De nombreuses mobilisations dans toutes les régions qui revendiquent la reconnaissance d’une langue régionale, ont été menées suite à l’avis du Conseil Constitutionnel du 21 mai 2021 menaçant l’existence de l’enseignement immersif en France, y compris l’enseignement immersif associatif pourtant mis en œuvre depuis un demi-siècle (première ikastola ouverte en 1969). Cette mobilisation a conduit le premier ministre à essayer de calmer le jeu à quelques mois de l’élection présidentielle et à publier une circulaire ce 16 décembre, pour rassurer sur le maintien du système immersif tel qu’il existe. Une bonne chose, mais qui n’ôte pas le risque, à tout moment, d’un nouvel avis du Conseil Constitutionnel, sur n’importe quelle plainte invoquant l’article 2 de la Constitution et on voit à quel point le pouvoir d’un homme farouchement hostile, comme l’est le ministre de l’Éducation nationale, Jean Michel Blanquer, peut nuire à nos langues ! Pour se prémunir de ce type d’attaque, les langues régionales doivent avoir un vrai statut institutionnel, et pour y parvenir, seule une modification de la Constitution permettra de garantir leur enseignement et promouvoir leur usage. Le breton comptait 1,2 millions de locuteurs au début du 20e siècle. Aujourd’hui, il n’en compte que 200 000 et parmi les populations les plus âgées, c’est dire le déclin de nos langues confrontées aux attaques jacobines ! Elles sont toutes d’ailleurs classées « en voie de disparition » par l’Unesco. Et encore, depuis les années 70, un renouveau se fait grâce à l’effort militant, dans le monde associatif pour l’essentiel, ou engagés dans le système public. Mais c’est une véritable guerre que leur mène l’État et le temps joue contre nous. Il faut former des locuteurs. Vite. C’est pourquoi le réseau Eskolim qui regroupe toutes les filières associatives d’enseignement immersif en Bretagne, Pays Basque, Alsace, Catalogne, Occitanie et Corse a un rôle crucial. Eskolim et ses représentants dans chacune de ces régions ont réagi à la publication de la circulaire du premier ministre. De même que le collectif Pour que Vivent nos Langues qui regroupe toutes les associations et syndicats de défense des langues régionales en France, investies dans le public ou l’associatif.
Il faut des politiques linguistiques plus offensives, il faut une reconnaissance véritable, il faut des moyens, et pour cela, il faut faire sauter le verrou constitutionnel !
Cette circulaire est une bonne chose, elle rassure, et permet de passer Noël, mais elle reste insuffisante. Dès après les fêtes, il nous faudra reprendre la mobilisation pour réclamer une réforme de l’article 2 de la Constitution.
Bon Natale à tutti l’innamurati è difensori di e nostre lingue ! •
Fabiana Giovannini.
Eskolim* : « Plus que jamais une réforme constitutionnelle semble nécessaire ! »
« La décision du Conseil constitutionnel du 21 mai 2021 avait généré une crise sans précédent pour nos écoles pratiquant la pédagogie par immersion, en menaçant leur existence même et leur raison d’être depuis plus de cinquante ans. Eskolim tient à remercier toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés à nos côtés dès le lendemain pour dire haut et fort que ce type de vision anachronique ne pouvait pas s’appliquer au 21e siècle.
Le gouvernement a pris la mesure de ces mobilisations et des attentes autour des langues régionales et la concertation entamée le 15 septembre autour du premier ministre Jean Castex et poursuivie avec les services de l’Éducation Nationale porte ses fruits aujourd’hui avec la publication de cette circulaire.
L’immersion pratiquée dans nos réseaux depuis plus de cinquante ans a toujours assuré cet objectif de maîtrise des deux langues, la circulaire publiée ce jeudi 16 décembre vient donc conforter notre modèle.
Eskolim apprécie également les ouvertures insérées dans le texte à propos des langues de passage des examens du brevet et du baccalauréat et se tournera désormais vers les recteurs d’académie pour voir les modalités d’application de ces mesures. Nous tenons également à saluer l’intégration du francoprovençal, du flamand occidental, du picard, du kibushi et du shimaoré qui obtiennent enfin le droit minimal d’être enseignées à l’école et nous attendons impatiemment la mise en place du conseil interministériel des langues régionales promis par le Premier Ministre.
Si le gouvernement a montré un changement d’orientation récent, n’oublions pas que cette fragile circulaire restera noyée dans un corpus juridique issu d’une époque où la France voulait faire disparaître ses langues régionales. Des mesures sont encore à prendre pour assurer le développement de l’enseignement des langues régionales (généralisation de l’offre d’enseignement, moyens et formations adéquats), pour en développer l’usage, et même pour garantir certains droits fondamentaux. N’oublions pas que la censure du 21 mai 2021 interdit l’usage de simples prénoms. Plus que jamais une réforme constitutionnelle semble nécessaire afin d’assumer pleinement les langues régionales dans leur transmission et dans leur usage, trésors de notre société et de nos territoires. » •
* A.B.C.M. Zweisprachigkeit – Calandreta – Diwan – La Bressola – Scola Corsa – Seaska.
Collectif Pour que Vivent nos Langues : « Une bonne copie, mais imparfaite »
Le collectif Pour Que Vivent Nos Langues accueille avec satisfaction la circulaire du 16 décembre sur l’enseignement des langues régionales qui vient temporairement résoudre la crise générée par la censure du Conseil constitutionnel en autorisant l’enseignement bilingue par immersion, y compris dans l’enseignement public, conformément au texte adopté cette année par une écrasante majorité des députés et sénateurs.
La publication de cette circulaire répond au large mouvement de mobilisation des défenseurs et acteurs de la promotion de nos langues, qui a notamment favorisé l’adoption le 8 avril dernier de la loi Molac. Les échanges ultérieurs avec le Premier Ministre Jean Castex ont permis d’aboutir à des avancées notables pour l’enseignement de nos langues.
Au-delà de cette sécurisation de l’enseignement par voie d’immersion, cette circulaire consacre la réaffirmation de plusieurs libertés fondamentales mises à mal ces dernières années : liberté de choix des parents et liberté pédagogique d’organisation des établissements.
La circulaire confirme aussi que le but de l’enseignement bilingue est la maîtrise des deux langues. L’efficacité des décisions qui seront prises à l’avenir ne se mesurera plus au regard des moyens pédagogiques mis en place mais bien au regard de la possibilité d’amener réellement les élèves à maîtriser ces langues.
La circulaire consacre aussi d’autres avancées, notamment l’extension de la possibilité d’enseignement à 5 langues supplémentaires (franco-provençal, flamand occidental, picard, kibushi, shimaoré). C’est le fruit des campagnes menées par les membres du collectif.
S’il faut applaudir la décision de publier cette circulaire en ces termes, il faut, par contre, en mesurer la portée réelle. Il ne s’agit que d’une circulaire, donc d’une solution bien fragile et précaire face à la crise ouverte par la décision du Conseil constitutionnel, Il faudra rapidement trouver des solutions plus pérennes et un débat sur la nécessité d’une révision constitutionnelle nous paraît difficilement évitable.
La circulaire aurait pu être également l’occasion de permettre l’application des articles non censurés de la loi Molac, mais elle reste bien en deçà des espérances et de l’esprit dans lequel a été voté son article 7 sur la généralisation de l’offre d’enseignement. Pour ne pas rester purement déclarative, une circulaire doit s’accompagner de moyens et nous savons bien que ces dernières années le compte n’y a pas été : peu de créations de nouvelles filières ou d’établissements, peu de postes aux concours…
Les langues régionales ont énormément souffert ces dernières années de réformes imposées par ce gouvernement comme la loi Gatel, la loi de réforme du bac, et le statut de l’option. Au lieu de corriger ces maux, la circulaire les entérine.
La circulaire répond à l’urgence d’une crise, et il est désormais temps d’ouvrir un vrai débat dans les prochaines semaines. Le collectif Pour Que Vivent Nos Langues consultera les candidats à l’élection présidentielle afin de connaître leur position de fond et leurs engagements concrets vis à vis de nos langues régionales, trésors de nos territoires, facteurs de lien social car il s’agit d’un droit humain fondamental garanti par les conventions européennes et internationales. » •