Ce sera pour cet été. La CTC et la Région autonome de Sardaigne sont tombées d’accord pour créer un service public de liaison maritime entre Corse et Sardaigne, avec deux lignes : celle entre Bonifaziu et Santa Teresa di Gallura, principalement pour les passagers et leurs véhicules, et celle entre Prupià et Porto Torres, principalement pour le fret.
Dans le protocole d’accord signé par Jean Félix Acquaviva et son homologue sarde Massimo Deiana à ce sujet le mois dernier à Aiacciu, la volonté des deux Collectivités Territoriales est affirmée : faire vite, au besoin en recourant à des liaisons transitoires, et faire durable, en appuyant l’essor de la desserte sur une coopération transfrontalière européenne stable, avec des délégations de service public qui financeront une liaison régulière sur les deux routes maritimes l’hiver.
En effet le trafic Corse Sardaigne est une « niche » dont la rentabilité est aujourd’hui limitée à une ligne, Bonifaziu-Santa Teresa di Gallura, et seulement durant la saison touristique, six mois de l’année.
C’est ce (petit) gâteau que se disputent quelques compagnies maritimes, avec des navires plus que vieillots, tandis que l’hiver venu la ligne est réduite à sa plus simple expression.
Il faut mettre fin à cette situation indigne pour deux territoires si proches, membres de l’Union Européenne depuis un demi-siècle, et que tout continue de séparer malgré leur proximité géographique, politique et culturelle. Concrètement, alors que les Exécutifs des deux territoires ont affirmé cette volonté dès leur première rencontre à Cagliari il y a un an, la situation continue de menacer de leur échapper à chaque instant. La desserte d’hiver à travers i Bocchi di Bonifaziu a failli disparaître avec la disparition de la Saremar, compagnie publique sarde qui croulait sous les dettes. Et celle initiée par la Méridionale dans le prolongement de la desserte du port de Prupià depuis Marseille a elle aussi failli être supprimée au premier janvier dernier. Rien n’aurait été pire qu’un tel constat d’échec, et il y a donc urgence à consolider économiquement ces lignes avant l’hiver prochain.
Pourtant l’argent existe. La Région Sarde apporte depuis des décennies un concours financier à la desserte de Bonifaziu. La Commission européenne avait donné son aval à cette aide publique qui, si elle n’a pas suffi à sauver une Saremar au bord du gouffre, apparaît à tous suffisamment substantielle (7 M€ par an) pour doter la ligne de fréquences régulières et de navires plus modernes.
Côté Prupià-Porto Torres, la ligne s’est créée dans les années 80 sur la base d’un trafic (livrer en Sardaigne les véhicules Renault fabriqués en France en évitant les autoroutes saturées) et d’un navire sobre financièrement. Mais la Méridionale a mis sur la ligne de Prupià un navire plus important, donc plus coûteux, tandis que le lobby routier européen a récupéré le transport des véhicules Renault qui assurait la base de financement du trafic. Devenue largement déficitaire, la Méridionale a voulu fermer sa ligne cet hiver, et c’est in extremis que la réaction locale autour de Jacques Fieschi et l’intervention du Président de l’Office des Transports ont réussi à la maintenir. Mais, avec une seule rotation par semaine, elle est très insuffisante pour générer un flux économique rentable.
L’accord entre les deux collectivités corse et sarde consiste à se partager de façon transitoire le financement des deux lignes, Bonifaziu pour la Sardaigne et Prupià pour la Corse. Et cela dès cet été pour que chacune aborde l’hiver prochain avec des fréquences meilleures et des conditions de navigation dignes de ce nom.
Ensuite les deux régions transféreront le financement de ces lignes à un Groupement Européen de Coopération Transfrontalière (GECT) et bénéficieront alors de fonds européens pour assurer l’essor des deux lignes.
Passer de 300.000 à 500.000 passagers pour le trafic voyageurs, réussir une relance complète de l’offre maritime Porto Torres/Prupià/Marseille pour le transport de marchandises, sont les enjeux économiques de ce dossier de coopération transfrontalière dont la réussite bénéficiera enfin à l’économie des deux îles.
A. Franceschi