Parlement européen

Soutien massif à un « pacte pour les îles »

Par un vote ultra majoritaire – 577 voix pour, 38 contre et 10 abstentions – le mardi 7 juin à Strasbourg, le Parlement européen a adopté le rapport Omarjee qui demande que soit adopté un « pacte pour les îles » en mettant en œuvre l’article 174 du traité de Lisbonne. Ainsi un processus est lancé, qui devra aboutir avant la fin de la mandature.

 

 

Pour qu’un tel processus devienne décision et politique effective de l’Union européenne, le Parlement ne suffit pas. Doit s’engager désormais une négociation avec la Commission européenne, que préside Ursula Von der Leyen, et avec le Conseil européen, qui rassemble les 27 chefs d’État de l’Union. Mais la base de négociation adoptée mardi par le Parlement à la quasi-unanimité de ses députés est le point de départ du processus.

Quelles sont ses chances d’aboutir ? Ce sera un rapport de forces politique pour y parvenir et, au premier rang de ce bras de fer, se trouvent les gouvernements insulaires concernés. Gilles Simeoni et Marie Antoinette Maupertuis étaient à cet effet à Strasbourg pour assister au vote, et enchaîner aussitôt après par une réunion avec la Commissaire européenne en charge du Développement régional, la portugaise Elisa Ferreira, puis avec la présidente du Parlement européen, la maltaise Roberta Metsola. Avec les élus corses, s’étaient déplacés le représentant de la Sardaigne, le ministre croate de la Mer, la ministre vice-Présidente des Baléares, le vice-Président de la Sicile, le ministre maltais en charge de l’île de Gozo, les gouverneurs grecs des îles de la mer Egée Nord et Sud et celui des îles de la mer Ionienne.

Était présent également le président de la Commission spéciale qui, en Italie, a abouti à l’inscription dans la Constitution de la reconnaissance du principe de l’insularité.

Cette mobilisation des acteurs de l’insularité en Europe est indispensable pour que, en coordination avec le vote du Parlement et la procédure ainsi engagée, la négociation progresse véritablement.

 

Car le jeu sera avant tout politique. La réunion tenue aussitôt après le vote avec la commissaire européenne Elisa Ferreira a à la fois confirmé la position de blocage qui est celle affichée depuis longtemps par la Commission européenne, et son embarras face à la pression que représente le vote très large du rapport Omarjee par le Parlement, et la mobilisation face à elle d’un grand nombre de leaders politiques des îles. Depuis ce mardi, le rapport de forces a manifestement été inversé.

D’autant plus qu’aussitôt après la commissaire, c’est la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, qui a tenu à apporter son soutien total au rapport voté et à tous les responsables politiques présents. Elle-même maltaise, et auparavant une députée très investie dans la défense des îles, elle a annoncé sa décision de mettre tout son poids dans ce dossier et encouragé les gouvernements des îles à rester mobilisés collectivement jusqu’à obtenir satisfaction.

L’Europe compte de nombreux pays qui n’ont aucun intérêt lié à l’insularité, car ils n’ont pas de façade maritime (Tchéquie, Hongrie, Slovaquie, Autriche, Luxembourg), ou pas/très peu de territoires insulaires concernés (Allemagne, Belgique, Pays Bas, Pologne). En fait, la France, l’Italie, l’Espagne, la Croatie, la Grèce, Malte et Chypre au sud sont les principaux concernés en Méditerranée. Au Nord, depuis que le Brexit a placé l’Écosse en dehors de l’Union Européenne, seules les îles Äland en Finlande sont concernées, car les îles Féroé au Danemark sont elles aussi en dehors de l’UE.

Voilà donc pour le rapport de forces géographique. Il ne peut être surmonté qu’à condition que les États concernés soient offensifs et demandeurs, et cela ne sera possible qu’à travers une mobilisation aiguillonnée par la pression des gouvernement insulaires auprès de leurs capitales respectives. Et comme la France pèse plus que Malte au sein du Conseil européen, le rôle dévolu à la Corse dans cette coalition des îles est particulièrement important.

Le calendrier, jusqu’à arriver à des décisions effectives qui influeront sur les prochaines périodes de programmation des fonds européens, de façon à ce que les spécificités insulaires puissent enfin être correctement prises en compte, court jusqu’à la mi-2024.

Le rapport Omarjee demande entre autres que 2024 soit déclarée « année européenne des Îles ». •