Cap'artìculu

La révolte d’un peuple et de sa jeunesse

Après celle de Corti, la manifestation de Bastia en réponse à l’odieuse agression commise à la prison d’Arles contre Yvan Colonna est l’expression de la puissante révolte d’un peuple qui refuse l’humiliation. Elles sont emblématiques de l’échec total de la mandature Macron sur le dossier corse.

 

De ces manifestations, Internet nous renvoie deux images. La première est celle d’une foule colossale qui défile avec détermination, puis qui maintient sa présence quand les incidents commencent, en appui et protection des jeunes qui les commettent. La seconde est celle de ces jeunes, et même très jeunes, qui sont plein de colère et de détermination, et qui ont décidé d’en découdre pour apporter le témoignage de leur révolte, et celui de leur implication dans la chaîne des générations qui depuis un demi-siècle se bat pour la reconnaissance du peuple corse.

Les violences commises dans la rue sont à la fois délibérées, les groupes de manifestants ayant clairement préparé les débordements, et spontanées car ne relevant d’aucune force politique structurée. La soixantaine de blessés, parmi les manifestants et parmi les forces de l’ordre pèseront dans la suite de cette crise qui ne se refermera pas demain sans qu’ait été trouvé une issue politique par le haut.

Sentant la situation lui échapper, l’État a pris la décision de lever le statut de DPS d’Alain Ferrandi, Pierre Alessandri et Yvan Colonna. Cette décision a été annoncée en deux temps, d’abord pour le seul Yvan Colonna cloué sur son lit d’hôpital, ce qui relevait de la provocation pure et simple, puis pour les deux autres condamnés de l’affaire Erignac, face à la bronca soulevée.

Mais elle a surtout été prise bien trop tard. D’abord vis-à-vis d’Yvan Colonna qui serait toujours en vie s’il avait été rapproché à Borgu, alors qu’il n’a toujours pas réussi à sortir de son coma deux semaines après son agression. Et aussi vis-à-vis de la Corse qui ne peut se contenter de ces mesures.

Car ce qui explose dans les rues n’est pas seulement une colère légitime face à l’agression préméditée pour attenter à la vie d’Yvan Colonna. C’est le refus obstiné de l’État d’aller vers un nouveau statut de la Corse qui est sanctionné et cette colère ne sera pas calmée par le simple fait de déclarations sans lendemain.

 

Un dialogue ordonné aurait dû découler démocratiquement des résultats successifs des élections territoriales qui ont apporté un soutien croissant aux idées nationalistes, jusqu’à la majorité absolue de juin 2021.

C’est là la faute indélébile de l’État et du gouvernement Macron-Castex. Par son refus d’ouvrir une phase de dialogue malgré le vote massif intervenu en juin, par le maintien du Préfet Lelarge et de ses provocations jacobines durant huit longs mois, par le rejet de la loi Molac sur l’enseignement par immersion, puis de la loi Acquaviva sur la lutte contre la spéculation foncière, il a opposé un déni de démocratie à tout le peuple corse.

Aujourd’hui, une situation politique nouvelle s’est imposée qui appelle à une action d’urgence. Mais les oiseaux de mauvais augure se font déjà entendre, comme l’inévitable Jean Pierre Chevènement, soutien d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle, mais qui a tenu à rappeler, en écho aux manifestations corses, qu’il avait fait battre Lionel Jospin sur la question d’un pouvoir législatif reconnu à la Corse. Par différents canaux, comme le Canard Enchaîné par exemple, l’État barbouze avance ses manipulations.

Le peuple corse a désigné par la voie des urnes ses représentants habilités à engager le dialogue indispensable pour que la situation s’apaise. Un nouvel interlocuteur, au niveau de l’État a été désigné en la personne de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. La balle est dans son camp. Mais il est bien tard désormais. •