Cap'artìculu

Salutaire coup de colère !

Par François Alfonsi

 

Gilles Simeoni, en réagissant avec force face à l’État dans le dossier de l’avenir des ports et aéroports de Corse, a remis les pendules à l’heure. Face aux reculs d’un pouvoir empêtré dans les atermoiements politiques depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron au soir des résultats de l’élection européenne, il fallait faire entendre la détermination des Corses.

 

 

« Certains, dans l’appareil d’État, ont décidé de déclarer la guerre à la Corse ! » : repris par les ondes de télévision et de radio, largement relayés sur les réseaux sociaux, les mots du président du Conseil exécutif de Corse ont résonné aussi à Paris dans les couloirs des ministères.

Mais, au-delà de la force des mots, c’est leur force d’entraînement qui a été décisive. Dans l’heure qui a suivi, tous les ports et aéroports de Corse ont été bloqués par un mouvement social massif au sein des personnels de la Chambre de commerce et d’industrie. Et le soutien de la Corse à ce mouvement de blocus total de l’île est aussitôt apparu unanime.

 

Le fonds du dossier est complexe. Il s’agit tout à la fois de défendre notre « part d’autonomie » gagnée sous Lionel Jospin dont la loi de 2002 a décidé de transférer à la Corse la propriété des ports et aéroports, et de défendre les intérêts de la Corse face à un mouvement général en France de prise de contrôle de ces infrastructures par les entreprises majors du BTP (Bouygues, Vinci, Eiffage…) en évinçant dans des conditions de mise en concurrence inéquitables les gestionnaires historiques issus des chambres de commerce, et en confisquant au profit de ces groupes et de leurs filiales les retombées économiques de ces structures essentielles à la vie économique locale.

Désormais radioactif, ce dossier « ports et aéroports » a redonné à la question corse un statut de priorité pour le gouvernement Barnier. Catherine Vautrin a depuis endossé son costume de « Madame Corse » et elle va recevoir officiellement Gilles Simeoni. Elle est désormais missionnée clairement pour déminer la question corse.

 

Ce qu’a démontré cet épisode de forte turbulence, c’est à quel point les Corses sont mobilisables dès lors que les dossiers soulevés sont cruciaux. La tentation de Barnier, exprimée en creux lors de son discours programme devant l’Assemblée nationale, était de gérer par un service minimum la question corse. Il s’est heurté à la force de la mobilisation qui a embrayé derrière l’affrontement verbal entre le représentant de l’État et Gilles Simeoni.

L’autre message porté par cet épisode politique est que le peuple corse est derrière le président du Conseil exécutif dans son action pour promouvoir l’autonomie de la Corse et le droit des Corses de décider de leurs affaires propres. « Nous ne laisserons pas les aéroports corses aux multinationales du BTP ! » a promis Gilles Simeoni au représentant de l’État, et chacun a compris que ce n’étaient pas là des paroles en l’air. Les autres priorités du président du Conseil exécutif seront défendues avec la même détermination, qu’il s’agisse de la rallonge de la dotation de continuité territoriale ou le respect des accords de Beauvau signés avec le précédent gouvernement. Avec à la clef toujours le même risque pour l’État d’une crise politique majeure créée par la mobilisation du peuple corse à l’appel de son président s’il n’est pas répondu favorablement aux demandes de la Corse.

C’est l’autre message apporté par cet épisode politique, tant à l’État qu’aux autres forces politiques sur l’île. Les déclarations de François Xavier Ciccoli, qui voulait faire porter à Gilles Simeoni la responsabilité de la situation dans le dossier des ports et aéroports, ont été rejetées sévèrement par l’opinion corse, et démenties par le changement soudain d’attitude de l’État à travers le communiqué rendu public par les deux ministres, celle des Territoires et celui des Transports, qui a permis de dénouer la crise.

Le dialogue avec Paris a ainsi été relancé par le rapport de forces, c’est-à-dire de la meilleure manière qui soit. Et Gilles Simeoni est sans conteste l’interlocuteur légitime pour parler au nom de la Corse. •