ARRITTI, journal politique au service de l’émancipation du peuple corse mais aussi journal politique de toutes les luttes d’émancipation, notamment en Europe.
E n 1966, alors qu’ARRITTI débarque pour la première fois dans les kiosques, la construction européenne en est encore à ses premiers balbutiements. Et alors qu’elle n’a pas encore soufflé ses 10 bougies (le traité de Rome instaurant la Communauté Economique Européenne a été signé en 1957) et malgré les dictatures qui existent en son sud (Portugal, Espagne, Grèce), le communisme qui domine à l’est et la neutralité qui règne au nord (pays scandinaves), c’est déjà un réel succès ! Car, au sortir d’un conflit mondial ayant amené l’Humanité dans les tréfonds de ce dont elle est capable, tenter de construire une utopie nécessaire autour du triptyque : construire la Paix sur un Continent anéanti par des siècles de guerres, partager les fruits d’une prospérité économique retrouvée, et promouvoir la diversité culturelle et linguistique, s’apparentait alors à un véritable défi politique, pour ne pas dire une utopie folle, de la part des six pays fondateurs de l’Union Européenne (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-bas). Mais la paix, la prospérité et la diversité, auxquelles il faudrait ajouter le soutien des peuples en lutte et le respect du droit de ceux-ci à l’autodétermination, sont aussi des piliers de l’engagement internationaliste d’ARRITTI .
Le paradoxe européen !
Si l’Europe a d’abord été construite pour éviter une nouvelle guerre entre les pays la constituant, et notamment la France et l’Allemagne, ce sont paradoxalement les nations sans État qui en ont le plus profité. En effet, qui étaient les premières victimes des conflits entre États, si ce n’étaient les nations sans État qui servaient de chair à canon lors des conflits ou dont les territoires servaient de monnaie d’échange entre vainqueurs et vaincus ? Qui a le plu bénéficié d’une justice « supranationale» capable de condamner un État ne respectant pas les droits de l’Homme si ce ne sont les nations sans État et les minorités ? Qui a profité de la fin des frontières des États au sein de l’Union (de l’espace Schengen en réalité) afin de reconstituer leur nation ou de rétablir les échanges économiques, sociaux et culturels qui avaient été interdits par le centralisme des États si ce ne sont les nations sans État et les minorités d’Europe ? Si l’Europe a été construite par et pour les États, elle a paradoxalement été la seule construction politique qui ait permis de libérer les nations sans État du joug du centralisme ! En cela, ARRITTI a toujours assumé son engagement pro-européen, ou plutôt alter-européen. Bruxelles n’est pas le problème, Bruxelles fait partie de la solution !
Solidarité entre les peuples
En effet, depuis 50 ans, ARRITTI n’a jamais trahi son engagement, ses convictions, son utopie ! Depuis 50 ans, ARRITTI contribue à la construction d’une autre Europe, d’une Europe des peuples garante des droits de l’Homme, du droit des peuples, de la démocratie, de la Paix et de la prospérité. Et pour construire cette Europe, ARRITTI n’a eu de cesse de renforcer les liens avec les autres peuples –et minorités– en lutte de France continentale (breton, basque, alsacien…) ou d’outre mer (kanak, polynésien…), de l’Union européenne (sarde, catalan, irlandais, gallois, flamand, hongrois de Roumanie…) ou hors de l’Union (kurde…). Cela va sans dire mais c’est toujours mieux en le disant, en matière d’émancipation et de justice, il ne peut y avoir de victoire solitaire ! Nos peuples meurtris par des siècles de mépris, écrasés par des siècles de centralisme et humiliés par des siècles de jacobinisme ne pourront retrouver leur liberté que par la solidarité qui les lie et qui fera que la victoire de l’un sera la victoire des autres et qu’à la victoire de l’un succèdera celle des autres ! L’Europe est la maison commune dans laquelle tous les peuples doivent pouvoir jouir de leur droit à l’autodétermination. Il y a 50 ans, les démocraties de l’ouest et la construction européenne étaient un phare pour les peuples sous le joug communiste ou vivant sous le poids d’une dictature. Aujourd’hui, les peuples jouissant d’une large autonomie sont devenus le phare de ceux qui subissent toujours le centralisme et le jacobinisme le plus réactionnaire.
Gageons que dans 50 ans, quand le peuple corse se sera autodéterminé, il saura être solidaire, en retour, et saura être la voix des nations sans État et sans voix à Bruxelles ! En tout cas, ARRITTI sera toujours auprès d’eux, car si l’autodétermination du peuple corse est l’objectif politique de notre journal, tant qu’il restera un peuple privé de ce droit, en Europe ou ailleurs dans le monde, il restera toujours une raison pour continuer le combat !
Roccu Garoby
Vice-Président de l’ALE Jeune