé sa vision du processus de Beauvau, adoptant une attitude qui interpelle. L’interview, tenue le vendredi 16 février, s’est distinguée par une approche qui frise la provocation plutôt que la collaboration. En effet, il a au début de l’entretien déclaré ceci : « J’ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes […]. J’inviterai, le 26 février prochain, à Paris, Gilles Simeoni, ainsi que les principaux responsables des familles politiques Corses […] pour leur soumettre une rédaction qui sera amendable. »

Ce qui frappe dans la démarche de Darmanin, c’est sa volonté de préfigurer lui-même les bases de ce statut d’autonomie qui est porté par le mouvement national depuis plus de 60 ans. Il appelle également la majorité du président Simeoni à faire un pas en direction de ses opposants. Curieuse demande émanant d’un exécutif présidentiel qui respecte si peu les oppositions. Quels objectifs se cachent derrière ? Pourquoi tenter de déconstruire la délibération « Autunumia », qui a été adoptée à plus de 70 % par l’Assemblée de Corse, au nom de principes démocratiques que l’exécutif présidentiel semble lui-même manier avec flexibilité ? Au nom de quoi ? De la démocratie ? Du respect des opposition ? Cette attente paraît paradoxale venant d’un gouvernement qui use régulièrement de l’article 49.3 pour faire passer ses lois, qui ne respecte pas ses oppositions, et qui n’a fait passer aucune délibération d’envergure avec une majorité semblable à celle obtenue par l’Assemblée de Corse concernant l’autonomie.

 

À cela s’ajoute la lubie de la métropole d’Aiacciu, aucunement portée ou votée par le peuple Corse, et qui semble n’exister que pour contourner le pouvoir de l’Assemblée de Corse, et contenter quelques opposants à l’évolution institutionnelle de la Corse.

Cette stratégie, mise en lumière dans l’entretien, souligne une tentative de pilotage direct du débat sur l’autonomie corse par Paris, dans un contexte où la majorité présidentielle est souvent critiquée pour son manque d’écoute et de respect envers les voix divergentes. Le choix de Darmanin de proposer un texte « amendable » reflète une volonté de contrôle qui, au-delà de la Corse, questionne sur la manière dont la démocratie est pratiquée et respectée au sein de la République française.

Il faut savoir balayer devant sa porte, M. Gérald Darmanin. •