Tourisme

Destination corse et compagnies low cost

La dernière session de l’Assemblée de Corse le 24 octobre dernier a adopté un rapport pour le « renforcement, l’élargissement et l’annualisation de liaisons aériennes à destination de la Corse par achat de flux ». C’est la réponse proposée par l’Exécutif aux évolutions de la fréquentation sur l’île, pas assez étalée hors juillet, août, septembre, notamment en avant saison.

 

 

Depuis leur arrivée en force en 2008, la part de marché des compagnies aériennes « low-cost » (en Corse principalement Volotea, Eurowings et EasyJet) est régulièrement montée en puissance jusqu’à représenter 36 % du trafic aérien à destination de la Corse en 2018, tandis que les lignes régulières de la continuité territoriale assurent le reste. Impossible de préparer l’avenir du tourisme corse sans prendre en compte ces lignes reliant directement l’île aux grandes régions françaises comme la Bretagne (Nantes, Brest), le Nord (Lille), l’Occitanie (Toulouse, Bordeaux) et d’autres (Lyon, Alsace, etc.), et aussi à plusieurs grandes villes européennes comme Bruxelles, Genève, Bâle, Stockholm, Berlin, etc.

Dans la concurrence entre destinations méditerranéennes, les compagnies aériennes low-cost jouent désormais un rôle considérable. Selon leurs choix d’ouvrir ou pas des lignes aériennes, elles orientent la clientèle touristique au profit, ou au détriment, de telle ou telle destination entre Sicile, Sardaigne, Baléares, Grèce ou Corse.

Or, ces dernières années, leur désengagement est sensible en Corse, depuis la fin de la pandémie du Covid-19. Par rapport à 2019, le trafic de ces compagnies vers la Corse a progressé de 4 %, contre plus de 11 % sur les autres destinations, et même 22 % pour la Sicile. Ces trois dernières années, les tendances sont même mauvaises pour la Corse. Les sièges offerts à la vente par les low-cost y a reculé de 20 % entre 2022 et 2023, puis de 7 % encore en 2024, alors que, dans le même temps, leur nombre a progressé de 10 % en Grèce, de 7 % aux Baléares, de 12 % en Sicile et de 13 % en Sardaigne.

 

Pour préserver l’activité touristique sur l’île, notamment sur l’avant saison – avril, mai et juin – et l’après saison – octobre et novembre –, l’Exécutif de Corse a adopté un plan original. Il lance un appel d’offres pour assurer une offre en sièges durant les mois de printemps et d’automne, sur cinq destinations internationales prioritaires, pour un total de 120.000 sièges qui doubleront le potentiel actuel de ces lignes : Charleroi (Belgique), Genève, Francfort ou Munich, Londres, Rome ou Milan. Et aussi l’achat de 80.000 sièges supplémentaires pour quatre grandes lignes hexagonales, Bordeaux, Toulouse, Nantes et Strasbourg, soit +25 % pour ces lignes par rapport aux places actuellement commercialisées.

Le mécanisme consiste à proposer un revenu complémentaire aux prix payés par la seule commercialisation, qui pourra alors consentir des tarifs plus attractifs afin de remplir ces vols supplémentaires. La mise en concurrence fera que les compagnies attributaires s’adapteront à ce nouveau marché, celui-ci étant concentré sur les cinq mois hors saison, avril mai, juin, octobre et novembre.

Le projet étend même son ambition à faire en sorte que ces lignes ouvrent aussi durant les mois d’hiver, décembre, janvier février et mars, pour un (Genève, Londres, Charleroi, Rome/Milan, Francfort/Munich) ou deux vols hebdomadaires (Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Nantes).

Ce plan, élaboré conjointement par la CdC, l’Agence du Tourisme et la Chambre de Commerce, a été présenté à l’Assemblée de Corse en juin 2024. Lors du vote de son budget supplémentaire en juillet, l’Assemblée de Corse lui a consacré un crédit de 7 millions d’euros. Les études montrent qu’entre les différentes ressources générées par ces flux, le PIB de la Corse serait accru de 200 millions d’euros et les recettes directes de la CdC (taxe sur les transports, taxe de séjour, taxes sur les consommations des touristes) couvriraient en très grande partie la somme engagée pour cette opération.

 

Une opération « gagnant-gagnant » pour une économie dont le tourisme assure désormais 39 % du PIB contre 31 % en 2011. Et aussi un moyen de contrer le désengagement observé des low-cost sur la Corse. Et aussi, par le choix des lignes où elle est déjà bien implantée (Bruxelles, Toulouse, Italie), la possibilité d’un « coup de pouce » à Air Corsica pour qu’elle puisse se développer et se rentabiliser plus facilement.

Désormais approuvé dans son montant et ses modalités par l’Assemblée de Corse, ce programme d’achat de flux doit encore être validé par l’État à travers un avis de la DGAC, notamment au regard des règles de la concurrence et de la législation européenne sur les aides d’État.

Mais pour être opérationnel avant mars 2025, l’Exécutif a décidé d’agir sans attendre et de lancer son appel d’offres pour sélectionner les candidats déclarés. Quitte à conditionner au feu vert définitif de l’État, attendu avant la fin de l’année, la signature des marchés.

Dans le concert de critiques, souvent infondées, contre le manque d’action de la CdC en faveur du tourisme, ce plan original, conforme à la priorité d’étalement de la saison et d’ouverture de la Corse à d’autres destinations que Marseille, Nice ou Paris, montre tout le contraire ! •

F.A