Semi-liberté pour Pierre Alessandri

L’horizon s’éclaircit pour le processus Darmanin

La nouvelle de la libération conditionnelle enfin accordée à Pierre Alessandri est venue soulager le climat négatif qui avait conduit au gel des réunions menées dans le cadre du « processus Darmanin ». Si cette première décision fait jurisprudence pour Alain Ferrandi dans les prochains jours, les réunions pourront reprendre, et l’espoir renaître.

 

 

Il faut souligner que les choses devenaient de plus en plus compliquées pour les gardiens du temple jacobin pour qui le maintien en détention ad vitam aeternam des membres du commando Erignac était un objectif prioritaire.

Les décisions prises sur la foi de leur simple parcours carcéral avaient déjà été plusieurs fois favorables aux deux prisonniers corses. Mais l’appel du parquet était aussitôt interjeté, et la décision de la Cour d’appel antiterroriste désavouait celle des juges de première instance au nom du « trouble à l’ordre public » que ces libertés conditionnelles auraient provoqué. Saisie par les avocats, la Cour de cassation a sanctionné en octobre la motivation lapidaire de la Cour d’appel dans son arrêt. Sommée d’argumenter sur un tel risque manifestement illusoire, elle a alors préféré modifier sa décision plutôt que de devoir affronter une polémique publique. En ce sens cette décision est le résultat de nos mobilisations.

Désormais l’horizon s’éclaircit et l’on peut espérer une relance rapide du processus de dialogue avec l’État. Pourra-t-il prospérer et arriver assez rapidement à des résultats probants ?

 

Tout d’abord, il n’y a pas de dialogue possible sans un climat de dialogue qu’il faudra entretenir avec constance. C’est sans doute le sens des vœux prononcés par le préfet Amaury de Saint Quentin au Palais Lantivy, aux antipodes de ceux qu’aurait prononcés son prédécesseur Lelarge il y a à peine un an. C’est aussi la teneur des réactions nationalistes, tous partis confondus, au lendemain de la décision concernant Pierre Alessandri. La route du dialogue est dégagée. Il faut s’y engager résolument.

Certes, les obstacles seront nombreux et les conditions à créer très ambitieuses. L’autonomie de la Corse ne sera possible qu’après un changement de Constitution qui la rendra possible, et une loi organique qui en décrira le contenu. Ce travail législatif appelle des consensus larges en Corse comme au sein du Parlement français, en lien avec une volonté forte de la Présidence de la République. Or l’agenda politique des débats sociaux sur l’avenir des retraites fait planer une nouvelle incertitude. On entend parler d’une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale, ce qui impacterait inévitablement le calendrier de la réforme corse !

 

Autre incertitude : l’absence d’une majorité absolue claire et nette, assurant un vote positif dès l’instant que la négociation aboutit. Il faudra convaincre aussi sur les bancs de l’opposition pour que la « réforme corse » soit adoptée.

Mais toutes ces difficultés étaient connues, et elles ne doivent pas empêcher le dialogue de reprendre avec l’ambition de déboucher sur un « compromis historique », après un demi-siècle de luttes, d’affrontements, d’avancées partielles, d’espoirs et de déceptions.

Dans la période actuelle deux acquis sont fondamentaux. Le premier est le basculement large et confirmé de l’opinion corse qui a décidé de lier son destin aux forces politiques nationalistes, de façon très majoritaire (68 %), exprimant ainsi un soutien très fort à la demande de modification constitutionnelle. La seconde est le calendrier de l’État qui doit faire face à une crise constitutionnelle concernant la Corse, mais aussi dans les départements d’Outre-Mer (notamment Martinique, Guadeloupe et Guyane) et les territoires d’Outre-mer, notamment Nouvelle Calédonie et Polynésie. L’architecture constitutionnelle des territoires (articles 72, 73 et 74 de la Constitution) appelle une réforme. Elle s’impose à l’État au-delà de la question corse, et cet agenda contraint est incontournable sauf à voir les situations locales s’envenimer durablement.

Pour notre part, nous devons tout faire pour être exacts au rendez-vous. •