Les candidats, sollicités par Corse-Matin, ont fini par dire quelques mots sur la Corse. Manuel Valls considère l’arrivée des natios comme « une volonté de renouveau… de faire reconnaître l’identité de la Corse…», s’il est président, il « renforcera l’Université, l’enseignement de la langue corse et fera quelques propositions sur les droits de succession… sans toucher à la Constitution… ». S’il nous a compris, il ne s’engage sur rien de concret. Il ne revient pas sur son triple Non antérieur pour la coofficialité, le statut de résident, ou de simples dérogations fiscales dans le cadre des ordonnances. À peine d’édulcorant pour adoucir la sauce aigre.
Pour Benoit Hamon, la collectivité unique, c’est l’occasion de changer des comportements négatifs… résidence, coofficialité, prisonniers politiques, ou en parlera sereinement une fois Président… lorsque Fillon sera battu ? La pauvreté et le chômage seront combattus en Corse avec un développement économique en soutenant les TPE-PME, entrepreneurs dans les secteurs innovants du futur…
Sylvie Pinel veut donner de l’oxygène au tissu économique (baisse des impôts, intéressement des salariés… et le tourisme).
Jean Luc Benhamias, seul à venir pendant la campagne, « en ami de la Corse » qui affirme qu’elle peut avoir un développement durable grâce à son autosuffisance en énergies renouvelables… le revenu universel pour relancer la consommation…
François de Rugy, ses préconisations sont compatibles avec le Padduc (coofficialité, réforme de la Constitution..) mais son score les stérilise…
À ce stade des primaires, les déclarations sont comme un souffle tiède de bouche de métro. On peut penser qu’il n’y aura rien de plus à attendre par la suite
Comment maintenir le lien de l’homme avec sa terre, le sentiment d’appartenance en commun qui fait l’homme corse ? Serait-il remplacé par le lien de la seule jouissance individuelle au panorama? Cette décorsisation rampante existe depuis quelques décennies…
Précédent ces effluves, j’ai écouté Jean-Félix Acquaviva à Cuntrastu nous expliquer la nouvelle configuration du transport maritime. Un changement complet pour tourner la page du monopole servant des intérêts extérieurs en vue d’un transport au service du développement de l’île dirigé, contrôlé par les élus de l’île. Pour des non spécialistes, le montage paraît complexe. Il se veut pragmatique. À l’usage vite, on verra s’il tient le cap. Les élus semblent disposer du pouvoir de driver, d’améliorer. Ils tiennent la barre… si les difficultés viennent, leur volonté est affichée et l’échec n’est pas envisageable car il s’agit de la compagnie régionale, celle de la Corse, au service du peuple corse. « L’avenir de la Corse est sur l’eau » a dit Pascal Paoli. Une montagne entourée d’eau… Les natios comme aménageurs et développeurs doivent tenir compte de ces deux caractéristiques, ils ont du pain sur la planche. Ils en sont à peine à commencer à chauffer le four.
Sauver leur peuple? Seulement possible avec l’adhésion du plus grand nombre, convaincre d’abord qu’il existe et qu’il est menacé de disparaître par une République qui nie son existence précisément à cette fin, convaincre qu’il a le droit d’exister. Existence, danger et cause doivent être parfaitement intégrées pour être en mesure d’entamer la lutte et de la poursuivre le temps qu’il faut. Cette dimension politico-pédagogique est primordiale. Discours, projets, « visions » politiques, ou pragmatiques étriquées sont inutiles et donc néfastes. Les flots de paroles et les polémiques irritées cultivent le scepticisme, contrarient la cohésion, étouffent une force « historique » capable d’amener à composer la tutelle des jacobins d’autant plus que la mondialisation, le passage a été imposé d’une société agropastorale familiale sans garde-fou au tout tourisme. À aucun moment l’État des jacobins n’a voulu, n’a eu besoin d’un développement de l’île. Simple atout stratégique en Méditerranée et réservoir d’hommes, il l’a vidée pour ses besoins impérialistes. Plus le territoire était appauvri, plus l’exil s’imposait.
Les natios gèrent la CTC. Les moyens institutionnels sont limités et les besoins de leur but politique sont énormes. Ils doivent puiser les forces dans leurs tripes et leurs têtes. Ils peuvent pour l’instant un peu amortir les agressions (démographie désastreuse, dépendance financière, langue condamnée1, pauvreté galopante, chômage, tout tourisme, spéculation, dérives mafieuses…). On les accuse de discrimination quand ils demandent la coofficialité sans laquelle aucun espoir n’existe, ou on les raisonne, « le bilinguisme suffit… la coofficialité quasi impossible à obtenir…» « Le tourisme est le moteur de l’économie ! » C’est un peu court mais ça prend faute de mieux à court terme. Sans productions locales, réduit pour l’essentiel au tourisme qui n’est une activité pratiquement que de services, aux retraites, à l’épargne, aux discours sur les nouvelles technologies, revient à organiser la distribution et la consommation des productions extérieures avec l’enveloppe de continuité territoriale, où la Terre devient un atout marchand, rien d’autre. Comment maintenir le lien de l’homme avec sa terre, le sentiment d’appartenance en commun qui fait l’homme corse ? Serait-il remplacé par le lien de la seule jouissance individuelle au panorama ? Cette décorsisation rampante existe depuis quelques décennies. Le moteur des natios reste alimenté par une culture passée qui fond au soleil du tout tourisme.
On est dans le schéma du faible dominé, qui n’a pas compris tout à fait pourquoi il est dépassé. On doit réaliser que de refuser de disparaître est un combat de valeurs universelles de simple justice. Mais que l’on est seul, les Corses, à pouvoir peser et gagner d’abord par nous-mêmes, sur nous-mêmes.
Une lutte de longue haleine pour rester enraciner sur une terre qu’on veut bien partager sans en être dépossédée.
Quels droits, quelle justice doivent nous priver d’exister en dignité ? Les préoccupations électoralistes sont des lunettes à verres opaques.
Max Simeoni