Les 31 mars et 1er avril se tenait à Katowice en Silésie l’assemblée générale de l’Alliance Libre Européenne (EFA en anglais).
L’ALE est l’un des 16 partis politiques européens. Elle compte 45 partis autonomistes ou indépendantistes représentant autant de nations sans États. 14 d’entre eux sont des partis siégeant dans des gouvernements. Et Inseme pè a Corsica, partenaire du PNC, l’a rejoint cette année. C’est un pas important vers la constitution de Femu a Corsica en véritable parti politique, et c’est, pour la Corse, l’évènement marquant de cette AG 2017!
Chaque année l’ALE tient son assemblée générale dans l’une des régions des partis membres. Cette année donc, la Silésie était à l’honneur !
C’est le RAS (Rush Autonomii Slazka, Mouvement pour une Silésie autonome) qui accueillait les très nombreuses délégations pour probablement l’une des participations les plus dynamiques de ces dernières années. Il faut dire que l’ALE est en progression constante, avec les succès enregistrés en Catalogne, en Écosse, en Flandres, au Pays Basque, au Pays de Galles, mais aussi en Corse, aux Baléares, en Pays Valencien, en Frise, en Aragon, en Vojvodine, en Silésie, ou dans la Vallée d’Aoste, etc. Elle est présente sans discontinuer depuis 1989 au Parlement européen et a doublé le nombre de ses eurodéputés en 2014 (12 contre 6 en 2009).
Pour le « droit à décider »
À l’Est de la Pologne, la Silésie réclame son autonomie. «Autonomia to normalnosc » (l’autonomie c’est la normalité) était le slogan de cette année. «Chaque partie de la mosaïque doit être mise en valeur, doit avoir sa place et être pleinement associée à l’Europe. Chaque peuple doit vivre sa démocratie. L’autonomie de chacun, l’union de tous : c’est le projet de l’ALE, à savoir le droit de chaque peuple à être entendu » c’est par ces mots que le président de l’ALE, François Alfonsi, a ouvert cet important rendez-vous annuel.
Autodétermination dans une Europe des peuples où le « droit à décider » serait garanti, défense des langues et des cultures, lutte contre le centralisme et le jacobinisme, justice sociale, écologie, solidarité internationale, sont les revendications fondamentales de l’ALE.
“Le respect des identités est notre premier message, l’autonomie devrait être la normalité” a martelé François Alfonsi, qui a apporté au nom de l’ensemble des participants son soutien à la Silésie (lire en ici et là).« L’Union européenne n’est pas qu’une communauté d’intérêts, c’est une communauté de valeurs qu’il faut faire progresser » a expliqué à son tour, Jerzy Gorzelik, président du RAS. Josep Maria Terricabras, eurodéputé catalan et président du groupe des 12 députés européen de l’ALE à Strasbourg, a souligné lui aussi combien était important le respect des identités. «Ces valeurs sont bafouées et quand elles le sont, ce sont des orientations anti-européennes qu’il nous faut combattre ».
Pour l’ALE, le « droit à décider » va de pair avec une démocratisation de l’Europe. «Nous faisons partie de cette Europe des régions ou des nations sans États. Basse Silésie et Pologne ont besoin de l’Europe mais l’Europe a besoin de l’ensemble des identités qui composent l’ALE » a dit encore Jerzy Gorzelik.
Les débats de l’AG
Outre les moments forts de l’AG —débat sur les conséquences du Brexit, préparation du «Manifesto » (ici le Manifesto 2014) en vue des élections européennes de 2020, enjeux de la souveraineté énergétique, présentation du recueil de réflexions sur le droit à l’autodétermination publié par la Fondation de l’ALE, le Centre Maurits Coppieters— de très nombreuses motions, comme chaque année étaient mises en débat, avec notamment la «mise à jour » de certaines d’entre elles, adoptées l’an dernier et le besoin de veiller à leur suivi. Pour la défense du peuple sarharawi opprimé au Maroc ; pour la défense du peuple palestinien, chassé de ses terres, avec déjà plus de 6000 nouveaux logements colons installés pour le seul mois de février, et la solution des deux États qui s’éloigne chaque jour un peu plus ; contre la violation des droits de l’homme en Turquie avec l’installation d’une dictature aux portes de l’Europe, des centaines d’arrestations et des restrictions des libertés très inquiétantes ; pour la paix en Pays Basque avec les obstacles que continue de mettre Madrid au processus engagé, alors qu’ETA a annoncé le dépôt des armes et respecte scrupuleusement tous ses engagements ; pour le soutien à l’Artsakh (Nagorno-Karabakh ou encore Haut-Kharabakh), menacé par les Turcs de l’Azerbaïdjan. On se souvient l’an dernier à Aiacciu, le président Ashot Ghulyan avait dû quitter précipitamment la Corse car son pays était menacé à la frontière par une invasion militaire.
Autres motions importantes : l’organisation des relations ALE avec ses partis membres du Royaume Uni déchu : SNP en Écosse, Plaid Cymru en Pays de Galles. Pour l’ALE, trois eurodéputés sont concernés par le Brexit ! L’AG consacrait un débat sur cette importante question de comment éviter un nouveau Brexit ? Quel scenario de négociation ?
Enfin, bien sûr, le soutien au référendum catalan : « J’espère que c’est la dernière fois que nous vous présentons une motion de soutien au référendum pour l’indépendance de la Catalogne. J’espère que la prochaine fois sera une motion pour se réjouir de l’indépendance de la Catalogne ! » a dit Jordi Solé, eurodéputé d’Equerra Republicana de Catalunya, très chaleureusement applaudi. De nombreux autres sujets ont occupé l’AG, comme la volonté d’organiser des Jeux entre nations sans État (proposition du mouvement Morave) ou encore pour lutter contre l’extinction des abeilles et le besoin d’obtenir des études européennes sur les nouveaux pesticides mis sur le marché pour contrecarrer les interdictions européennes.
Inseme pè a Corsica membre de l’ALE !
Trois nouveaux partis ont rejoint l’ALE : outre Patrie Furlane du Frioul et Oljka d’Istrie Slovène, Inseme pè a Corsica a posé officiellement sa demande. C’est un premier pas concret vers la constitution de Femu a Corsica en véritable parti politique. Jean-Claude Morison, responsable d’Inseme pè a Corsica, représentant Gilles Simeoni, a fait le déplacement avec la délégation PNC pour présenter cette demande d’adhésion (lire ici) qui a été acceptée à l’unanimité. Désormais, sous le regard bienveillant aussi de la 3e composante, Chjama Naziunale, c’est tout Femu a Corsica qui est membre de l’ALE ! La feuille de route donnée lors de la Ghjurnate d’Arritti qui fêtait 50 années de parution sans discontinuité et avec lui, 50 ans de nationalisme corse en décembre dernier, est donc respectée. La prochaine étape est très attendue. Enfin, l’ALE organisera sa prochaine AG en Bavière en mars 2018. Les candidatures pour vivre cet événement annuel sont nombreuses : la Transylvanie en 2019, les îles Aland en 2020, la Sardaigne en 2021… Le calendrier de l’ALE est déjà plein ! Mais il y aura bien d’autres rendez-vous d’ici là. À Cardiff, pour la présentation d’une nouvelle publication du CMC, pour le référendum catalan sur l’indépendance, et, on l’espère, au plus vite aussi, pour la constitution de Femu a Corsica !
Fabiana Giovannini.