La reprise du processus de dialogue sur l’avenir de l’île entre l’État et la représentation de la Corse est désormais chose acquise. Le discours de Gérald Darmanin, le 6 février, lors de l’hommage en souvenir du préfet Erignac, est assurément l’événement politique qui a permis cette reprise. Et la prochaine réunion officielle à venir, le 24 février 2023, la première depuis septembre, actera concrètement que le processus est remis sur les rails.
Le climat de cette reprise reste morose. On le doit aux soubresauts judiciaires toujours persistants, même si les images de Pierre Alessandri quittant la prison de Borgu avec ses employeurs dans le cadre de la semi-liberté qui lui a été enfin accordée ont exprimé avec force qu’une page répressive était en train de se tourner.
Cependant, l’ambiance plutôt fraiche des contacts entre l’Exécutif et le Ministre interroge l’opinion. Comme à son habitude, Gérald Darmanin a un comportement politique volontiers démonstratif. Mais que veut-il démontrer quand il fait un pas de côté, en retrait de son propre discours du 6 février, dans les interviews données aux journalistes ? Quel est l’effet recherché ?
Les visites ministérielles de Gérald Darmanin sont de loin les plus médiatisées parmi celles des membres du gouvernement d’Elisabeth Borne. Mais cette fois, la médiatisation choisie semble avoir pour intention de mettre au second plan les interlocuteurs logiques, Gilles Simeoni et ceux qui sont à la tête de l’Assemblée de Corse, au profit d’autres profils politiques, ni vraiment pour, ni ouvertement contre. Ainsi le maire de Calvi, ou celui de Corti, ont reçu la visite empressée du ministre, tandis que Gilles Simeoni se voyait refuser l’organisation d’une audition officielle du ministre de l’Intérieur par l’Assemblée de Corse, ce qui est inédit depuis Gaston Defferre.
De même l’antienne qui revient comme un bruit de fond pour sommer les élus de la Corse de formuler de façon détaillée leur demande d’autonomie, suggérant des flottements politiques, alors que la question est celle de la méthode qui permettra d’arriver au compromis qui ouvrira une nouvelle page de l’Histoire de la Corse, comme cela a été promis par le ministre lui-même.
Ainsi, paradoxalement, le discours officiel maintient les portes ouvertes, comme par exemple celle d’une réforme de la Constitution, indispensable pour échapper au couperet jacobin qui a barré jusque-là la route à toute possibilité d’autonomie de la Corse, et, dans le même temps, la posture adoptée affiche une prise de distance, ce qui ne peut que compliquer le dialogue.
Pourquoi voulons-nous l’autonomie de la Corse ?
C’est très simple : pour que le peuple corse bénéficie d’une véritable liberté dans la gestion de ses propres affaires. Cette liberté c’est notamment la possibilité de réglementer et de légiférer quand cela est jugé nécessaire par ceux qui ont en charge les intérêts matériels et moraux du peuple corse.
L’accord à trouver est donc d’abord constitutionnel, à savoir la création d’une catégorie de collectivités dotées, au sein de la République, d’un statut d’autonomie avec un pouvoir législatif et réglementaire, dont la Corse. Cela existe déjà pour certains territoires d’outre-mer comme la Nouvelle Calédonie, preuve que rien n’est impossible. Il faut que cela le soit aussi pour la Corse.
Puis viendra dans un deuxième temps le contenu de cette autonomie à travers une loi organique qui décrira les domaines de compétence dévolus à une compétence exclusive, et ceux qui feront l’objet d’une compétence partagée ; ainsi que les ressources affectées et la capacité à créer des ressources propres qui sont le véritable marqueur d’une autonomie réelle.
La discussion reprend désormais. Elle a un an pour aboutir. •