Quatre morts, une cinquantaine de blessés, 1,2 million foyers privés d’électricité, des coupures d’eau et de gaz, d’importants dégâts sur les habitations et l’environnement, Ciaran puis Domingos ont sévi sur une grande partie de la France, particulièrement en Bretagne. Mais les vents extrêmement violents et les fortes précipitations ont gagné la Méditerranée et frappé la Corse notamment dans la région de Porto et dans la vallée de la Restònica où, comme partout, selon la formule désormais consacrée, les témoins « n’avaient jamais vu ça »… (lire p3).
En France, comme en Corse, on fera le bilan et des centaines de millions d’euros devront être mobilisés. Encore, et encore… En Europe, au moins 19 personnes ont été tuées, et c’est en milliards d’euros qu’il faudra chiffrer le coût des désastres matériels.
Les tempêtes se succèdent et laissent derrière elles des stigmates qui résistent parfois aux années. Le déluge dévastateur de la tempête Alex dans les vallées de la Roya et de la Vésubie, en 2020 (11 morts, 8 disparus, des milliers de sinistrés), a profondément transformé le paysage.
Les tempêtes sont un phénomène météo connu de tous temps. Mais, indéniablement, le changement climatique aggrave leurs conséquences, des risques de crues dans les terres aux submersions marines sur le littoral (avec Ciaran, on a mesuré des vagues de plus de 20 mètres au large du Finistère).
C’est dit et redit dans les discours, trop insuffisamment dans les faits, la lutte contre le réchauffement des températures doit impérativement se coupler avec une politique d’adaptation climatique dans nos modes de vie, d’ailleurs prévue dans les Accords de Paris.
Face aux phénomènes de canicule, sècheresse, inondation, feux de forêts, érosion littorale, submersion marine, élévation du niveau de la mer, nous sommes appelés à un véritable changement de société. Et vite.
En matière d’urbanisme notamment.
À trop bâtir près du littoral et sur les lidos, assécher les marais et les estuaires, ne pas respecter les lits des fleuves, on se retrouve « les pieds dans l’eau » ! À couper des arbres au lieu de les planter, on s’expose aux éboulements. Il va falloir réfléchir à des infrastructures plus résistantes aux phénomènes climatiques intenses, à l’enfouissement des lignes électriques par exemple, ainsi qu’à prioriser des politiques de restauration de la nature, d’entretien des forêts pour lutter contre les incendies et les glissements de terrain, de plantation d’arbres pour rafraichir les températures, notamment dans les villes. Adapter aussi nos modes de production agricoles en matière d’irrigation et de cultures plus résistantes aux sècheresses. Et bien sûr au niveau énergétique, bannir les énergies fossiles et développer les énergies renouvelables. C’est une question de survie pour des millions de personnes. Des populations entières devront être déplacées. Ce qui nécessite d’autres politiques migratoires et d’autres conceptions de l’humanité, plus solidaires.
Les dépenses importantes que tout cela réclame sont sans commune mesure avec celles qu’il faut d’ores et déjà débourser à chaque catastrophe pour réparer les dégâts. Selon le programme d’adaptation climatique des Nations Unies, les gains seraient multipliés, « jusqu’à 10 fois supérieurs » au coût des catastrophes. De même, au niveau agricole, le monde pourrait être « à l’abri d’une baisse des rendements agricoles mondiaux pouvant atteindre 30 % d’ici à 2050 ».
C’est vrai à l’échelle internationale, comme à l’échelle des régions. « Est-il normal de mobiliser le “Fonds vert” dédié notamment à “l’adaptation des territoires au changement climatique” pour l’accueil de yachts plutôt que pour l’entretien de digues ou de rivières ? » interroge dans un communiqué Ecologìa Solidaria qui appelle à « changer radicalement de modèle de développement ». La Corse se rêvait comme un laboratoire d’expériences en la matière. Il serait temps de s’y mettre. •