Le 11 avril, comme annoncé, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi ont été rapprochés à la prison de Borgu. Leur retour en Corse marque une étape d’un combat de plusieurs années mené par l’Associu « l’ora di u ritornu » créée par leurs proches pour appuyer leurs demandes de rapprochement en Corse et d’aménagement de peines. Mais il aura fallu le drame de l’assassinat sauvage d’Yvan Colonna pour que cette mesure, pourtant inscrite dans le droit fil de l’application du droit, devienne enfin réalité.
Ce rapprochement était aussi le premier point du relevé de conclusions signé par Gilles Simeoni et Gérald Darmanin à l’issue du déplacement de trois jours sur l’île du ministre de l’Intérieur du 16 au 18 mars derniers. L’agression contre Yvan Colonna dans la nuit du 2 mars, la manifestation massive de Corti le 6 mars, ponctuée de violences, puis celle de Bastia le 13 mars, finie elle aussi dans un dur contexte de violences, puis l’enterrement d’Yvan après trois semaines de coma à Cargèse le 25 mars ont été une telle explosion d’indignation et de colère sur l’île que la question corse, obstinément mise sous l’éteignoir par Emmanuel Macron et ses ministres durant cinq ans, a occupé à nouveau la une de l’actualité politique de la France, malgré la concurrence de l’élection présidentielle, et malgré le calendrier international de l’Ukraine. Une nouvelle manifestation massive a eu lieu à Aiacciu le 3 avril, une semaine avant le premier tour de l’élection présidentielle. Les violences qui ont eu cours ont été la raison mise en avant pour reporter la première rencontre prévue, à la veille du premier tour du scrutin présidentiel, entre les représentants élus de la Corse et le gouvernement. Aussi, un mois après la signature du « relevé de conclusions » entre Gilles Simeoni et Gérald Darmanin, le retour en Corse des deux membres du commando Erignac, après 23 ans déjà passés en prison, est venu remettre le processus de discussion engagé sur ses rails.
Le traitement occulte de ce dossier des condamnés de l’affaire Erignac par l’État a causé de nombreux préjudices politiques. L’obstination au sommet du pouvoir à leur réserver un traitement particulier, directement inspiré par une volonté de vengeance d’État, a créé un climat délétère. L’agression contre Yvan Colonna soulève encore bien des questions, tant les conditions dans lesquelles son assassin a été laissé seul et libre de ses mouvements sont suspectes, malgré son statut de « DPS-islamiste radical », normalement le plus surveillé qui soit dans les prisons françaises. Les conditions de détention de l’agresseur, étonnamment libérales, au point d’en faire un auxiliaire rémunéré de la prison ; les multiples caméras de surveillance restées sourdes et aveugles durant les plus de dix minutes qu’a duré l’agression ; les responsables pénitentiaires incapables de donner une seule explication crédible à tous ces manquements ; tout cela fait penser à beaucoup que la mort d’Yvan Colonna n’est pas aussi fortuite que ce qui est officiellement proclamé.
De retour en Corse, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sont désormais plus proches de leurs familles, qui peuvent les visiter, et dans un milieu carcéral où ils n’encourent pas les mêmes risques qu’Yvan Colonna à Arles. Ils sont éligibles à des mesures de liberté conditionnelle, et le véto occulte mis par l’État, au détriment de la chose jugée, devra être levé.
C’est en tous cas une des conditions pour que le dialogue à venir puisse progresser et nous rapprocher d’une solution politique. •