Dialogue avec l’État

Que devient le dossier de la Corse ?

Max Simeoni
par Max Simeoni
Au moment où je rédige, le débat avant le vote de la motion de censure est examiné au Parlement. Laurent Marcangeli, président du groupe Horizon vient d’intervenir. Je ferai état du résultat s’il est connu avant la fin de la séance…

 

C’est fait, il a manqué neuf voix pour faire tomber le Gouvernement qui n’est pas à l’abri de bien d’événements impondérables, internes à la famille autonomiste, ou de l’environnement sociopolitique de France, d’Europe, du monde… La réforme des retraites est adoptée mais que va faire la coalition des syndicats ?

 

Ce gouvernement sort affaibli. Que devient le dossier de la Corse ? Une fois de plus il sera mis en attente ? On peut établir une comparaison avec Jospin qui, de son temps, semblait décidé à aller à l’autonomie de la Corse, qui fait passer une bonne partie de cette réforme la veille de l’élection présidentielle. Mais une autonomie de la Corse imposait une réforme constitutionnelle qui devait être réalisée sous la nouvelle présidence. Battu par Jacques Chirac, elle fût écartée. Un statut particulier de plus, comme les autres, sans pouvoir….

Que peut réserver une guerre en Ukraine ? Des freins, des blocages, mais pas d’accélérateurs ! Les mesures de pressions économiques et d’envois de tanks prises par nombre de pays occidentaux contre la Russie de Poutine entraînent une augmentation de la vie chère qui étouffe toute tentative d’ériger une structure socioéconomique en dehors d’un « tout tourisme » qui laisse des miettes aux autochtones et profite pour l’essentiel aux producteurs/financiers du continent, des plateformes d’achats et de distributions de Marseille et autres… et qui jouissent de la prime de transports…

L’île conquise par les armes d’un Roi de droit divin, suit son destin de colonie d’une République aux valeurs universelles depuis deux siècles. Elle a été un réservoir d’hommes (Empire colonial, guerres meurtrières européennes), 160.000 habitants en 1962, vidée, l’État français veut en faire un territoire d’attraits touristiques (une montagne dans la mer) pour faire entrer quelques devises. L’Espagne sous Franco (coopérative de Mondragon), l’Italie construit des autoroutes pour que les touristes accèdent plus aisément à tous ses sites du sud ou de sa côte est. La Tunisie impose que les avoirs des colons européens, ne soient pas ramenés en métropole mais peuvent être gérés sur place par ses colons rapatriés, en France… L’UPC apporte la preuve écrite de cette politique sournoise de l’État jacobin en publiant en 1974 le rapport secret de l’Hudson Institute qu’elle s’était procuré, commandité par la Datar alors rattachée au Premier ministre et voté en 1972/73 comme Schéma d’aménagement de la Corse pour la période 1971-1984. La République des jacobins avait choisi le projet du tout tourisme qu’elle présentait comme le « moteur du développement économique » capable de créer une économie profitable à tous ses habitants. Mais ce projet parmi les quatre possibles envisageait la disparition pure et simple des derniers autochtones pour mieux disposer de sa Terre insulaire (250.000 à 300.000 lits à créer en 10 ans et 70.000 techniciens de ce tourisme de masse) à faire venir…

Dévoilé, ce coup mortel fût suspendu devant le rejet de tous les Corses.

 

Cette politique de la « cage sans les oiseaux » continue en mode plus soft, un peu plus lent mais tout autant désastreuse pour les autochtones. Le relais est assuré par les réseaux bancaires.

Du temps de la Corse non développée, il y avait deux banques privées : la Société Générale et une banque au bas de la rue César Campinchi… puis on a vu fleurir des guichets de banques dans toute l’île, dans tous les cantons, dans de nombreux villages… ils sont là pour l’épargne locale mais surtout pour cette politique d’un tout tourisme. Les compagnies financières sont informées et ont pris des options sur tous les terrains communaux ou privés disponibles. Le Schéma d’aménagement a publié des cartes que nous avons repris dans Autonomia de 1974. Les compagnies ont pris la main sur le foncier.

Or il se trouve que le tout tourisme et sa soif de lots, donc de terres pour bâtir, fait obstacle à l’installation de jeunes agriculteurs. Le conflit se concrétise dans le Fiumorbu. Il sera violent. La défense d’un peuple corse et de sa terre dans son expression moderne y commence.

C’est bien là que mon engagement militant s’affirme soutenu par la population.

Cependant, les clivages anciens du clanisme ont peu à peu repris et l’électoralisme a pu reprendre le mors aux dents.

Les militants autonomistes sont partis contre toutes atteintes au suffrage universel. Ils se sont présentés pour pouvoir attaquer en justice toutes les malversations et circonstances ont fini par faire d’eux de légitimes acteurs politiques jusqu’à leur prise d’une « majorité absolue » à la CdC.

Mais ils n’ont pas été capables de sortir du piège nouveau : « ils ne font pas la loi », dixit le nouveau Président Macron à ses premiers pas. Sous-entendu « nous la faisons ! Ils l’appliquent… ils gèrent sous contrôle… » Donc, majoritaires pour des compétences limitées qui ne permettent pas de changer sans trop tarder les retombées funestes pour un peuple corse à maintenir en vie et maître de son destin.

Ils se sont laissés entravés dans un jeu de faire valoir, de courtisans, qui les maintient à distance d’un vrai pouvoir émancipateur. Ils en sont réduits à faire des élections pour des mandats locaux « qui ne font pas la loi » !

Où et comment agir pour faire ou infléchir les lois et règlements néfastes ? Ce sera l’objet de mon prochain article. •