L’enseignement par immersion d’une langue régionale est directement inspiré de l’exemple québécois où il fut mis au point pour préserver l’espace francophone canadien contre la langue invasive qui est là-bas l’anglais, dont la domination aurait conduit à la disparition de la langue française si l’État canadien avait été construit sur le même modèle que la France.
Les Basques se sont les premiers emparés de cet exemple dans leur territoire où la langue invasive est le français qui étouffe inexorablement leur « langue régionale ». Cinquante ans plus tard, après avoir été rejoints par les bretons, les catalans, les occitans les alsaciens et désormais, era ora !, les corses, l’enseignement immersif a ouvert un espace de résistance linguistique qui permet d’avoir bon espoir de revitaliser nos langues qui, sinon, sont toutes menacées de disparition, selon le diagnostic scientifique implacable établi par l’Unesco.
Première vertu, essentielle : la production d’une jeunesse véritablement bilingue
Pour les différentes délégations que j’ai pu accompagner dans les établissements Seaska, c’est le choc émotionnel immédiat de constater l’aisance linguistique acquise par les enfants, de tous âges, dans les locaux des écoles immersives. Elle s’entend dans les classes, dans la cour de récréation, dans les échanges avec les enseignants et les autres personnels qui encadrent l’action éducative. Elle se vérifie par le rôle des « enfants Diwan » et des « enfants Seaska » une fois adultes dans l’animation de la vie culturelle et la revitalisation d’un bain linguistique vivant sur leurs territoires. En Pays Basque, où la part de l’enseignement associatif par immersion est la plus significative (environ 12 % des effectifs scolaires), les statistiques s’infléchissent enfin et montrent une remontée du nombre de locuteurs basques actifs dans la société, alors que l’érosion linguistique était ininterrompue depuis des décennies, au fur et à mesure du décès des locuteurs naturels les plus âgés. Et cette remontée se fait par les plus jeunes qui ont pu bénéficier, depuis leur plus jeune enfance, de l’apprentissage en immersion de la langue.
Deuxième vertu, capitale : une efficacité prouvée pour tous les apprentissages, y compris la maîtrise de la langue française
Les échantillons statistiques sont désormais significatifs qui portent sur des dizaines de milliers d’élèves qui ont suivi les cursus scolaires de l’enseignement immersif. En toutes matières les lycéens basques et bretons qui sont arrivés au bac en apprenant mathématiques, histoire, sciences naturelles et toutes autres matières en langue bretonne ou basque, ont eu des résultats supérieurs à la moyenne des autres lycées de leurs académies. Cela se vérifie lors des tests de l’entrée en sixième, et pour les examens de fin de collège (BEPC) et de lycée (baccalauréat). Cette année encore, c’est 100 % de réussite au bac pour les deux lycées bretons et le lycée basque, dix points au-dessus des résultats généraux français. Et cela vaut aussi pour les évaluations et les notes obtenues en français !
Troisième vertu, désormais démontrée : une meilleure maîtrise de la langue française à la fin de l’enseignement primaire
Le fait est désormais attesté par les évaluations menées par les autorités académiques elles-mêmes, notamment au Pays Basque. L’explication mise en avant est intéressante à plus d’un titre. Durant sa scolarité maternelle puis en primaire, l’enfant emmagasine plusieurs apprentissages : la lecture, l’écriture, la syntaxe et l’orthographe. Le premier savoir qu’il apprend par l’école est celui de mettre en correspondance le son qu’il entend et connaît, et la lettre, ou le groupe de lettres, qui lui correspond dans la langue étudiée. Or toutes les langues ne sont pas égales pour leur apprentissage, et le français est une des plus difficiles car un même son y prend de multiples formes orthographiques. Par exemple le son « o » peut s’écrire o, oh, au, eau, aut (il faut), ot (un pot), eaux, aux, et même aulx. Tandis que dans la langue basque, comme pour le corse, ou l’italien, qui sont des langues nettement plus simples, il y a correspondance directe entre le son entendu et l’écriture qui lui correspond : le son « o » s’écrit toujours « o ».
Si bien que l’apprentissage en premier de la langue « facile » permet à l’enfant d’assimiler bien plus vite les mécanismes de la lecture et de l’écriture, et d’être ainsi beaucoup plus à l’aise ensuite pour assimiler la complexité intrinsèque de la langue française. Dans l’enseignement immersif, maternelle et cours préparatoire sont entièrement réservés à la langue corse, puis l’apprentissage de la lecture et de l’écriture pour le français intervient dans un second temps, une fois les mécanismes qui établissent la correspondance entre le son entendu et sa transcription écrite sont acquis, ce qui libère du « cerveau disponible » pour que l’enfant réussisse à assimiler mieux la complexité particulière de la langue française.
Et cette facilité d’apprentissage s’étend ensuite à l’acquisition d’autres langues par les cerveaux perméables qui sont ceux des enfants, alors que nos cerveaux d’adultes sont eux devenus tellement bloqués ! •