Entre 1921, date à laquelle l’ancêtre de l’ONU, la Société des Nations, a accordé une reconnaissance internationale au statut d’autonomie des Îles Åland au sein de l’État finlandais, et 1922, date à laquelle le Parlement d’Åland a adopté le statut ainsi proposé, les autorités d’Åland ont préféré retenir la seconde date pour célébrer le centenaire de leur statut d’autonomie, suivant en cela le principe même de l’autodétermination : c’est la décision libre du peuple d’Åland, le 9 juin 1922, qui en fonde la légitimité.
Géographie et Histoire. Les Îles Åland sont un long chapelet de plusieurs milliers d’îles et ilots qui s’étirent entre les côtes de Finlande et de Suède à l’entrée du golfe de Botnie, partie septentrionale de la mer Baltique. Ces îles sont de faible altitude et le plus souvent couvertes de forêts. Seules quatre-vingt d’entre elles sont habitées, et 90 % des 30.000 habitants résident sur la plus grande où se trouve la capitale Mariehawn, située à 50 km des côtes suédoises et 75 km des côtes finlandaises. Le critère culturel aurait dû être déterminant car dans ces îles ethniquement suédoises, le suédois est la seule langue pratiquée et le finnois ignoré. Pourtant la Société des Nations a décidé d’attribuer la souveraineté de ces îles à la Finlande et non à la Suède, tout en garantissant leur autonomie totale et leur droit inaliénable à la langue suédoise. C’est ce compromis politique que le Parlement des Îles Åland a validé le 9 juin 1922.
Historiquement, l’espace de la mer Baltique est une longue succession d’affrontements entre le Royaume de Suède et l’Empire russe des tsars, au détriment des autres peuples autochtones, pays Baltes et Finlande. Au début du 19e siècle la Russie prend l’avantage et consolide son ouverture en mer Baltique, seul débouché maritime de la Russie en mer ouverte, non gelée durant l’hiver, en créant l’actuelle Saint Pétersbourg, tout en occupant la totalité de la Finlande, ainsi que les Îles Åland.
Car la situation de ces îles est stratégique : comme elles barrent toute l’entrée du golfe de Botnie, au fond duquel se trouvent les mines de fer les plus stratégiques du Nord de l’Europe industrielle, elles commandent toute la navigation au profit des puissances qui les occupent militairement.
Au sortir de la première guerre mondiale, l’Allemagne a perdu la guerre, affaiblissant son allié suédois, la Russie vient de connaître la révolution d’octobre et a renoncé à l’hégémonie que les tsars avaient obtenue au 19e siècle sur la mer Baltique, occupant toute la Finlande et les Îles Åland au détriment du Royaume de Suède. La Finlande trouve alors sa place comme Etat indépendant au sein de la Société des Nations. Les Îles Åland sont ethniquement suédoises, mais la Suède a perdu la guerre et l’enjeu du contrôle de l’entrée du golfe de Botnie est militairement stratégique. Les vainqueurs de la guerre de 14-18 décident alors que les Îles Åland appartiendraient à la Finlande qui avaient accepté un large statut d’autonomie stipulant notamment que le suédois resterait la seule langue officielle dans l’archipel.
Cent ans plus tard, la langue suédoise est toujours la seule langue officielle, et effectivement pratiquée, dans l’archipel, et son statut d’autonomie lui a permis de développer ses échanges avec la Suède où vont, par exemple, étudier la plupart des étudiants qui ignorent le finnois.
La « Domicile Law ». Mais la puissance économique de Stockholm génère une pression immobilière dont les Alandais se sont préservés en adoptant la « Domicile Law », sorte de « statut de résident » qui protège la propriété foncière au profit des Alandais. Pour pouvoir acquérir un bien foncier sur les îles, il faut y résider depuis au moins deux ans, avec un projet de vie sur l’archipel d’au moins dix années. Et si le propriétaire extérieur quitte définitivement les Iles, il doit revendre avant deux années après son départ. Pour les Alandais, c’est une certitude : sans la protection de cette loi, les îles seraient constellées de résidences secondaires, et les Alandais privés de l’accès au foncier. Et le danger vient potentiellement bien davantage de Stockholm que de Helsinki beaucoup plus éloigné géographiquement comme culturellement. Cette loi date d’avant l’entrée de la Finlande dans l’Union Européenne, et son maintien est garantie par l’annexe à ce traité d’adhésion qui traite de l’autonomie d’Aland. Sans cette garantie permise par le statut d’autonomie des Iles, elle aurait été menacée.
Une économie tournée vers la mer. Économiquement les Alandais sont avant tout un peuple de la mer. Ils se sont illustrés comme des marins d’exception durant tout le 19e siècle dans la marine à voile, leur activité consistant à faire chaque année, en suivant les vents dominants, un « tour du monde », en partant chargés de bois vers l’Australie via le Cap de Bonne Espérance au sud de l’Afrique, puis en revenant en Europe chargés de céréales en contournant le redouté Cap Horn. Chaque périple était comptabilisé dans un livre des records sur le tour du monde à la voile, et les armateurs alandais les ont régulièrement collectionnés, l’amenant à 83 jours à la fin de la marine à voile.
De ce passé naval, l’économie alandaise a gardé une très grande composante maritime. Les armateurs d’Åland sont parmi les plus importants du Nord de l’Europe. Dans le sillage de cette activité principale, plusieurs activités liées se sont bien développées sur l’archipel, dans le domaine du commerce, des assurances, activités bancaires, etc.
Un nouveau développement économique se fait jour autour des énergies renouvelables et les Îles Åland mènent le plus important projet d’éolien en mer d’Europe dans leurs eaux territoriales au sud de l’archipel. Ce site favorable, venté, où les fonds marins sont peu profonds, va accueillir une capacité éolienne de plusieurs centaines de MW. Elles alimenteront les réseaux électriques voisins de Suède à l’ouest, de Finlande à l’est, et même d’Estonie au sud, en sus du réseau des îles dont les besoins seront alors entièrement couverts par des énergies renouvelables. Les retombées économiques et financières de ce projet sont considérables pour les autorités de l’archipel.
Une participation directe à la Conférence nordique. Lorsque la mission de l’ALE s’est rendue aux Îles Åland elle a pu rencontrer officiellement l’Assemblée de cette Conférence nordique qui joue un rôle de coopération très important au nord de l’Europe en regroupant Norvège, Suède, Finlande, Islande et aussi, es qualité et directement grâce aux autonomies dont elles bénéficient, les Îles Åland et les Îles Féroé.
Une vie politique axée sur la défense du statut d’autonomie. Avec un PIB par habitant de près de 50.000 € par an (France près de 40.000 €, Corse moins de 30.000 €), les Îles Åland tirent un avantage évident de leur statut d’autonomie. Leur Parlement est composé de 29 membres issus de sept partis dont le partenaire officiel de l’Alliance Libre Européenne, Ålands Framtid. Prônant l’autodétermination, Ålands Framtid veut que soit reconnue la possibilité pour les Îles Åland d’accéder à l’indépendance pour être représentées directement à Bruxelles. •