La venue du président Hollande aura laissé un sentiment d’inachevé. Certes sous sa mandature la Corse aura connu d’indéniables avancées. Depuis l’arrivée des nationalistes aux responsabilités, un dialogue s’est engagé avec Paris, concrétisé par l’action de Jean Michel Baylet, dans la suite de celle de Marylise Lebranchu, sans oublier les autres ministres Ségolène Royal ou Emmanuelle Cosse (qui sera en Corse le 13 mars prochain). François Hollande a revendiqué les avancées de ces derniers mois. Mais on l’attendait sur un registre plus politique, compte tenu de cette visite surprise de fin de mandat. Il n’en a rien été. Peuple Corse ? Le mot est désormais prononcé sans gêne, mais toujours pas de possible reconnaissance dans les faits.
Comme pour la langue et l’identité, « une chance pour tous », mais le président s’excuse presque : il n’a pas réussi à convaincre le congrès des deux assemblées, « pour aucun sujet que ce soit y compris sur la ratification de la charte des langues régionales ». « Il faudra chercher à faire évoluer les esprits », dit-il… Les interventions des deux présidents de la Corse – de l’Exécutif et de l’Assemblée – sont donc désormais adressées au prochain président de la République, bien plus qu’à François Hollande.
Arritti reproduit ici l’essentiel de leur message.
Gilles Simeoni, président du Conseil Exécutif
« À enjeux historiques, perspective historique »
«Monsieur le Président, vous avez donc voulu que votre première visite en dehors d’un bâtiment de l’État soit pour notre institution, la Collectivité territoriale de Corse, qui a en charge les affaires de la Corse, et qui est donc, à ce titre, la garante des intérêts matériels et moraux du peuple corse.
C’est un geste dont nous mesurons l’importance symbolique et politique. Bienvenue, donc, en cet hémicycle, celui de l’Assemblée de Corse, cœur battant de la démocratie insulaire.
Simu felici d’accoglie vi quì, ind’è iss’Assemblea, ind’è a nostra casa cumuna, chì hè quella di u populu corsu.
Nous sommes heureux de vous accueillir dans cette Assemblée, qui est aussi notre maison commune et celle du peuple corse.
Cette Assemblée de Corse, devant laquelle, le 13 juin 1983, François Mitterrand s’exprimait en ces termes :
«Votre Assemblée, devant laquelle j’ai l’honneur de me trouver, est une Assemblée originale. Pourquoi ? Parce qu’un premier principe anime mon action et occupera mon discours : la Corse doit être elle-même. Je le répète : la Corse doit être elle-même, et dans une démocratie, quel est le meilleur moyen de s’affirmer soi-même sinon un peuple, des élections, des élus, des compétences, et des pouvoirs. On ne peut a priori considérer que la meilleure façon de représenter ce peuple corse, ce serait autre chose que le suffrage universel ».
L’essentiel, déjà, était dit :
– une Corse qui doit être elle-même ;
– un peuple qui forme ses choix à travers des élections, et qui les affirme et les met en oeuvre à travers l’exercice des compétences et des pouvoirs confiés aux institutions qui sont les siennes ;
– un peuple corse qui trouve à s’accomplir à travers un projet qui ne peut bien évidemment résulter que d’une démocratie pleine et entière ;
Ces paroles avaient, déjà à l’époque, la force de l’évidence.
Et tous les sujets et toutes les questions qui nous préoccupent encore aujourd’hui étaient aussi évoqués, en des termes qui restent d’une troublante actualité :
– l’identité, la culture, et la langue, identifiées dans le discours présidentiel comme les marqueurs de
« ce qui fait la continuité des générations, ce qui lie l’homme et sa terre, ce qui fait qu’il y a la Corse, puisqu’il y a les Corses » ;
– développement des infrastructures
« pour que l’on puisse mieux communiquer par cette montagne difficilement pénétrable »
et nécessité pour l’île de maîtriser ses transports maritimes et aériens,
« sujet cent fois débattu et que vous connaissez par cœur » ;
– exigence d’un tourisme durable, avec des Corses
« qui ne doivent pas être considérés simplement comme les habitants d’un pays qui seraient un peu les Indiens dans leur réserve » ;
– nécessité de dispositions fiscales spécifiques, problèmes particuliers et conflictuels de caractère agricole, crise du bâtiment, effort en matière de formation…
Comment ne pas nous dire, en relisant ce texte, que nous avons perdu du temps, beaucoup de temps, trop de temps ?
Comment ne pas reconnaître, en nous retournant sur les 34 années écoulées depuis que ces mots ont été prononcés, que nous aurions pu, avec plus de lucidité, de volonté et de courage politiques, éviter bien des incompréhensions, bien des conflits, bien des drames ?
Comment ne pas comprendre aussi le scepticisme, la colère, quelquefois la révolte, lorsque les mots ne sont jamais, ou si peu, traduits en actes ?
Le moment est venu de balayer les doutes, de refermer les blessures, de dissiper les inquiétudes.
Le moment est venu d’ouvrir un chemin, qui soit celui de l’espoir, de la reconnaissance de ce que nous sommes, de la confiance retrouvée, de l’apaisement définitif, du projet partagé.
Il vous appartient de décider, Monsieur le Président, ce que doit être cette journée. Le contexte d’ensemble appelle, en effet, des mots, et des actes, à la hauteur des enjeux.
La Corse est incontestablement entrée, depuis les élections territoriales de décembre dernier, dans une période nouvelle de son histoire contemporaine.
D’abord parce que l’accès des nationalistes aux responsabilités en cette occasion est un fait politique majeur.
Une victoire électorale, acquise à la seule force des convictions, et grâce au soutien massif des forces vives de l’île, corses d’origine ou d’adoption, corses vivant sur cette terre, ou corses de la diaspora.
Une victoire politique, inscrite dans le fil historique de la lutte du peuple corse pour la reconnaissance de ses droits.
Une victoire de la démocratie, qui témoigne d’une aspiration au renouvellement et au changement qui va bien au-delà du cercle des vainqueurs du scrutin.
J’ai tenu à le réaffirmer de façon solennelle à l’occasion de mon discours de prise de fonctions en ma qualité de président de l’Exécutif le 17 décembre 2015 : cette victoire ne peut pas être celle d’un camp sur un autre. Elle doit être la victoire de tous les Corses, dans le cadre d’une démarche érigeant la démocratie réelle en méthode et en objectif central, avec la volonté de placer au cœur de chacun des choix l’intérêt général, et de construire une société corse ouverte, rayonnante, réellement émancipée aux plans politique, économique, social et culturel.
Depuis notre élection, nous nous sommes consacrés de toutes nos forces à respecter cet engagement. (…) Nous avons mené un travail important de remise en ordre. (…) Nous avons également mené un travail fondamental sur plusieurs dossiers structurants : collectivité unique, fiscalité du patrimoine (dossier dit de « l’arrêté Miot », transports, formation et éducation, langue corse, schéma de développement de la montagne, économie, agriculture, tourisme, environnement, énergie). (…)
Ce travail de fond a conduit à des avancées significatives, y compris en termes d’évolutions législatives :
loi sur la collectivité unique, loi sur la fiscalité du patrimoine, inscription dans la loi du concept d’île-montagne, amendements au projet de loi de finances : diminution de la contribution de la Corse au redressement général des finances publiques, déspécialisation partielle de la dotation de continuité territoriale.
Il faut à cet égard rendre hommage également à l’écoute et au soutien rencontré concernant ces dossiers auprès de l’ensemble du Gouvernement (…). Il sera permis de citer plus particulièrement Mme Lebranchu, puis M. Baylet, pour la partie institutionnelle, Mme Royal, pour le développement durable et l’ensemble des dossiers particulièrement sensibles afférents — et leurs cabinets dont l’implication déterminante a été louée par l’ensemble des élus corses, toutes familles politiques confondues, ainsi que les Préfets et services de l’État dans l’île.
Le processus de co-construction ayant présidé aux travaux menés en cette occasion a permis aux participants d’apprendre à se connaître et à s’apprécier.
Enfin, et en termes de valeurs, des évènements et incidents à fort potentiel de dégradation et fortement médiatisés (l’affaire dite des Jardins de l’Empereur décembre 2015 ; celle de la plage de Siscu août 2016 par exemple) ont permis à la nouvelle majorité territoriale et à ses responsables élus de démontrer in concreto leur engagement en faveur d’une société corse apaisée, respectueuse des valeurs universelles de fraternité et de tolérance, notamment religieuse, mais également déterminée à combattre tous les fanatismes et tous les intégrismes.
Nous nous sommes donc efforcés, depuis notre élection, de servir la Corse et l’intérêt général. C’était notre engagement, et c’est notre devoir.
Mais la lucidité et l’honnêteté politique commandent de dire que d’autres éléments concourent de façon tout aussi importante à dessiner la nouvelle donne de la situation politique corse.
Il faut d’abord rappeler que si les nationalistes représentent une partie importante du peuple corse, ils ne sont pas tout le peuple corse.
Celles et ceux qui sont aujourd’hui dans l’opposition et ne partagent pas nos convictions doivent être écoutés et entendus tout autant que la majorité.
Et la situation complexe dans laquelle se trouve la Corse exige la recherche permanente de points d’équilibre qui soient acceptables par le plus grand nombre.
C’est la recherche permanente de ce point d’équilibre qui sous-tend la logique d’écoute réciproque, de respect et d’estime mutuels autour de laquelle s’organise désormais la vie publique de l’île, et je rends là encore hommage à tous les élus de notre Assemblée pour la qualité du dialogue que nous conduisons en permanence.
Cette logique d’apaisement est un bien précieux. Nous devons tous ensemble la garantir et la renforcer, pour la rendre irréversible.
Car comment, enfin, passer sous silence un autre fait politique majeur, qui a contribué de façon décisive à l’émergence de la nouvelle donne politique corse : la décision du FLNC de mettre un terme définitif à son action clandestine.
Un choix qui est une contribution majeure à la dynamique de paix, et dont l’importance et les conséquences positives doivent être enfin appréciées à leur juste mesure par Paris.
Le contexte est donc à l’évidence historique.
Jamais la situation n’est apparue aussi favorable à la formalisation et à la mise en oeuvre d‘une solution politique globale, permettant de tourner définitivement la page d’un demi-siècle de conflit pour la période contemporaine. La redéfinition des rapports entre la Corse et l’État fait également sens dans le contexte d’une Europe qui doit réinventer son identité politique, condition sine qua non de sa force et de sa cohésion, et dans celui d’une situation internationale marquée par la montée des risques et des périls, où la France et l’Europe ont besoin d’une Méditerranée innovante, développée, et solidaire.
La Corse peut avoir dans cette perspective, et eu égard à sa signification symbolique, historique et politique, un rôle positif beaucoup plus important que ne le justifieraient les seuls indicateurs démographiques ou économiques.
Jamais un homme d’État n’a donc eu, Monsieur le Président, et ce depuis 50 ans, à connaître une situation aussi favorable pour ouvrir des perspectives nouvelles.
En sens inverse, il est de ma responsabilité de souligner que les éléments de crispation, les risques de radicalisation, les facteurs d’inquiétude existent également :
– absence de toute avancée sur la question extrêmement sensible aux plans politique et humain des prisonniers politiques (alors qu’elle pourrait faire l’objet d’avancées significatives par simple application du droit, y compris sur les cas identifiés par l’État comme les plus sensibles).
Une maxime latine dit : « Summum jus, summa injuria » : une excessive rigueur dans l’administration de la justice aurait tous les caractères d’une tyrannique oppression selon la traduction de l’éminent Professeur Portalis.
– refus de principe de prendre en compte des délibérations votées à une très large majorité voire à l’unanimité par l’Assemblée de Corse ;
– risque avéré de radicalisation d’une partie de la base nationaliste, et notamment des plus jeunes, en l’absence de perspective politique annoncée suffisamment forte ;
– difficultés économiques et sociales importantes, au traitement desquelles nous voulons nous attacher de façon prioritaire ;
– processus de démocratisation réelle de la société corse non encore achevé : poids du clanisme et du clientélisme ; chantage à l’emploi et au logement ; pression spéculative, notamment sur le littoral, risques de pression sur les marchés publics…
Rappeler ces risques et ces difficultés ne procède pas d’un quelconque chantage à la violence ou d’une volonté de jouer les Cassandre mais conduit simplement à souligner l’absolue nécessité de rendre irréversible la logique de paix, d’espoir et d’émancipation qui est aujourd’hui largement majoritaire et partagée en Corse.
Elle peut s’appuyer et se développer à partir de thèmes partagés : existence du peuple corse, statut d’autonomie avec pouvoir législatif, inscription de la Corse dans la Constitution pour lever les verrous existant dans les domaines du statut de résident, de la coofficialité, du statut fiscal et social de la Corse…
Pour que ces concepts désormais largement validés puissent prospérer, il faut ouvrir une perspective qui soit à la hauteur des enjeux. À enjeux historiques, perspective historique.
Qui, mieux que vous, Monsieur le Président de la République, pourrait en affirmer le principe et en dessiner les contours ?
Vous venez, pendant cinq ans, d’exercer la plus haute des fonctions et d’assumer la plus lourde des charges.
Vous savez, mieux que quiconque, ce que sont les risques et les périls du monde nouveau dans lequel, au plan international, nous avons à avancer.
Vous connaissez, mieux que quiconque, les difficultés auxquelles la France doit faire face.
Vous avez choisi, et c’est une première dans l’histoire de la Vème République, de ne pas solliciter du peuple français le renouvellement de votre mandat et êtes désormais exclusivement préoccupé de laisser à ceux qui viendront après vous l’héritage le plus favorable possible.
C’est donc le moment où votre parole est la plus forte, parce qu’elle s’adresse finalement avant tout à l’Histoire.
Et s’il vous fallait un dernier argument qui ne soit tiré ni de l’histoire, ni du droit, ni de l’exigence d’équité, de justice et de dignité, acceptez de voir dans les hasards du calendrier un signe du destin.
C’est le 2 mars 1982 qu’était votée la loi sur le statut particulier de la Corse, première promesse faite au peuple corse qu’il pourrait être lui-même.
35 ans après cette date, le 2 mars 2017, après une longue route de conflits, de drames, de prisons, de deuils, de sacrifices, de combats, – tamanta strada –, faites que cette promesse trouve enfin à s’accomplir. »
Jean Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse
« Il est encore temps d’agir »
«Il y a quelques mois nous recevions dans cet hémicycle le Premier ministre de la France, en présence d’une partie de son gouvernement, et nous cherchions pour notre part à tracer des perspectives de paix et de construction en commun, afin de solder quarante années de conflit.
Quarante années de conflit que la formation à laquelle j’appartiens, Corsica Libera, est la seule à assumer pleinement.
Il est toujours bon de préciser dès l’abord la place que l’on occupe dans le paysage politique, ainsi que la nature de son parcours et de ses solidarités. En ce qui me concerne, c’est aussi au nom de ce parcours et de ces solidarités que je m’adresse à vous. Parcours et solidarités que je ne saurais renier, même si je suis désormais et depuis plus d’un an le Président de l’Assemblée de l’ensemble des Corses.
La lutte menée ici pour notre dignité a certes connu une certaine intensité, mais c’est précisément ce qui nous a permis de sauver l’essentiel, un patrimoine naturel, une langue, une culture, un peuple. Nous l’avons dit et nous le répétons : il n’y aura aucune abjuration de notre part. (…)
Au reste, c’est en pleine connaissance de cause que les Corses nous ont confié, avec nos partenaires de Femu a Corsica, les responsabilités publiques du pays, approuvant ainsi une lutte qui, comme toute oeuvre humaine ne saurait être exempte d’erreurs, mais qui aura permis de préserver un petit peuple face à des forces disproportionnées qui tendaient à le faire disparaître.
Monsieur le Président de la République, dans quelques heures, en vous rendant à Monticellu, vous mettrez vos pas dans ceux de Michel Rocard. De ce dernier, l’héritage est souvent revendiqué dans votre famille politique, et parfois au-delà. (…) Le testament politique de Michel Rocard existe, et il est très clair. Sur tous les sujets importants Michel Rocard a parlé, écrit, agi.
Dans sa Lettre aux générations futures publiée en 2015 et constituant l’un de ses derniers codicilles, (…) Michel Rocard rappelle l’ancienneté et la permanence de son engagement anticolonialiste. Mais écoutons ce qu’il nous dit de la Corse, dans son fameux discours de 1988 devant l’Assemblée Nationale:
«Il suffit de savoir qu’une oppression particulière a gravement affaibli l’économie corse. Lorsque l’Histoire a un tel visage, il faut soit beaucoup d’inconscience, soit beaucoup d’indécence pour dire seulement aux Corses : “Assez erré maintenant. Soyez calmes et respectez les lois de la République. Vous bénéficierez alors pleinement de leur générosité ».
Ce que nous demandons, Monsieur le Président de la République, c’est que ces paroles prononcées au nom de la France devant sa représentation nationale par un Premier ministre en exercice ne demeurent pas lettre morte, mais que toutes les conséquences en soient tirées.
Michel Rocard avait voulu que le peuple corse soit reconnu, le Parlement français l’avait suivi – vous aviez vous-même, Monsieur le Président de la République, voté cette reconnaissance en tant que député – et c’est le Conseil constitutionnel, organe dépourvu de légitimité démocratique qui en a décidé autrement.
Michel Rocard, artisan de la paix en Nouvelle-Calédonie, voulait également un processus de règlement de la question corse et s’était explicitement engagé en ce sens.
Ce que nous demandons, Monsieur le Président de la République, c’est que les engagements souscrits par Michel Rocard au nom de la France soient respectés.
Quittons un instant Michel Rocard pour évoquer d’autres engagements pris au nom de la France par un autre gouvernement il y a quinze ans, quatre ministres conduits par Monsieur Raffarin, alors chef du gouvernement, se trouvaient a la préfecture d’Aiacciu devant la presse et l’ensemble des élus insulaires et promettaient solennellement le transfèrement dans l’île de tous les condamnés politiques corses.
Quinze ans plus tard, le constat s’impose à l’évidence: cette promesse a été reniée.
(…) Il y a bientôt trois ans, le Front de Libération Nationale de la Corse annonçait sa sortie de la clandestinité. Depuis lors, aucun évènement n’est venu contredire cette déclaration.
Quelque temps plus tard, l’accession des nationalistes aux responsabilités politiques est venue consolider cet apaisement.
En effet, dès notre prise de fonction, nous avons entrepris de façon sereine mais déterminée de créer les conditions d’une ère de paix et de construction pour la Corse.
À travers, en premier lieu, une nouvelle façon de concevoir la politique: réduction du train de vie des élus et des institutions, installation d’un Comité d’évaluation des politiques publiques, notamment.
À travers, en deuxième lieu, une réduction des fractures qui, dans tous les pays, excluent aujourd’hui de nombreux citoyens et déforment la démocratie. Lutte contre la fracture territoriale urbain rural, par une nouvelle politique d’aménagement du territoire concrétisée par l’installation d’un Comité de massif inactif depuis 1985. Lutte contre la fracture entre classes d’âges par la création d’une Assemblée corse des jeunes, d’une part, par des mesures fortes en faveur des retraités, d’autre part.
À travers, en troisième lieu, une action en matière économique et sociale: règlement du problème des transports maritimes qui a gravement pénalisé la Corse durant des décennies, rédaction d’une Charte en faveur de l’emploi local, mesure que vous avez vous-même, Monsieur le Président de la République, validée sous d’autres cieux ; enfin élaboration d’un Statut fiscal et social, démarche apparaissant comme la première priorité des Corses, si l’on en croit un sondage publié il y a quelques heures.
Par-delà la création de la nouvelle Collectivité de Corse au premier janvier 2018 et la loi sur la fiscalité du patrimoine, avancées que nous avons négociées ces derniers mois avec le gouvernement, demeurent posées d’importantes questions pour lesquelles nous n’avons pas tous les moyens d’agir et que nous ne pouvons traiter sans le concours de Paris. C’est sur ces points que nous vous interrogeons Monsieur le Président de la République, car notre Assemblée en a délibéré, souvent a des majorités écrasantes, et nous attendons à cet égard le respect du fait démocratique:
– Coofficialite de la langue corse, seul moyen de sauver cette part de nous-mêmes
– Statut de résident, pour préserver notre peuple de la dépossession immobilière
– Statut fiscal et social dérogatoire, pour répondre aux contraintes que connaît la Corse conformément, du reste, aux textes européens qui engagent la France
– Politique adaptée en matière éducative et de santé, pour stopper les fermetures de classes, réduire les inégalités et mettre fin aux déserts médicaux, comme dans la région du Fium’Orbu
– Révision de la Constitution pour pouvoir traiter convenablement les questions que nous venons d’évoquer
– Règlement de la question des prisonniers politiques et des recherchés, démarche qui ne pourra se traduire en définitive que par la loi d’amnistie réclamée par l’ensemble des institutions corses. Mais dès à présent il convient de répondre au sentiment d’injustice qui prévaut au sein de la jeunesse corse suite à des exactions policières qui ont paradoxalement conduit à poursuivre, exclusivement, ceux qui en ont été victimes.
Monsieur le Président de la République, à ce stade de votre mandat, d’aucuns estiment que le temps de l’action est passé. Tel n’est pas notre point de vue car vous demeurez le maître d’une parole prononcée au nom de la France, donc engageant vos successeurs, si ce n’est juridiquement, du moins moralement et politiquement. Comme le rappelle Hannah Arendt
«Les mots justes, trouvés au bon moment sont de l’action».
Monsieur le Président, il est encore temps d’agir. Agir en accompagnant dans quelques instants, par une parole juste, l’effort des institutions corses dans la construction de relations enfin apaisées entre notre peuple et Paris. Je vous remercie. »