Max Simeoni nous a quitté mais sa présence nous habite. Arritti qu’il a fondé et auquel il était très attaché, veut faire perdurer sa plume hebdomadaire. Nous maintenons donc sa page habituelle et vous proposerons des éditoriaux d’archives qu’il a écrit à différents moments de l’histoire de Corse. Il continue à nous instruire. Aujourd’hui, c’est un collector : le premier numéro d’Arritti, paru le 8 décembre 1966. Il faut bien sûr le resituer dans son contexte, il y a 57 ans, « une espèce de petit miracle », « un appel au combat », annonçait Max…
Il s’agit, lecteurs, de vous présenter ce journal.Il émane en ligne directe de la Revendication Insulaire de ces trois dernières années dans ses manifestations les plus diverses. S’il est le témoin de sa vitalité, il est aussi une espèce de petit miracle. Les militants de la « Cause Corse » ont toujours souffert amèrement de l’absence d’un organe à la voix claire et pure au service de cette cause. L’entêtement de quelques-uns, tel que seule la foi peut l’engendrer, a réalisé cette impérieuse nécessité malgré toutes les difficultés qui n’ont pas été uniquement d’ordre matériel.
Il est l’œuvre d’une équipe solide, faite d’hommes différents, mais libres, lucides, ouverts et que déjà leur idéal a cimenté. Ce noyau a l’ambition de faire converger et de regrouper autour d’« Arritti » toutes les aspirations, toutes les énergies, toutes les forces régionalistes valables.
« Arritti » est un appel à tous les Corses de bonne volonté, à tous les amis de la Corse, à tous ceux qui aiment ce pays pour ce qu’il a été, pour ce qu’il est, à tous ceux qui ont choisi d’y vivre ou simplement qui regrettent de ne pouvoir y vivre.
« Arritti » est un appel au combat pour défendre ce qui mérite de l’être d’un passé glorieux et pour bâtir coûte que coûte la Corse viable de demain, celle de nos enfants enfin prospères et toujours fiers de leur sol natal.
« Arritti » est prêt à défoncer les obstacles qui s’opposeront à cet avènement.
Et à tout seigneur, tout honneur : d’abord le clan – qui a une explication sociologique – il est le phénomène insulaire du sous-développement – mais il n’en est pas moins un frein au progrès.
Le clan devra disparaître – perpétué par des maires corses, il devra périr par d’autres mains corses ! Ce ne sera que justice et c’est la première œuvre utile, nécessaire et indispensable, mais d’autant plus difficile qu’il est, ce clan, toléré et même utilisé par le pouvoir central.
En effet, ce dernier fait mine de le condamner mais se garde bien de le déraciner car pour ce faire, il lui faudrait résoudre le « Problème Corse », c’est-à-dire réduire le sous-développement insulaire ce qui est trop cher ! À moins que Paris, un jour, ne se trouve devant un Seul clan souhaitable, celui de toute la Corse unie et dressée pour exiger que justice lui soit enfin rendue.
La doctrine régionaliste qu’entend utiliser « Arritti » est simple.
Elle a un aspect économique qui découle du bon sens : le statut spécial adapté à la Corse, région géographique naturelle, et seul département insulaire. Un statut type Sarde, par exemple, élaboré en tenant compte des données de notre île. C’est une œuvre importante qui ne peut être menée à bien qu’avec le concours de tous.
Les solutions technocratiques parisiennes et octroyées seront rejetées car elles ne sont que des solutions de colonisation plus ou moins déguisées.
Cette doctrine a un fondement humain c’est-à-dire des motivations affectives : l’amour passionné mais clairvoyant que les Corses portent à leur pays. Et ce qui augure bien de l’avenir, surtout les jeunes qui ont vocation d’être pionniers chez eux et qui ne veulent plus subir l’exode. Celui-ci ne leur assure même plus une promotion sociale individuelle d’une façon correcte.
Qui peut donc trouver à redire à ce que les jeunes Corses s’intéressent à leur Terre ?
Qui peut avoir assez de dialectique pour les persuader que les problèmes économiques et sociaux insulaires ne sont pas spécifiques et à ce titre ne méritent pas des solutions spécifiques ?
Et qui osera faire la Corse sans les Corses ?
Les jeunes Corses entendent pouvoir rester ou retourner chez eux quand bon leur semblerait et pouvoir y vivre simplement, dignement.
Que leur importent les formules, les théories sociales, les idées politiques ou philosophiques ou les systèmes technocratiques ou administratifs !
« Arritti », déjà beaucoup d’entre eux le sont, et ils appellent tous les insulaires et tous les exilés à se dresser pour se grouper et pour former les bataillons revendicatifs.
Si pour ce journal, qui se veut un porte-drapeau, nous avons choisi ce titre qui est un cri de ralliement, de même que nous n’avons pas craint d’agrémenter la tête de Maure, d’une pioche et d’un fusil, les outils du pionnier, c’est que nous savons la force des convictions et la volonté de granit de la Jeunesse Corse.
Notre symbolisme ne s’effraie même pas de certains petits sourires, d’autant plus que nous en voyons beaucoup qui commencent à tirer sur le jaune.
« Arritti », Corsi, sangue di la miseria ! •