Quand le virus électoraliste pénètre l’ADN politique, il met mal-en-point l’idéal politique et la morale démocratiques.
À l’occasion des présidentielles, « les primaires », « les citoyens choisissent leurs candidats » sont un vernis de démocratie qui cache des batailles d’ambitions personnelles. Près d’une dizaine de candidats dans les deux grandes formations plus leurs ailerons extrêmes. Derrière cette façade, éclatements, guérillas, coups bas… où sont les différences entre les « primaristes » ? Jeux d’image de séduction, d’exorciste de peurs. Sans tranchant, le discours relève plutôt de l’hypnose. Ratisser large, aller à la pêche des déçus, des flottants pour être l’élu, ou prendre date et peser en vue de son avenir de professionnel politicien. Après une bagarre sans éthique il faut se muter en rassembleur et au besoin promettre quelques sucettes ministérielles ou autres pour dissocier un bloc malveillant. La situation peut paraître stabilisée mais tous les acteurs restent sur le qui-vive, en embuscade pour l’occasion, de difficultés du leader, et au besoin contribuer à les créer, et se relancer dans la course à plus de pouvoir.
La Ve République voulait en finir avec le « régime des partis » de la IVe en instaurant un bipartisme droite-gauche, un exécutif fort sous la houlette d’un président, lui élu directement au suffrage universel.
La Ve République en butte aux problèmes de la mondialisation n’est guère plus efficiente. La lutte des petits chefs se déchaîne à tous les étages. L’idéal politique au nom du pragmatisme est travesti depuis le sommet, en passant par la cohorte des élus législateurs avec leurs relais départementaux jusqu’aux « petits » maires, la base aux contacts des besoins locaux et individuels, ils sont « la proximité » disent-ils mais elle est leur jardinière « clientéliste » avant tout. L’ambition électorale est justifiée en démocratie, quelques excès inévitables ne font pas barrière. Et n’est-ce pas l’électeur qui tranche librement ? Libre, non dépendant et non manipulé, est-on certain ? Les natios ont la mission historique de sauver leur peuple nié et donc condamné, menacé de disparition en quelques générations par le dogme jacobin. Face à ce drame ont-ils une force morale et une détermination suffisantes ? On peut se poser la question à cette heure-ci.
La première de leurs divergences sur la stratégie des moyens, LLN/FLNC dominant, ou lutte démocratique exigeante avec l’approbation du peuple convaincu par leur abnégation vient d’être surmontée avec l’arrêt de la clandestinité. Ils ont pu avoir la majorité à la mairie de Bastia et à la CTC dont le statut est insuffisant pour atteindre leurs objectifs : un peuple corse vivant et prospérant sur sa terre dans un développement durable. Insuffisant, sans souveraineté pour maîtriser son destin, même si ce statut encadré laisse quelques possibilités de gestion sans pouvoir procéder à des changements structurels indispensables. La participation aux élections s’impose, il ne faut pas laisser les mains libres aux tenants du système Jacobin. Mais si on privilégie les élections comme le principal et à plus forte raison comme l’unique moyen de lutte émancipatrice, on peut gagner des voix, sans réforme salvatrice en vue. Des voix, d’autant plus que les clans convulsent et que Paris flotte, que les courroies sont distendues et que les poulies grincent. Des voix d’électeurs à demi convaincus : un bilinguisme suffit, sans coofficialité, pas de statut de résident trop difficile à obtenir, contre la spéculation bien appliquer les lois ordinaires… Quelques dérogations à la rigueur, un peu de fiscalité patrimoniale… Et on peut dormir tranquillement avec la prolongation de dix ans aux Arrêtés Miot… avec une telle perception, le système continue son œuvre néfaste, sous le couvert d’un égalitarisme Jacobin, il continue à nier l’existence du peuple corse. N’existant pas, il n’a aucun droit. Pas de terre, elle est à tout le monde et au plus offrant.
L’option pour l’indépendance, sans lutte armée, fait partie d’un débat démocratique normal comme toute idée. Reste pour les tenants de convaincre leur peuple. Une autonomie avancée en rupture avec le système à remplacer est l’évidence pour avoir prise, sauver le peuple corse et le reconstruire en ces temps de mondialisation. Le rapprochement indépendantistes/ autonomistes est constructif : il est patriotique. Les «modérés » laissent perplexes. Trois mouvements sans différence de fond, des leaders qui négocient pour confectionner des listes où ils équilibrent leur représentativité, pour se partager les postes éligibles dans une institution insuffisante, avec des militants qui suivent leurs panaches blancs.
La priorité devrait être à une organisation pour un grand mouvement de terrain, dans tous les secteurs de la vie du peuple, capable de le mobiliser. C’est bien là la « proximité » valable des natios et non dans l’illusion, sympathique et symbolique, du « premier gouvernement de la Corse ». Ne jouer que sur la course au mandat dans ces conditions c’est faire perdre du temps à la cause et en faire gagner au système mortel. C’est donner encore plus de chance à une pérennité du clanisme sous des formes adaptées à notre époque, plus ou moins mafieuses.
Un mouvement démocratique de terrain est l’outil prioritaire qui offre des garanties. Il doit être perçu comme la référence de la transparence, de la responsabilité et de l’autodiscipline démocratique, l’exemple pour l’avenir du Peuple Corse.
Débats, contre-pouvoirs, procédures claires pour limiter les jeux de couloir et laisser place à l’imagination créative en vue d’actions positives, pour donner du poids au moindre mandat arraché au système, pour convaincre et regrouper les «Corses » et les amis de la Corse. La lutte est globale, « révolutionnaire » : renverser un système par la prise de conscience, la responsabilité, l’autodiscipline, en « proximité » pour faire cesser la schizophrénie avec la reconnaissance de notre peuple et de ses droits.
Max Simeoni