Cinquante ans après…
Cinquante ans après le Traité de Rome, cinquante ans après mai 68, cinquante ans après le temps où la fraude électorale était institutionnelle sur l’île, et où l’exil était la règle pour l’étudiant ou le diplômé, et tant d’autres images qui nous reviennent à l’esprit : toutes situent la dimension historique de ce que nous fêterons ensemble à Bastia, ce samedi 10 décembre 2016, l’anniversaire des cinquante ans d’ARRITTI .
Il sera rendu hommage à ceux qui, après le long brouillard de l’après-guerre, ont rallumé la flamme du peuple corse, et de son ambition historique jamais démentie. Avec eux, grâce à eux, ARRITTI a proclamé le Peuple Corse et la Nation Corse par ses « unes » engagées. Il a accompagné toutes les luttes, Boues Rouges, Schéma d’Aménagement de l’Hudson Institute, Aleria, Vaziu, Bastèlica Fesch, Bernard Bonnet, fraude électorale, spéculation foncière, défense de l’environnement, etc.
Arritti a vécu les tous premiers émissaires, comme Libert Bou envoyé par Giscard d’Estaing, puis le premier statut particulier avec François Mitterrand. Il a détaillé le statut Joxe/Rocard, accompagné le processus de Matignon de Lionel Jospin jusqu’à l’échec, malgré sa mobilisation pleine et entière, du referendum de 2003. Il a vibré avec l’ARC puis avec l’UPC; il a encouragé les politiques d’Unione, Avvene Corsu, Corsica Nazione, Unione Naziunale ; il a servi de support à la création du PNC, comme à l’avènement de Femu a Corsica.
Avec la création de l’Alliance Libre Européenne au tout début des années 80, ARRITTI s’est engagé dans une démarche européenne novatrice et féconde. Tant de contacts, tant de «Ghurnate d’Arritti » riches d’échanges et de fraternité avec ceux qui sont venues les animer : Aina Moll, qui, au tournant des années 80, a créé la politique linguistique qui a pleinement réussi en Catalogne, Karlos Garaicoetxea, le premier lehendakari (président) basque après Franco et grand artisan du formidable succès de l’autonomie basque, Willy Kuijpers, le député flamand dont le travail de parlementaire européen a débouché sur la Charte Européenne des Langues Régionales, Nelly Maes, qui a pris sa suite à la tête de l’ALE, John Hume, prix Nobel de la Paix et acteur majeur du processus de paix en Irlande du Nord, Michel Rocard, l’homme politique français qui a le plus marqué le dossier corse, Karel Von Miert, qui était alors le Commissaire Européen aux Transports en fonction, et tant d’autres. Sans oublier nos amis basques d’Herrikoa avec lesquels nous avons imaginé, puis mis sur pied Femu Quì. Et bien sûr, ceux qui seront là pour fêter cet anniversaire avec nous : José Bové, député européen et grand défenseur des productions agricoles identitaires, Josep Marìa Terricabras, député européen catalan, actuel président du groupe ALE, et José Marìa Munoa, ancien membre du cabinet du lehendakari Ibarretxe.
Plus qu’un témoin, ARRITTI a été un acteur de la vie politique corse durant ces cinquante années qui ont amené tant de changements. Le Corse aimait son île ; il est désormais conscient d’appartenir à une nation qu’il veut défendre avec coeur et fierté. Ce « changement de logiciel » du peuple corse, sans lequel nos espérances politiques nationalistes seraient vaines, ARRITTI y a largement contribué.
La victoire du 15 décembre 2015 est en effet l’aboutissement d’un parcours collectif dont il a été un fil conducteur de façon continue et opiniâtre. Autour de lui, c’est une « communauté de pensée » qui s’est retrouvée, que chaque lecteur a partagée, semaine après semaine, qui s’est transmise, sur plusieurs générations, autour des grandes valeurs de la démocratie, et autour d’un combat collectif pour l’avenir du Peuple Corse.
Semu Arritti, è ne semu fieri !
François Alfonsi