Les événements de ce week-end au Pays Basque marquent une nouvelle étape du processus de paix engagé unilatéralement par le mouvement nationaliste basque malgré l’évidente hostilité du gouvernement espagnol relayé par son homologue français. Visiblement la fin de la lutte armée d’ETA dérange autant à Madrid qu’à Paris.
À Louhossoa, en Pays Basque nord, sur le territoire français, ETA avait situé une de ses caches d’armes, abritant 15 % de son potentiel selon le courrier annonçant la destruction de cet arsenal par une délégation de personnalités issues de la société civile du Pays Basque Nord. Ces personnalités ont été arrêtées et transférées à Paris pour être déférées devant le parquet anti-terroriste.
La police espagnole était présente au moment de l’opération, sans doute a-telle même été à l’origine de l’intervention policière. En effet, il est probable que certaines caches d’armes soient connues des services secrets espagnols, et surveillées en permanence pour piéger les militants clandestins.
En menant l’opération en lieu et place des militants de l’organisation clandestine, les personnalités basques, dont le Président de la Chambre d’Agriculture, se sont impliqués, avec le soutien de la Ligue des Droits de l’Homme, pour débloquer la situation. Leur but était de détruire cet arsenal pour manifester, aux yeux de la communauté internationale, qu’ETA tenait bien ses engagements de désarmement unilatéral.
ETA a annoncé l’arrêt définitif de son action armée il y a cinq ans. Depuis, le temps s’est largement écoulé pour attester de la validité de cette décision – plus aucun attentat – qui a permis de radicalement modifier la situation politique en Euskadi. Pourtant le processus de paix reste en berne, l’État espagnol, et l’État français avec lui, refusent toute négociation, notamment à propos du sort des prisonniers politiques. Ceux-ci sont près de 400, les trois-quarts en Espagne, 80 en France, auxquels on applique une politique délibérée d’éloignement en sus de l’emprisonnement auquel ils ont été condamnés.
Par cette action les « artisans de la paix », comme ils sont appelés là-bas, ont voulu débloquer la situation et enlever le risque d’un échec du processus de paix. Leur arrestation intempestive a déjà mis dans la rue des centaines de Basques le jour même, et provoqué des soutiens venus de partout.
François Alfonsi, ancien député européen, président de l’Alliance Libre Européenne; Geneviève Azam, membre du conseil scientifique d’ATTAC ; José Bové, ancien porte-parole de la Confédération Paysanne, député européen ; François Dufour, ancien porteparole de la Confédération Paysanne et vice-président de la Région Basse Normandie ; Pascal Durand, avocat, député européen ; Susan Georges, présidente d’honneur d’ATTAC ; Laurent Pinatel, paysan, porte-parole de la Confédération Paysanne ; Yannick Jadot, ancien directeur de Greenpeace, député européen ont signé un communiqué commun pour dénoncer ces interpellations, invoquant notamment la dernière déclaration publique d’ETA qui annonçait confier à la société civile « la responsabilité politique du désarmement ». « […] Les personnes interpellées, avec qui nous partageons nombres d’engagements et de luttes, sont connus pour leur rejet de la violence et pour leur non appartenance à l’organisation séparatiste ETA […] Il ne pourra y avoir de paix durable et partagée en Pays Basque, tant que les États Français et Espagnols ne s’impliqueront pas dans le processus. Il est temps d’entendre les voix et les actions des personnalités, des élus de tout bord et de la société civile qui demandent une sortie de la spirale de violence.
Nous demandons la libération immédiate des militants interpellés cette nuit ».
Ce mardi 20 décembre, un appel de José Bové nous confirmait la nouvelle de leur libération. Vigilance reste de mise.